Les Etats sont en train de sauver les banques mais vont-ils sauver les entreprises ? Telle est la contradiction redoutable que vont affronter les politiques dans les mois qui viennent. Que va penser la personne qui a perdu une partie de ses économies à cause des produits toxiques lorsqu’elle va découvrir qu’elle risque de perdre son emploi et qu’elle ne pourra plus payer les études de ses enfants ? Les Etats n’ont pas de plan B pour leur venir en aide. Alors comment leur expliquer que le seul plan de secours possible était réservé aux banques, celles justement qui sont à l’origine de leur descente aux enfers. Les banques s’apprêtent à liquider les biens immobiliers de 7 millions d’Américains en plus des personnes déjà touchées par la crise des subprime. Aux Etats-Unis, on est entré dans une dynamique totalement absurde. Les banques préfèrent se débarrasser de ces biens encombrants en faisant expulser leurs propriétaires alors que ceux-ci pourraient rembourser entre 30 et 70% de la valeur de ces biens immobiliers. Autre conséquence absurde, la plupart de ces maisons sont ensuite détruites car il n’existe pas assez de personnel compétent dans les banques pour gérer les créances dépréciées. Les quelques associations caritatives qui tentent de venir en aide à une minorité de personnes touchées par cette crise, n’atténuent guère l’ampleur du problème. Autrement dit, le modèle américain est entré dans l’absurde et cet absurde est communicatif car il peut franchir l’océan atlantique. Il est donc urgent que les banques françaises passent à une démarche d’anticipation pour éviter d’être victimes du choc émotionnel qui sera beaucoup plus fort en France qu’aux Etats-Unis. L’opinion publique ne comprendra pas que l’Etat sauve les banques et ne puisse rien faire d’équivalent pour les entreprises qui méritent d’être sauvées. Une des trois grandes banques françaises est en train de réfléchir à une restructuration totale de son fonctionnement en séparant les fonctions de banque de dépôt, banque d’investissement et banque de marché. Il s’agit en l’occurrence de mettre les clients à l’abri des logiques spéculatives. Cette initiative est intéressante. C’est un premier pas vers plus de cohérence. Mais que font les deux autres et quelle concertation stratégique sont-elles capables d’avoir entre elles pour tenir face aux coups de boutoir de leurs consœurs allemandes et anglaises ? Devant un tel danger de dérapage incontrôlé de l’opinion public, il faudra faire beaucoup plus que ce qui est à peine entamé aujourd’hui. Une fois sauvées, les banques doivent aider à sauver les entreprises. Ce plan Marshall à la française est une démarche de survie pour le développement de notre pays. Sans un tel message fort lancé par les banques, la France risque de sombrer à son tour dans le monde de l’absurde, à un détail près : cela finit ici toujours plus mal qu’ailleurs.