Thomas Legrand, le Saint Just de France Inter

L’édito politique de 8h45 sur France Inter daté du jeudi 5 février 2009 est un modèle du genre. Revenant sur l’affaire Kouchner, Thomas Legrand a réalisé un exercice de haute voltige intellectuelle en fustigeant le style de Pierre Péan dans son dernier ouvrage "Le Monde selon K." publié chez Fayard. Ce dernier reproche à Bernard Kouchner des ambiguïtés au regard de "l'éthique et de la morale républicaines" qui contredisent son image de "chevalier blanc". Le blog du nouvel Obs revient sur certaines attaques lancées par Pierre Péan en citant des passages agressifs  comme celui-ci extrait des pages 276 et 277 de l’ouvrage incriminé :"Bernard, c'est bel et bien la haine du gaullisme et de la philosophie politique qu'il sous-tend: les valeurs de la Révolution française, de la Convention au Conseil national de la Résistance; celles d'une indépendance nationale honnie au nom d'un cosmopolitisme anglo-saxon, droit-de-l'hommiste et néolibéral (...). Objet d'une telle détestation, notre pays ne mérite plus, du coup, d'avoir une diplomatie ni une défense autonomes et souveraines. D'après cette "contre-idée de la France", notre vieux pays peut fort bien se passer d'un ministère des Affaires étrangères fort et indépendant, puisqu'il s'agit de suivre fidèlement les grandes impulsions venues de Washington."
Que nous dit Thomas Legrand ? Que Pierre Péan a un style douteux. Pour quoi pas.  Mais il va plus loin dans sa démonstration car il cite pour le démontrer le dossier du Rwanda sur lequel  la presse de gauche et le journaliste Saint Exupéry  proche du Président Kagamé (cf. L’édito de knowckers).  Cette méthode de l’amalgame est classique et elle réussit la plupart du temps. Bernard Kouchner n’est pas un saint et il est pris dans une affaire de conflit d’intérêt. C’est l’objet de l’ouvrage de Péan. Comme cette affaire dérange l’establishment politique et les médias qui l’entourent, la technique consiste à tuer l’information par l’information. Les remarques de Péan sur le personnage Kourchner deviennent presque plus importantes que l’affaire elle-même. C’est à ce jeu qu’a joué Thomas Legrand qui pour conclure son édito termine par la pirouette suivante : Kouchner ne risque rien car c’est la meilleure prise de l’Elysée à gauche. Ce type de réaction ne doit pas passer inaperçu. Rappelons pour mémoire que Pierre Péan et Philippe Cohen avaient sorti un ouvrage sur le quotidien Le Monde («La face cachée du monde, Du contre-pouvoir aux abus, paru aux Editions des Mille et un nuits en 2003). Très polémique, il révélait des pratiques « douteuses » du grand quotidien du soir, référence de l’éthique et de la déontologie journalistique, et de certains de ses animateurs comme Edwy Pleynel (aujourd’hui sollicité par France Info pour commenter l’actualité dans le débat du samedi avec  Alain Genestar). Le réquisitoire de Péan contre Le Monde lui a attiré une haine féroce d’une partie du microsome parisien qui n’aime pas qu’on le remette en place lorsqu’il franchit plusieurs fois la ligne blanche. Dans ces méandres informationnels, Thomas Legrand fonce bille en tête comme Saint Just pour distribuer les bons et les mauvais points. Il perd ainsi une partie de sa crédibilité journalistique en faisant dans le facile et en omettant de préciser les jeux d’influence divers et variés qui faussent la lecture des faits.

Sources :
http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/02/04/kouchner-les-passages-contestables-du-livre-de-pean.html
http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/02/04/le-monde-selon-k-de-pierre-pean-met-en-cause-bernard-kouchner_1150371_823448.html