Le faux recul du secret bancaire

A l’approche du G20, dans un contexte de crise majeure, les États ont plus que jamais besoin de s’assurer que leurs recettes rentrent bien dans les caisses : la chasse à la fuite des capitaux et à la fraude fiscale est donc ouverte. Via les normes de l’OCDE, la communauté internationale fait pression. Dans sa ligne de mire : le secret bancaire. Elle se félicite déjà des avancées obtenues, constatant la capitulation amorcée ou annoncée par nombre de paradis fiscaux. Mais ne crie-t-elle pas victoire trop tôt ?  « Je me réjouis de cette décision, qui est une décision sage (…) Cela prouve que la fermeté et le volontarisme dont nous avons fait preuve avec Mme Merkel porte ses fruits ». Voilà comment Nicolas Sarkozy accueille l’annonce d’un fléchissement du secret bancaire en Suisse, au Liechtenstein, et en Andorre. Une réaction à l’image de celle de la communauté internationale, toutes les grandes puissances occidentales applaudissent. Mais les modalités d’obtention de renseignements sont encore floues… et c’est la que le bât blesse.

Un assouplissement du secret bancaire limitatif et sous condition.
Certaines cibles emblématiques, telles que la Suisse ou le Liechtenstein acceptent de donner des renseignements aux États étrangers, mais seulement sur la base de soupçons établis, étudiés au cas par cas. Or, une étude du Sénat des États-Unis a récemment estimé à 100 milliards de dollars par an le montant échappant au fisc via la Suisse, le Liechtenstein, les Bahamas ou les îles caïmans. En Europe, on parle d’une fourchette de 20 à 50 milliards d’euros par an pour des pays comme la France ou l’Allemagne. Au total, la masse d’actifs dissimulés est estimée à 10 000 milliards de dollars soit près de 8000 milliards euros, répartis dans plus de 400 banques, comptant deux tiers des hedge funds et environ 2 millions de sociétés écran. Il paraît donc raisonnablement impossible de monter des dossiers pour mener une action globale et efficace.

Un simple déplacement du problème sur l’échiquier des places financières mondiales.
De plus, seule une dizaine de places financières accepte de coopérer sur la cinquantaine de centres offshore que compte le monde de la finance. Silence radio des îles Caïmans, du Panama, ou même de Monaco. Hong-Kong et Singapour ont fait état de leurs bonnes dispositions en annonçant de nouvelles lois à l’étude mais y a-t-il une réelle volonté de transparence ?  On peut se poser la question quand on sait que la Chine défend le secret bancaire à Hong-Kong, un secret bien utile à son économie.  Et pour l’instant Singapour s’abrite derrière Hong-Kong. On assisterait donc plutôt à un déplacement du problème (fuite des capitaux) sur ces places financières opaques mais néanmoins crédibles.

Thomas Gueudet