La couverture médiatique sur les élections américaines a doublé. On pourrait croire que cette augmentation des articles traduit un renforcement de l’attention de la presse mondiale sur l’évolution de la politique suivie par la première puissance mondiale. A la lecture des articles en question, on déchante rapidement. La très grande majorité des journalistes qui couvrent les élections présidentielles américaines traite la forme et oublie le fond. La forme, c’est l’originalité d’un candidat qui peut devenir le premier Président noir des Etats-Unis d’Amérique. Le fond, c’est l’avenir de la superpuissance américaine dans le jeu des rapports de force entre puissances. Les commentaires les plus poussés notent que les deux candidats ne divergent pas sur la question essentielle qui est de préserver l’avenir de la puissance américaine. On s’en doutait un peu. Mais hélas d’une manière générale, on reste sur sa faim. Qu’en est-il de la question de fond ? Les Etats-Unis sont aujourd’hui au tournant de leur histoire car ils traversent une crise majeure à plusieurs dimensions.
La première est la crise de leur modèle économique. L’éthique protestante du capitalisme, comme l’a analysée Max Weber, est morte. La faillite du système financier et bancaire à la suite du processus toxique des subprimes révèle l’incohérence d’un modèle économique qui se voulait constructif et socle incontournable de l’avènement des régimes démocratiques. Ce levier de l’influence culturelle américaine est gravement affaibli par tous les comportements pervers de ces animateurs sans oublier le système éducatif qui le promeut à travers le monde. Contrairement à ce que prétendent ou rêvent secrètement certains, cette faille ne va pas s’estomper aussi vite qu’on le croit sur les places boursières. La seconde crise est géopolitique. Les Etats-Unis ont pris tous les risques pour assurer leur suprématie sur l’accès au pétrole. Et ils ont perdu. Leur repli annoncé d’Irak est plus qu’un camouflet. Ils démontrent par cet acte qu’ils ne peuvent assumer le coup d’une intervention militaire de longue durée. Après leur défaite au Vietnam, ce second revers aura des conséquences de long terme. Un empire qui recule est un empire qui s’affaiblit. L’Histoire est là pour nous rappeler ce que cela signifie.
La troisième crise est d’ordre géoéconomique. La coalition entre l’Amérique du Nord et l’Europe a pu stopper l’expansionnisme commercial du Japon au début des années 90. Un bis repetita à l’égard de la Chine est plus qu’aléatoire dans la mesure où le monde est devenu multipolaire. D’autres puissances sont en embuscade pour tirer profit des difficultés américaines : la Russie, l’Iran mais aussi et de manière plus discrète le Brésil, le Japon ainsi que les économies émergentes qui inaugurent de nouvelles formes d’alliance dont la force a été démontrée lors de l’échec des deux dernières négociations au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce. L’endettement abyssal des Etats-Unis et leur manière de vivre sur le dos des autres ne sont plus des non-dits dans la vie politique internationale. Ce changement de ton rappelle les dissensions apparues au sein de l’empire romain entre le Sénat de Rome et les provinces éloignées de l’empire.
les Boers. Les Etats-Unis pourraient perdre le consensus des élites occidentales en continuant à considérer l’Europe comme quantité négligeable dans les enjeux stratégiques majeurs. Les deux candidats à la Présidence américaine ont démontré sur ce point une convergence de vue qui inaugure mal une approche plus judicieuse d’un risque de déclin. Aveuglés par leurs priorités pétrolières et la menace asiatique, les dirigeants américains oublient une règle élémentaire de la stratégie à savoir qu’un vassal méprisé est un allié incertain.
Christian Harbulot