Si les Irlandais votent non à la nouvelle mouture du Traité simplifié, il est nécessaire d’en tirer dès maintenant les enseignements qui sautent aux yeux. Après avoir pris (subventions européennes), les Irlandais ne veulent pas donner (subventions aux nouveaux entrants dans l’Union). Cette attitude n’est pas propre aux Irlandais, elle est commune à l’ensemble des peuples qui composent l’Europe. Si le communisme a échoué, ce n’est pas seulement un problème d’erreur stratégique de la part de ses promoteurs, c’est surtout une incompatibilité fondamentale entre les aspirations suscitées par l’individualisme et les contraintes imposées par la recherche de l’intérêt collectif. Cette vérité se vérifie aujourd’hui au niveau de l’Europe à 27. Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, les fondateurs de l’Europe comme Jean Monnet ont voulu initié une démarche de prospérité économique qui garantirait les assises d’une paix durable dans cette région du monde. La pérennité de cette stratégie était conditionnée par le maintien et l’accroissement du niveau de vie des Européens. Jean Monnet n’avait prévu les bouleversements qui sapent actuellement les bases de son projet. Les enjeux autour du pétrole (contrôle géopolitique des gisements, spéculations sur les prix, les retombées sur le pouvoir d’achat et le mode de vie des citoyens), les hausses du cours des matières premières et les conséquences des délocalisations fragilisent le statu quo qui prévalait jusqu’à présent dans la construction d’un marché commun. La real politik économique appliquée par le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) à ‘égard de l’Union européenne réduit d’autant plus ses marges de manœuvre dans les tentatives de relance de la croissance dans les pays en difficulté du vieux continent. Les accords bilatéraux signés par l’Allemagne avec la Russie et la Suisse avec l’Iran sont les signaux faibles d’une politique du chacun pour soi. D’autres pays se préparent à faire de même malgré la pression des Etats-Unis qui cherchent à susciter une coalition européenne face à la Russie et l’Iran. La future Présidence française se présente sous des auspices plutôt peu encourageants dans un tel contexte. Il est clair que l’opinion publique française n’est pas dupe de cette situation préoccupante pour son avenir. Elle attend du pouvoir politique français autre chose que de la poudre aux yeux. Si le peuple irlandais dit non, il faudra revoir les objectifs de la politique française à moyen et long terme. Ce n’est pas pour l’instant le chemin sur lequel s’est engagée la classe politique. Tout autisme de sa part sur une question aussi cruciale la conduira au désastre.