Le débat sur le Grenelle de l’environnement

La prise en compte de l’empreinte écologique de l’activité humaine est devenue un véritable leitmotiv pour l’ensemble des gouvernements occidentaux avec comme toile de fond les objectifs fixés par le Protocole Kyoto. Le Grenelle de l’Environnement, approche typiquement française, est ainsi la traduction idéologique hexagonale de ce vertueux plan planétaire. Il a été bâti sur différents recueils (experts, politiques…) et a ainsi donné le jour au Grenelle 1, fixant trois objectifs à l’horizon 2050, conformes au Protocole de Kyoto :

Objectif 1 - 20 % d’énergie(s) renouvelable(s) : Il s’agit de couvrir 20 % des besoins énergétiques de la France d’ici à 2020 par le recours aux énergies renouvelables. À défaut de réelles ruptures technologiques, la politique retenue par la France consiste à promouvoir par des encouragements financiers des moyens de production présentant, lorsqu’ils sont observés dans leur intégralité, peu de solutions écologiquement viables. L’implantation de champs éoliens, 2 000 tonnes de béton et 260 tonnes d’aciers par éolienne pour une puissance de 2 000 kW, en est un exemple significatif, sans évoquer leur besoin d’être complétées en l’absence de vent par des centrales thermiques. Il en va de même pour la technologie solaire qui est soumise à une double contrainte : la raréfaction des ressources exploitables en silicium dites « faciles » au vu de l’engouement du marché, les difficultés à recycler ce minerai en fin de vie. D’autres options sont envisagées comme la production électrique par l’hydraulique, le recours à la pile à combustible… Pour les ressources hydrauliques, l’ensemble des sites en capacité d’accueillir ce type de technologie est en exploitation à ce jour en métropole. Quant aux nouvelles technologies, elles ne présentent aucune rentabilité financière à court et moyen terme. Le recours à la subvention pour l’éolien et le solaire permet aujourd’hui de rendre ces approches économiquement acceptables. Nos élus, à des fins parfois douteuses, ont aujourd’hui la part belle pour se lancer sur ce type de technologies pour l’équipement des bâtiments communaux mais il ne faut pas oublier qui paye : ce sont les clients d’EDF ! En effet ce « sponsoring » discutable se traduit par une ligne de prélèvement obligatoire sur l’ensemble des factures de l’électricien historique : la Compensation de charges du Service Public de l’Electricité – CSPE – qui a représenté un prélèvement sur les factures des abonnés en 2007 de 2 200 M€. (Source : http://www.sauvonsleclimat.org/documents-pdf/CSPE%20siphonage.pdf)

Objectif 2 - 20 % de GES en moins d’ici à 2020 : ce deuxième objectif est à mettre en rapport avec la surface géographique de la France et de l’impact de sa politique locale ramenée à l’échelle de la planète. Pour éclairer cette approche, des pays comme l’Inde, la Chine et autres émergents affichent des croissances économiques élevées depuis une dizaine d’années. Ces pays se sont construit un véritable trésor de guerre par l’exportation de leurs produits à bas prix. Cette croissance s’est faite en s’affranchissant de toute norme environnementale sur les sites de production. À présent, le niveau de vie des populations de ces pays a augmenté et aujourd’hui chaque chinois, chaque indien veut légitimement posséder son téléphone GSM, sa voiture… Ce scénario infernal, au vu de la taille des pays cités rend obère les aspirations françaises dans le domaine des baisses des Gaz à Effet de Serre en raison du déplacement des masses gazeuses dans l’atmosphère et de l’insignifiance de l’action française ramenée à l’échelle du globe.

Objectif 3 - 20 % d’économie d’énergie d’ici à 2020 : la baisse de la consommation d’énergie est essentiellement liée à un travail de fond sur la rénovation du parc des bâtiments français (isolation du bâti, régulation des modes de chauffage, changement de comportement des utilisateurs…). La sphère publique est, comme de coutume, attendue sur ce point au titre de l’exemplarité (rénovation des bâtiments de l’État, du patrimoine des Collectivités territoriales…) mais le problème de fond reste le financement, une fois de plus. En effet, avec la loi de décentralisation (loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République française) les collectivités disposent de moyens extrêmement limités pour investir sur leur parc. La seule issue à court terme pour les élus est donc de faire appel au financement privé via des modèles économiques de type Partenariat Public Privé (PPP ou Contrat de Performance). Cette approche présente un risque quant à l’autonomie, pour ne pas dire l’intégrité, des politiques qui risquent de se mettre dans la dépendance de la sphère privée pour des durées allant jusqu’à 25 ans. Seuls les grands groupes du marché liés au domaine de la construction ou de l’énergie disposent de la surface financière nécessaire pour couvrir de tels investissements et il est aisé d’imaginer l’approche marketing qui serait faite par les dirigeants de ces groupes en fonction des mandats des élus en place et de la proximité d’échéances électorales.
Le 21 octobre 2008 le projet de loi relatif au Grenelle de l’environnement (« Grenelle 1 ») a été voté en première lecture par les députés à l’Assemblée nationale avec succès. Cette étape législative a été affichée comme une victoire par le gouvernement et le Ministre Borloo.  Seulement, le Grenelle 1 n’évoque que de grandes orientations (autrement dit, la feuille de route), tandis que le Grenelle 2, qui évoque des mesures plus détaillées, devrait faire l’objet de discussions plus acharnées, car il touche au principe de réalité : les obligations des élus quant  à la loi et le financement des grands travaux qui sont estimés à 400 milliards d’euros d’investissements pour mettre en œuvre le Grenelle d’ici à 2020, le tout dans un contexte économique difficile. Le Grenelle 1 n’est qu’une petite du long chemin qu’il reste à parcourir … si tant est qu’il puisse l’être un jour.