Le Mexique « si loin de Dieu, si près des Etats-Unis », le bon mot du dictateur Porfirio Diaz s’appliquait, il y encore peu, à toute l’Amérique Latine. Depuis 1823 et la création de ce que l’on a appelé la « doctrine Monroe », du nom du président américain en poste à l’époque, le continent américain était la chasse-gardée des Etats-Unis. Prétextant la protection du continent contre les visées impérialistes des Européens, les USA ont mis en place dès ce moment un véritable système visant à faire de l’ensemble de l’Amérique leur « arrière-cour » (1).
Ainsi, pendant plus d’un siècle et demi, la politique des USA en Amérique a consisté, tant par des opérations militaires que par de l’influence économique et politique, à détruire toute tentative d’implantation extra-américaine. L’on pense notamment à l’appui aux révolutionnaires lors des guerres d’indépendance de l’Amérique du Sud (Colombie, Argentine), qui se prolongea par un financement des insurgés mexicains lors de la guerre franco-mexicaine de 1861-67 pour finir par une intervention directe en 1898 des Etats-Unis contre l’Espagne pour l’indépendance de Cuba.
Au XXème siècle, le but ne fut plus tant l’expulsion des puissances coloniales que la colonisation économique du continent par les Etats-Unis puis, après la 2ème Guerre Mondiale, la lutte contre le communisme. Il est resté de cette époque des évènements bien peu glorieux puisque les USA n’ont pas hésité à installer par la force des régimes correspondant à leurs vues géopolitiques (Chili, Nicaragua, Panama, Salvador) et à former à la « contre-insurrection » les forces armées des dictatures de tous ces pays afin de lutter contre les mouvements révolutionnaires, avec les dérives que l’on connaît.
Cette mainmise des USA sur l’ensemble du continent semblait ne jamais devoir finir jusqu’au début des années 2000 et à la réorientation vers l’Asie-Moyen Orient de la politique étatsunienne. En effet, suite au 11 septembre 2001, la priorité fut mise dans la lutte contre le terrorisme islamiste et l’Amérique Latine se retrouva bientôt délaissée. Il n’en fallait pas plus pour que le continent retrouve de son autonomie.
Ainsi, on vit accéder au pouvoir dans les différents Etats des candidats de tendance socialiste (Lula au Brésil en 2002, M. Bachelet au Chili en 2006, A. Garcia au Pérou en 2006) voire franchement communiste (E. Morales en Bolivie en 2005) en passant par des nationalistes-marxistes (H. Chavez au Venezuela au pouvoir depuis 1999). De fait, l’édifice de l’influence étatsunienne en Amérique du Sud s’est tellement effrité qu’il a fini par s’effondrer.
quelques spécialistes, mais il marque une première dans l’histoire du continent. En effet, lors du sommet de Brasilia, 12 Etats d’Amérique Latine se sont entendus sur la création d’une union concurrençant la ZLEA (zone de libre échange des Amériques) sous domination des USA. Cette union, pour l’instant en plein développement, vise à créer enfin un front uni des nations d’Amérique Latine, incapables de résister seules aux pressions des grandes puissances mondiales.
A l’exception de la Colombie, dont le gouvernement est totalement pro-Etats-Unis puisque ces derniers contribuent de manière plus que significative au budget de l’Etat colombien via les subventions anti-drogue, toutes les grandes nations sont présentes : Brésil, Mexique (avec un statut d’observateur), Argentine, Chili, etc. Afin de présenter un aspect modéré au reste du monde, c’est la socialiste chilienne Michèle Bachelet qui a été élue présidente de la nouvelle union.
la dernière le 31 mars 2009 à Doha, afin de créer des liens entre les deux ensembles, tous deux menacés de devenir des réservoirs de matières premières pour les grandes puissances (USA, Russie, Chine). Les pays américains et arabes ont ainsi réaffirmé leur autonomie politique en s’exprimant sur divers sujets (Irak, conflit israélo-palestinien) mais aussi en cherchant à se rapprocher sur des problématiques économiques ; Rappelons que le Venezuela est un membre influent de l’OPEP.
apporté son soutien au président bolivien, montrant par la même leur unité.
Nul ne sait si l’UNASUR arrivera au bout de ses volontés (monnaie commune, parlement commun) compte tenu des différences de point de vue existant entre ses membres, mais il est certain que la création d’une telle union est un acte fort dans un continent jusqu’ici dominé par un seul Etat. La nouvelle gauche américaine montre son désir d’indépendance. Comment réagiront les USA ? C’est la grande question qui agite le continent.
Nicolas Mazzucchi
(1) Alain Rouquié, « La chasse-gardée des Etats-Unis ? » in l’Histoire n° 322, Paris, Juillet-août 2007, pp. 96-101.