La communication d’influence de Michel Edouard Leclerc ne masque-t-elle pas parfois les effets de pratiques commerciales condamnables ?

Selon le dernier baromètre « La Tribune – BVA – Leo Burnett », Leclerc est la 1° enseigne d’hyper dans les  « marques  qui changent la vie » et la 7° marque toutes catégories confondues, devant Leroy Merlin mais derrière EDF et Décathlon. Derrière ce résultat il n’est pas anodin de noter que la même étude indique que 78 % des sondés déclarent « aimer » L’enseigne Leclerc, mais que seulement 46 % pensent que Leclerc les aime. L’écart est significatif. Ce qui m’amène à poser la problématique de ce billet :
« Le succès d’une communication d’influence peut-il masquer la réalité de pratiques professionnelles jugées condamnables ? » Il est flagrant de constater la distorsion sensible entre d’une part la communication faite par le patron des centres Leclerc au travers de ces différents sites et blogs et lors de ses interviews dans les différents médias et les rappels à l’ordre qui lui sont faits à propos de ses méthodes avec ses fournisseurs. Nous allons prendre un exemple pour illustrer notre propos :
Dans son Blog, « De quoi je me MEL » Michel Edouard Leclerc précise deux de ces crédos dans son combat pour le pouvoir d’achat :
« Je refuse de céder à la paresse et à la facilité ; le danger serait de vouloir rester juste légèrement moins cher qu’un concurrent, alors qu’on pourrait faire beaucoup mieux »
« Si je laisse déraper les prix, je perdrais toute crédibilité et nos entreprises disparaîtraient. » Effectivement, le patron des Centres Leclerc milite entre autre pour la libre concurrence et la défense du pouvoir d’achat. Il justifie son action en se présentant comme le chevalier blanc des consommateurs français et donne l’image du gentil distributeur qui se bat contre des industriels qui ne pensent qu’à gonfler leurs marges. Et ça marche (L'enseigne d'hypermarchés a vu son chiffre d'affaires global augmenter de 6,7% sur l'année, à 34,7 milliards d'euros (+4,7% hors carburants, à 27,9 milliards). Donc que ce soit d’un point de vue qualitatif, en terme d’image, ou d’un point de vue quantitatif en terme de performances le bilan est plutôt positif pour l’enseigne.
Mais comment obtient-il ces résultats ?
Dans le Figaro du 12 février 2009  l’article d’Ivan Letessier fait état d’un avis de La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) relatif aux méthodes notamment du groupe Leclerc via sa centrale d’achat le Galec.  La pratique en question est d’imposer aux fournisseurs des contrats pré rédigés avec l’interdiction d’en changer un mot. Par ailleurs le CEPC accuse cette même centrale d’obliger les fournisseurs à garantir à l’enseigne Leclerc une marge de 25 % sur leurs produits quelque soit le prix de vente qui doit bien sûr être aligné sur le concurrent le moins cher. La commission de conclure par la voix de son président, Jean Paul Charié, « … Une telle pratique ruinerait toute l’économie de marché. Les premières victimes seraient les salariés et les consommateurs ? ». Jean Paul Charié est député UMP du Loiret  auteur du rapport sur le projet de loi de modernisation de l’économie. Ce dernier est également l’auteur d’un rapport d’information sur le lobbying.
Il est certain qu’avec la baisse des cours de matières premières et des prix de certaines denrées agricoles, les grands groupes industriels (Nestlé, Danone Coca Cola …) peuvent réduire leur marge, mais quid des PME et des agriculteurs ?  Pour le sixième mois consécutif, les prix des produits agricoles ont en effet baissé de 0,8% en décembre 2008, selon les informations de l'Insee publiées le mercredi 28 janvier 2009. En glissement annuel, le recul est évalué à 13,4%. Les prix des céréales se démarquent le plus avec un repli de 7,3% en un mois. Sur un an, ceux-ci ont reculé de 51,4%. En outre, il faut noter le recul du prix du lait depuis trois trimestres de 10%. N’y a-t-il pas là une contradiction entre le fait de vouloir défendre le consommateur contre la vie chère et des pratiques dont les effets peuvent s’avérer néfastes pour ces mêmes consommateurs que sont les salariés de ces PME moins bien armées pour négocier que les géants de l’industrie.
Parmi les combats de Michel Edouard Leclerc, il en est un qui manque singulièrement, c’est celui de l’éthique professionnelle, notamment dans ses rapports avec ses fournisseurs. « Exiger n’est pas négocier. La libre concurrence ce n’est ni la loi du chantage ni celle du plus fort. » dixit le président de la CEPC. Certes le ton est polémique mais le constat n’en est pas moins troublant.  Dans un entretien organisé par le Figaro sur la loi de modernisation de l’économie entre Jean Pierre Raffarin et Michel Edouard Leclerc, ce dernier précise : « Les PME sont très présentes dans nos rayons. Le risque pour elles n'est pas tant d'en être absent que le trop grand chiffre d'affaires que nous représentons pour elles. Il peut y avoir un problème de dépendance”. Si les PME sont si présentes sur les linéaires de Leclerc comment parvient-il à maintenir sur ces mêmes linéaires des prix défiant toute concurrence ? A quel prix soigne-t-il sa crédibilité vis à vis des consommateurs ?
On discerne donc un déséquilibre sensible entre une communication grand public donc l’objectif réel est d’accroitre ses parts de marché en surfant sur la vague de l’entreprise citoyenne, et des pratiques qui visent à détenir un avantage compétitif certain vis à vis de ses concurrents ? Voici sans doute un voie à explorer pour un lobby des PME qui reste assez discret sur la question  mais qui il est vrai est plus actif au niveau européen (Eurochambre, le lobby des PME à l’assemblée européenne).

Christian Duponchel

Sources
La Tribune – BVA – Leo Burnett  a publié une étude menée auprès de 4000 Internautes de 15 à 64 ans interrogés à l’automne 2008 sur 107 marques dans 8 univers et 16 secteurs. (cf. la Tribune du jeudi 12/03/2009 ).