L’Imposture Américaine ou la fin de l’Histoire américaine, par Jean-Philippe Immarigeon

L’Imposture Américaine, dans une démonstration choc sur la fin du rêve américain. Ironique, il dénonce la soi-disant posture de renouveau de l’Amérique, incarnée par l’arrivée d’un Président, attendu et acclamé, Barack H. Obama. Pour utiliser ses mots, « le nom d’Obama est devenu en l’espace d’une nuit le Prozac d’un monde abasourdi par sa faillite écologique, alimentaire, économique, industrielle, financière, sociale, politique et morale ». Une telle description du monde fait craindre une démonstration où l’emphase n’envie rien à l’exagération. Si le premier chapitre est décevant, les suivants montrent un long travail de réflexion soutenu par une culture générale forte, même si les références historiques et culturelles abondent au prix de leur clarté.

Paul Kennedy avait lancé la mode avec succès.

Une harangue contre l'Amérique

Le premier chapitre, au ton pamphlétaire, où même une écriture vive et fluide ne suffit pas à faire accepter un message qui manque de mesure, fait preuve d’une hargne et d’une simplification qui brouillent tout message. L’auteur s’en prend aux Etats-Unis sans pour autant faire preuve du moindre esprit critique constructif. L’OTAN devient « un cadavre de la guerre froide simplement mis au congélateur depuis la chute du mur de Berlin » et la Russie, un ogre convalescent face à une Amérique incapable d’intervenir pour sauver la Géorgie. Le risque est alors de refermer l’ouvrage sans étudier plus loin des raisonnements surprenants même s’ils sont, bien entendu, sujets à débats. En passant par l’héritage cartésien de l’Amérique au procès du capitalisme, l’auteur propose quelques éclairages intéressants sur cette puissance dont il prédit la chute malgré une façade pleine d’espoirs, incarnée par un Président-vedette internationale. C’est une vive critique des fondements intellectuels et sociaux d’une Amérique qui évolue.

L'Amérique de Descartes

Immarigeon se penche sur l’état d’esprit américain pour en dévoiler les failles sous un angle inattendu : les Etats-Unis seraient le royaume de l’application forcenée des systèmes hypothético-déductifs de René Descartes. Partant de l’idée que l’homme américain se perçoit comme un homme neuf, il en fait le terrain privilégié d’un questionnement dénué d’à-priori permettant de retrouver des vérités fondamentales et élémentaires. L’idée est bonne et mérite que l’on s’y arrête. Si l’on revient au projet des ‘Founding Fathers’, on découvre une philosophie inspirée par un retour aux sources et une reprise d’éléments pervertis par la culture européenne : la démocratie grecque. Créer un modèle parfait en évitant les erreurs du continent tout juste quitté. Les deux idées ne sont pas antithétiques et expliquent chacune à leur façon l’image que l’on se fait du messianisme et de l’universalisme américains, qu’on lui donne pour base le retour aux sources ou le concept du ‘born again’, de l’Homme sans Histoire. Cet usage quelque peu totalitaire de la pensée cartésienne s’appuierait sur la croyance en un déterminisme profond, qui a trouvé un appui facile dans le calvinisme dont l’Histoire du pays est imprégné.

Le capitalisme en accusation

Il se lance ensuite dans un réquisitoire contre le capitalisme américain, accusant ses penseurs de refuser l’évidence de son échec, lui imputant toujours des causes perturbatrices extérieures à son principe. Cette « idéologie de marché » trouve un appui secourable dans des institutions américaines qui auraient été conçues pour soutenir le capitalisme et le libéralisme. Dès sa conception, l’Amérique aura été prévue « utilitariste et pragmatique», un pays créé à partir d’une théorie… erronée ?

Hegel en Amérique

Sur cette base branlante d’un modèle qui ne saurait être juste, l’Amérique voit aujourd’hui son déclin. Ce livre signe la fin, non pas de l’Histoire, mais d’une Histoire, dans un tempo très hégélien.

La promesse d’égalité intrinsèque des Hommes, qui est la base du pacte de 1776, est un postulat erroné, et la France, elle, l’aura compris en assurant l’égalité devant la loi à des êtres dissemblables. Comme la mentalité et le modèle économique, la promesse sociale ne peut accomplir les attentes qu’elle a fondées. Rousseau se voit réalisé dans les frustrations aussi grandes que la faillite du bonheur promis en ces valeurs et idéologies. Barack Obama n’y changera rien.

Fukuyama, il assène la fin d’un monde américain dont le terminus serait Bagdad. L’emblème du renouveau, Barack Obama, n’est alors plus destiné qu’à être un « American Gorbatchev » qui va « guérir [l’Amérique] de son illusion providentialiste ». La promesse des Pères Fondateurs était fausse et ne peut être tenue. Les Américains ne pourront pas sortir d’eux-mêmes et leur Président doit avoir pour mission de leur faire faire le deuil des valeurs qui sont les raisons de leur crise.

Vaste programme qui ne semble pas vraiment être son projet. « Il ne sera pas une seconde fois l’Amérique » dit l’auteur, et l’on attend de savoir si cette prophétie choc va se réaliser.

JB