La guerre de l’information contre les opérateurs téléphoniques

Afin de discuter de l'impact éventuel sur la santé des ondes-électromagnétiques,  opérateurs de téléphonie, organismes publics, élus, représentants des collectivités territoriales, fabricants de téléphones mobiles, associations et organisations syndicales ont été invités à s’exprimer lors d’un « grenelle du mobile » débuté le 23 avril 2009, et ayant pour thème « Radiofréquences, santé et environnement ». Les scientifiques ayant réalisé des études sur le sujet ne pourront pas intervenir et suivront les débats par voie de presse car on a « oublié » de les inviter. Les discussions portent sur les dangers pour la santé humaine, réels ou suspectés, des ondes radio émises par les téléphones, les antennes relais et les appareils Wi-Fi. Officiellement, c'est le Premier Ministre, François Fillon, qui a voulu cette série de rencontres, dans un contexte où l'inquiétude monte face à ces antennes qui inondent l’environnement en ondes radio. Devant la multiplication des plaintes et l'inquiétude grandissante des citoyens, les pouvoirs publics se devaient de faire quelque chose. Ainsi, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’économie numérique, à l’origine de cette idée de table ronde, a souligné que personne n’est satisfait de la situation actuelle, et que la réglementation a besoin d’être remise à jour. Les antennes relais sont-elles dangereuses pour la santé ? Qui,  lors de ces rencontres, exprimera ce point de vue sur la possible dangerosité des antennes relais puisque les scientifiques sont les oubliés de ce Grenelle-là ? Pourquoi ne sont-ils pas inviter ? Par manque de preuves claires... En effet, officiellement, aucune étude scientifique ne démontre la nocivité des antennes.
Les associations, et en particulier les Robin des Toits, cherchent-elles  une explication scientifique à leur douleur physique  (qui serait liée à l’électro-sensibilité) et une solution politique à leur situation ? Combat judicieux  car elles se  plaignent devant les tribunaux et au nom du principe de précaution, la justice leur donne souvent raison. Qui plus est, elles viennent de trouver un allié de poids. En effet, le Parlement européen a  adopté le jeudi 2 avril 2009 (559 voix pour, 22 contres) un rapport de la députée Frédérique Ries sur les effets pour la santé des champs électromagnétiques. Son objectif ? Limiter dans l'ensemble de l'Europe les champs électriques, le seuil conseillé devant être désormais proche des 3 volts par mètre, une valeur déjà appliquée dans neuf pays membres, dont la Grèce, la Pologne ou encore la Belgique. Les autres pays de l'Union ont une limite actuelle de 40 volts par mètre. Ce rapport vise également à publier une carte montrant l'exposition à des lignes de haute tension, à des pylônes de télécommunication ou à des antennes de téléphone. Et sans même attendre la publication des résultats scientifiques, le rapport préconise l'implantation des antennes-relais à une distance supérieure - à définir - des écoles et des établissements de santé.
A contrario, il s’avère que  le  démontage d'antennes génère une vraie inquiétude des pouvoirs publics et des opérateurs de téléphonie, celle de voir l'irrationnel l'emporter sur la raison. En effet, au-delà des risques de santé publique, l’enjeu de ces débats, en l’occurrence de la reconnaissance ou non de ces ondes comme dangereuses,  n’est-il pas de mesurer l’impact économique qui pourrait s’avérer  énorme pour l’Etat et les opérateurs ?
En effet la situation des opérateurs  est paradoxal : d'un côté l'Etat leur impose de couvrir la quasi-totalité du territoire, de l'autre les associations, sont de plus en plus nombreuses à demander, voire obtenir, le démontage d'antennes.  Or, il n'y a pas de téléphone mobile sans antenne-relais. Ces réseaux coûtent cher -plusieurs centaines de millions d'euros par an- à l'Association française des opérateurs mobiles (Afom) et continuent de s'étendre, en campagne, pour servir les zones blanches (non couvertes), et en ville pour éviter les saturations. Réduire l’intensité des antennes-relais aurait pour conséquence de devoir augmenter la puissance des téléphones, ou de multiplier le nombre d'antennes-relais. Cette seconde hypothèse présenterait un surcout inenvisageable pour les opérateurs télécom, et surtout n'aurait aucune garantie d'effet réel sur le plan sanitaire. De plus, il est à noter que les licences des opérateurs leur imposent de couvrir environ 99% de la population. Pour tout site non-ouvert par rapport à leur licence, la sanction financière est de 40 000 euros. Ils ont l’obligation paradoxale d’assurer une bonne couverture, des clients qui demandent une meilleure qualité de réception, des besoins en haut débit mobile qui explosent, et de l’autre des décisions de justice qui vont dans le sens contraire. Quant à l’Etat, reconnaître l’électro-sensibilité comme une maladie invalidante pourrait générer des coûts non négligeables pour  le Ministère de la Santé. Par ailleurs, déclarer les ondes électromagnétiques nuisibles pourrait ralentir le plan de développement de l’économie numérique à l’horizon 2012 présenté en octobre 2008, par Eric Besson, prédécesseur de Nathalie Kosciusko-Morizet. L’Economie numérique est en effet reconnue dans ce rapport comme le secteur le plus dynamique de l’économie mondiale et le principal facteur de gain de compétitivité des économies développées.
D’autres pays européens, comme la Suède connaissent d’ores et déjà ces conséquences. « Les révoltés des ondes » y sont reconnus comme électro sensibles. On a admis depuis longtemps que leur mal était pour eux un handicap et qu'il devait être traité comme tel. En attendant de comprendre pourquoi. Ainsi, une  association, la FEB, qui compte 2 500 adhérents et fait partie de la Fédération nationale des handicapés, en s'appuyant sur une enquête des années 1990,  pense qu’ils sont près de 300 000 électro sensibles en Suède.  L'Etat  suédois se garde aujourd’hui de donner des chiffres. La force des électro sensibles suédois, c'est qu'ils étaient là avant l'avènement du téléphone portable et de la Wifi. A une époque où revendiquer cette maladie n'était pas une menace pour l'industrie. Les autorités ont depuis compris leur erreur en reconnaissant que ces gens sont malades mais qu’il n’y avait aucune preuve scientifique que ces symptômes soient causés par les champs électromagnétiques. Lars Mjönes, le représentant de la SSI (Radio Protection Suédois Authority) explique l’ardeur des militants des Vagbrytaren, ces "briseurs de vagues" qui s'opposent à la construction d'antennes relais, par la peur endémique de l’innovation technologique. Selon lui, les gens ont d'abord eu des ordinateurs, puis des portables, de la technologie 3G, de la Wifi.
Alors, la peur des ondes électromagnétiques, mythe ou réalité ? S'agit-il d'une grande peur millénariste comme on en a vu tant éclore ? Difficile de ne pas remarquer en tout cas que la majeure partie des crédits alloués aux équipes de recherche va à ceux qui pensent que les ondes sont inoffensives. Et que ce sont les mêmes noms que l'on retrouve un peu partout dans les collèges d'experts… Est-ce parce qu'ils sont dans la vérité? Ou parce que leurs conclusions sont bonnes pour l'économie? D’aucuns pensent que les risques du téléphone sont une question plus préoccupante que les antennes-relais, alors qu’il y a moins de mobilisation des associations sur ce sujet …Pourquoi une association française  comme les Robin des Toits n’a pas choisi ce combat ? Il y a une bonne raison à cela ….

Catherine RENEVOT

Sources :
Figaro 23 avril 2009  page 11 : Bachelot : «  le portable est plus préoccupant que les antennes »
http://www.challenges.fr/actualites/high_tech/20090416.CHA2992/le_grenelle_du_mobile_demarre_prudemment.html
http://www.metrofrance.com/ma-vie/prudence-et-patience-au-grenelle-du-mobile/midw!dcIwpSRCI1Cks/
http://sante-medecine.commentcamarche.net/actualites/europe-le-parlement-vote-pour-eviter-les-risques-potentiels-des-champs-electromagnetiques-108938-actualite.php3
http://www.zurbains.com/les-antennes-relais-sont-plus-dangereuses-a-distance_2D5D8D4475B273.html
http://www.zurbains.com/grenelle-du-mobile-devenu-une-simple-table-ronde_7CB56AA1528F50.html
http://www.next-up.org/pdf/telephonie_mobile_sante_oms_special_suede_next_up_org_france.pdf
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/technologie-1/d/le-grenelle-des-ondes-antennes-et-telephones-mobiles-en-accusation_19045/
http://www.robindestoits.org/Mises-en-cause-de-l-expertise-officielle-sur-les-dangers-de-la-telephonie-mobile_a546.html
http://www.mobinaute.com/268870-antenne-relais-sante-parlement-europeen-mele-scientifiques-expriment.html