Existe-t-il une pensée étatique sur Internet ?

Qui a pu échapper au grand débat qui entoure la loi « Création et Internet » de ces dernières semaines ? Vous ? Le moment est donc choisi pour faire un petit point sur elle.

“We are the champions !”
« La France est championne du monde du piratage », leitmotiv permanent dont les différents médias se font échos depuis plusieurs mois, voire années. Si il est vrai que les français font partie de ceux qui profitent le plus des systèmes d’échanges sur la toile (dont le célèbre P2P), reste néanmoins à définir clairement ce que signifie le terme « piratage ». Parlons-nous ainsi de ceux qui « crack » les logiciels ou de la mère de famille qui se retrouve avec des dizaines de MP3 en partage sur son disque dur parce qu’elle a installé un logiciel audio ?  Autre terme galvaudé depuis des années : « le téléchargement ». Splendide appellation dont les hommes publics se gargarisent depuis longtemps. Le « téléchargement » c’est mal ! Gardez-le pour dit. Mais de quoi parle-t-on, du téléchargement tout court, du téléchargement illégal ou des pubs vous incitant à grand coup de « téléchargements illimités » ou de connexion encore plus puissante pour mieux « télécharger » ? Hum. Grand moment d’ailleurs, mercredi dernier que l’intervention de M. Christian Paul (opposant à la loi en discussion) lorsqu’il dit que le problème du piratage n’est pas le seul fait du « téléchargement »  … duquel parle-t-il ? Loin de nous l’idée de défendre le vol perpétré sur Internet, mais lorsque l’on décide de légiférer, il semble normal de définir les termes avec précision, non ?

Un fil à la patte
La France télécharge, pirate, vole… bref se rend coupable de tous les maux de la terre. Pour combattre ce fléau… voici la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (Hadopi). Pour l’anecdote, dans sa dénomination, nous parlons bien de « droits » des œuvres/artistes pas de ceux des internautes … normal / pas normal ? Hadopi sera donc le fer de lance de la surveillance et répression des actes de piratage sur Internet. Quels sont ses moyens ? Peu détaillés hormis les fameux e-mails et recommandés … le système de repérage des internautes est quant à lui « un chouia » plus obscur. En effet, « un organisme indépendant » (NDLR : ahahaha!) sera chargé de « collecter les informations des contrevenants auprès des Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) » … comment ? Aujourd’hui pour tracer quelqu’un, il existe en effet de nombreux moyens. Cependant, la grande majorité des systèmes de « trace » sont illégaux (keyloggers, spyware, trojans, etc.).
Aussi, pour savoir si ce que la personne a téléchargé est bien un fichier illégal ou la vidéo du petit dernier qui fait ses premiers pas, il faut donc le modifier et y intégrer des systèmes de surveillance … dont l’internaute sera bien entendu informé ? Conformément à la « Loi Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978 défendue par la CNIL (Commission Nationale en charge de du respect de la vie privée notamment sur Internet), non ? Car si nul n’est censé ignorer la loi, l’acceptation par l’internaute de fournir ses données personnelles est sacrée sur Internet.

France : fais-moi mal !
La France est passée maîtresse dans l’art du masochisme, surtout envers ses entreprises. Ainsi, dans le cas des FAI, sociétés privées, elles deviennent demain l’outil de la répression… Attendons avec impatience de voir les premières condamnations tomber du fait de tel ou tel FAI pour voir l’évolution de ses parts de marché dans les semaines qui vont suivre… sans compter la publicité gratuite que lui feront les communautés en ligne. A titre de rappel, l’un des dernier pays où s’est appliqué la fourniture des données personnelles d’internautes est la Chine… revival d’une France Maoïste ?

« La loi est le dernier rempart de ceux qui n'ont rien à opposer »
Achevons quand même notre rapide panorama, sur une question importante : Pourquoi cette loi ? Pourquoi maintenant ? Certes elle couvait depuis longtemps, mais elle arrive quasiment avec 10 ans de retard.  En premier lieu, il n’est pas inutile de rappeler que l’industrie musicale et cinématographique pèse de tout son poids dans la balance (NDLR : accessoirement la première dame de France est artiste). Il est beaucoup plus facile de condamner les « pirates » en pensant faire remonter le niveau des ventes … que de réfléchir à des modèles de distribution complémentaires innovants (SpiralFrog par exemple). D’autre part, la dernière tentative de rappeler à l’ordre les internautes fût la mise en place du site lestelechargements.com en 2006. Un  site fait sur une initiative du ministère de la culture dont le but était de « créer un espace de dialogue libre entre créateurs et internautes » mais où l’internaute n’avait pas voix au chapitre. Disparu environ un an plus tard, il rapporta surtout 180.000 € à Publicis et restera dans les mémoires par sa fameuse soirée de lancement au palais de Tokyo (Maître Eolas m’en est témoin). Après l’échec cuisant  d’un mode Oui-Oui  sans réel moteur objectif, nous entrons désormais dans le mode Terminator…

Hadopi switched ON