Le port du Havre au cœur de la compétition portuaire mondiale

La mise en ordre de bataille de la façade océanique de l’hexagone pour prendre des parts de marché dans le domaine du fret maritime est un sujet récurrent qui a toujours abouti en France à des échecs retentissants. Plusieurs explications sont avancées par les spécialistes pour expliquer cette incapacité à contester la suprématie des ports d’Anvers et jadis de Rotterdam :

  • Les rivalités politiciennes locales qui ont empêché toute stratégie concertée au niveau national,

  • Les luttes menées par les syndicats d’obédience communiste qui ont constitué aux lendemains de la seconde guerre mondiale de véritables contrepouvoirs en verrouillant les organisations de dockers,

  • Les déficiences de réflexion stratégique des différents gouvernements qui se sont succédé sous la IVè et la Vè République,

  • La polarisation historique de la France sur les enjeux et les menaces du continent européen.


Ce ne sont pas les experts qui ont manqué pour mettre en avant les avantages économiques et géopolitiques à exploiter  dans une telle démarche. L’amiral Guy Labouérie a rappelé dans plusieurs de ses écrits l’importance de l’enjeu maritime pour un pays comme le nôtre. Il a fallu attendre plus d’un siècle pour le débat soit relancé avec le projet défendu par le Nicolas Sarkozy à propos d’un  axe
Paris, Rouen, Le Havre, « une seule ville dont la Seine serait la grande rue », comme le rêvait en 1802 Napoléon Bonaparte.

C’est l'architecte Antoine Grumbach qui a redonné vie à cette idée en la proposant à Nicolas Sarkozy dans le cadre des réflexions sur le Grand Paris.  « Toutes les grandes métropoles mondiales ont un port », affirme Grumbach, en présentant ses plans à l'AFP. Notons au passage que cette idée ne découle pas d’une réflexion menée par une task force d’experts du monde maritime mais d’un architecte qui réfléchit sur le désenclavement de la capitale de l’Ile de France. Si comme le dit le dicton, toutes les routes mènent à Rome, il est intéressant de noter ce paradoxe.

Dans ce dossier, toutes les cartes semblent déjà être jouées. Les hommes de confiance sont, semble-t-il, déjà placés aux endroits clés des conseils d’administration des instances de décision du port du Havre, en particulier. L’Etat peut faire pression sur les élus réticents de l’opposition qui verrouille la ville de Rouen et les conseils régionaux. C’est ainsi que Grumbach s'est donné pour objectif de mettre Le Havre à 55 minutes de La Défense en train, alors qu'actuellement il faut plus de 2 heures pour rejoindre le port distant de 200 km, sans compter les retards fréquents sur cette ligne.

Le chef de l'Etat livrera le 29 avril sa vision de l'avenir à long terme de l'agglomération parisienne. Selon l’AFP, le projet "Seine métropole" de Grumbach est soutenu par le maire du Havre Antoine Rufenacht, qui rappelle au passage que le principal débouché maritime de Paris, n’est pas un port français mais le port belge d’Anvers. En ces temps de crise économique durable, la redynamisation des territoires de l’hexagone passe par de nouvelles stratégies ; Espérons que sur un tel sujet, les experts du monde maritime aient leur mot à dire et osent pour une fois dépasser leurs contradictions historiques et idéologiques.

Sources :
AFP
Guy Labouérie, Penser l'océan avec Midway, éditions l’Esprit Libre, 2007.
Guy Labouérie, De l’action, éditions Economica, 2001.
Guy Labouerie (vice-amiral d’escadre), Défense et océans, Paris, ADDIM, 1994.