Aude de Kerros est une artiste originale qui a déjà publié des analyses très pertinentes sur les stratégies d’influence culturelle. Elle a su prendre le recul suffisant pour analyser notamment la manière dont les États-Unis ont su se substituer à l’Europe dans la domination du marché de l’art au niveau mondial. Voici quelques-unes de ses réflexions récentes sur le sujet.
Extraits : "Les Etats-Unis sont la maquette du monde de demain, qui doit réunir dans la paix et la prospérité toutes les cultures." Son message : "Venez créer en Amérique, venez vous faire reconnaître, vous mêler à toutes les cultures, vous mettre en concurrence. Vous rentrerez chez vous auréolés de gloire et visibles par le monde entier !" New York n'est pas une capitale de l'art au sens où nous l'entendons en Europe : un lieu de culture, d'échanges intellectuel et artistique à caractère universel, où l'argent et la cote ne sont pas la finalité. Ce n'est pas le lieu privilégié d'une activité mystérieuse et désintéressée qui se nomme création. La notion de créativité, de production convulsive d'idées et de nouveautés propres à alimenter un marché spéculatif, une consommation de masse, base de l'économie. Le principe est : "Venez créer à New York, la production industrielle se fera dans le reste du monde. Nous comptons sur l'apport d'artistes venus de partout pour entretenir le nécessaire climat de créativité multiculturelle, fruit d'un grand métissage, source de prospérité universelle." La grande métamorphose de 2008 s'est ainsi caractérisée par l'émergence de l'Asie comme lieu de création et comme marché de l'art contemporain. Le Rapport 2008 - Marchés de l'art contemporain, publié par Art Price, constate que, sur les dix maisons de vente les plus importantes du monde, six sont chinoises, et que, sur les dix plus fortes enchères obtenues par des œuvres d'artistes nés après 1945, cinq sont celles d'artistes asiatiques. Un seul Américain se place dans les cinquante premières positions pour des artistes ayant connu leur première vente aux enchères cette année. Parallèlement, le marché de l'art contemporain à New York s'est effondré cet automne. La conséquence immédiate devrait être, faute de marché financier et de réseaux de consécration, le départ des artistes qui y vivent et y travaillent vers d'autres cieux. Shanghai ne le remplacera pas. Son fabuleux marché vient aussi de s'effondrer. Les défenseurs de la valeur du produit dérivé art contemporain, après avoir vanté ses qualités de valeur refuge restent pourtant rassurants : "L'effondrement du marché de New York n'est qu'une péripétie, la troisième du genre. Chaque fois le marché a rebondi." La crise a du bon : "Elle assainit le marché, elle est conjoncturelle et atteint tous les marchés de l'art sans distinction, y compris ceux de l'art ancien, impressionniste et moderne."
Ces affirmations "duchampiennes" visent à protéger l'AC, produit financier et médiatique ne reposant sur aucun critère vérifiable et compréhensible, fruit d'un délit d'initiés. Si le réseau souffre, la valeur s'effondre. L'amalgame fait entre l'art ancien et moderne ne tient pas. Sur ces marchés, seules les œuvres médiocres verront leur cote s'effondrer. Les critères d'évaluation existent. Ces divers marchés ne sont pas de même nature et ne connaîtront pas le même destin.
Le XIXe siècle s'est achevé par la guerre de 1914, c'est la "très grande crise" qui clôt le XXe siècle. Cet événement touche la planète entière. Tout le monde sait aujourd'hui que la finance ne dit pas la valeur réelle des choses. D'autres critères s'imposent. La crise révèle qu'il y a en réalité deux entités : l'"art" et le "financial art", dit art contemporain. La confusion sémantique s'évanouit. On peut distinguer désormais des artistes libres créant des œuvres destinées à des amateurs, fortunés ou non, dont la valeur se fait et se vérifie avec le temps, et des artistes au service de réseaux de collectionneurs hyper-riches, fabriquant les cotes en deux ans. Retour au réel ? En France, cet événement condamne une politique, menée par un corps de fonctionnaires de la culture, les "inspecteurs de la création", qui ont consacré, trente ans durant, 60 % du budget destiné aux acquisitions d'artistes vivants à l'achat dans les galeries new-yorkaises d'œuvres d'artistes "vivant et travaillant à New York". Ils ont conforté la place financière de New York et ruiné la place artistique de Paris, où des artistes du monde entier venaient aussi vivre et travailler. Dans ces circonstances, le projet faisant partie des "33 propositions pour relancer les artistes français sur la scène internationale", annoncé en octobre par la ministre de la culture et prévoyant la création d'une Villa Médicis à New York, paraît appartenir à une autre époque. »
La politique culturelle française est le reflet d’un manque d’intelligence collectif du monde politique. Il est significatif de voir le pouvoir politique actuel faire semblant de prendre des initiatives dans ce domaine où tout reste à faire. Ce n’est pas en nommant un intellectuel à un poste d’ambassadeur ou créant une villa Médicis à New York qu’on relancera sérieusement une politique d’influence qui n’est pas encore pensée.
Extraits : "Les Etats-Unis sont la maquette du monde de demain, qui doit réunir dans la paix et la prospérité toutes les cultures." Son message : "Venez créer en Amérique, venez vous faire reconnaître, vous mêler à toutes les cultures, vous mettre en concurrence. Vous rentrerez chez vous auréolés de gloire et visibles par le monde entier !" New York n'est pas une capitale de l'art au sens où nous l'entendons en Europe : un lieu de culture, d'échanges intellectuel et artistique à caractère universel, où l'argent et la cote ne sont pas la finalité. Ce n'est pas le lieu privilégié d'une activité mystérieuse et désintéressée qui se nomme création. La notion de créativité, de production convulsive d'idées et de nouveautés propres à alimenter un marché spéculatif, une consommation de masse, base de l'économie. Le principe est : "Venez créer à New York, la production industrielle se fera dans le reste du monde. Nous comptons sur l'apport d'artistes venus de partout pour entretenir le nécessaire climat de créativité multiculturelle, fruit d'un grand métissage, source de prospérité universelle." La grande métamorphose de 2008 s'est ainsi caractérisée par l'émergence de l'Asie comme lieu de création et comme marché de l'art contemporain. Le Rapport 2008 - Marchés de l'art contemporain, publié par Art Price, constate que, sur les dix maisons de vente les plus importantes du monde, six sont chinoises, et que, sur les dix plus fortes enchères obtenues par des œuvres d'artistes nés après 1945, cinq sont celles d'artistes asiatiques. Un seul Américain se place dans les cinquante premières positions pour des artistes ayant connu leur première vente aux enchères cette année. Parallèlement, le marché de l'art contemporain à New York s'est effondré cet automne. La conséquence immédiate devrait être, faute de marché financier et de réseaux de consécration, le départ des artistes qui y vivent et y travaillent vers d'autres cieux. Shanghai ne le remplacera pas. Son fabuleux marché vient aussi de s'effondrer. Les défenseurs de la valeur du produit dérivé art contemporain, après avoir vanté ses qualités de valeur refuge restent pourtant rassurants : "L'effondrement du marché de New York n'est qu'une péripétie, la troisième du genre. Chaque fois le marché a rebondi." La crise a du bon : "Elle assainit le marché, elle est conjoncturelle et atteint tous les marchés de l'art sans distinction, y compris ceux de l'art ancien, impressionniste et moderne."
Ces affirmations "duchampiennes" visent à protéger l'AC, produit financier et médiatique ne reposant sur aucun critère vérifiable et compréhensible, fruit d'un délit d'initiés. Si le réseau souffre, la valeur s'effondre. L'amalgame fait entre l'art ancien et moderne ne tient pas. Sur ces marchés, seules les œuvres médiocres verront leur cote s'effondrer. Les critères d'évaluation existent. Ces divers marchés ne sont pas de même nature et ne connaîtront pas le même destin.
Le XIXe siècle s'est achevé par la guerre de 1914, c'est la "très grande crise" qui clôt le XXe siècle. Cet événement touche la planète entière. Tout le monde sait aujourd'hui que la finance ne dit pas la valeur réelle des choses. D'autres critères s'imposent. La crise révèle qu'il y a en réalité deux entités : l'"art" et le "financial art", dit art contemporain. La confusion sémantique s'évanouit. On peut distinguer désormais des artistes libres créant des œuvres destinées à des amateurs, fortunés ou non, dont la valeur se fait et se vérifie avec le temps, et des artistes au service de réseaux de collectionneurs hyper-riches, fabriquant les cotes en deux ans. Retour au réel ? En France, cet événement condamne une politique, menée par un corps de fonctionnaires de la culture, les "inspecteurs de la création", qui ont consacré, trente ans durant, 60 % du budget destiné aux acquisitions d'artistes vivants à l'achat dans les galeries new-yorkaises d'œuvres d'artistes "vivant et travaillant à New York". Ils ont conforté la place financière de New York et ruiné la place artistique de Paris, où des artistes du monde entier venaient aussi vivre et travailler. Dans ces circonstances, le projet faisant partie des "33 propositions pour relancer les artistes français sur la scène internationale", annoncé en octobre par la ministre de la culture et prévoyant la création d'une Villa Médicis à New York, paraît appartenir à une autre époque. »
La politique culturelle française est le reflet d’un manque d’intelligence collectif du monde politique. Il est significatif de voir le pouvoir politique actuel faire semblant de prendre des initiatives dans ce domaine où tout reste à faire. Ce n’est pas en nommant un intellectuel à un poste d’ambassadeur ou créant une villa Médicis à New York qu’on relancera sérieusement une politique d’influence qui n’est pas encore pensée.