Quelle est la stratégie de la Chine en Afrique dans le domaine des technologies de l’information ?

Le marché des TIC en Afrique
Les télécommunications sont un des atouts majeurs de développement de l’activité économique d’un continent. Mais en Afrique, elles souffrent du manque de développement général de l’Afrique. Le capital investi par habitant est de 2,2% pour l’Afrique contre 3,87% pour le monde, ce qui fait apparaître l’une des causes principales de ce retard du continent Africain dans ce domaine, coûteux d’un point de vue développement. Dans les années 80 à 90, les états africains se sont désengagés des entreprises de télécommunications fournissant principalement des lignes fixes aux abonnés.
Cependant, lors de cette libéralisation, ces états n’ont pas assuré le rôle de régulateur du domaine des télécommunications. Ces entreprises, devenus privées se sont, de ce fait, retrouver en situation de monopole et l’absence de concurrence n’a pas stimulée le marché.
La fixation arbitraire des prix n’a pas permis au marché de se développer et, en 2000, seul 2,48% des africains disposaient d’une ligne fixe. Encore aujourd’hui, les entreprises nées de cette libéralisation se développent peu au niveau international en Afrique et restent concentrées sur le périmètre de leur pays d’origine et éventuellement leurs voisins directs.
Les réseaux de télécommunications sont peu développés en Afrique. Les pays arrivant en tête au niveau des infrastructures étant l’Afrique du Sud, le Maroc et la Tunisie. Quelques faits sont parlants :
• La Tunisie a été classée au 1er rang des pays du Maghreb et au 32ème rang mondial des pays les plus compétitifs en matière de technologies de l’information dans le rapport mondial de Davos 2007-2008.
• Le Maroc lance la TNT en 2008 et l’opérateur Maroc Telecom va déployer une fibre optique entre la France et le Maroc.
• En Afrique du Sud, 70% de la population possède un téléphone portable.

Aux niveaux des services aux entreprises étrangères, se sont principalement développé les centres d’appels, le télémarketing et les services d’annuaires. Mais d’un point de vue général, l’Afrique manque cruellement de structures de réseaux. Ainsi l’Afrique de l’est est l’une des seules régions du monde à ne pas être équipé en fibre optique. La mise en œuvre de ces réseaux optiques fait partie des enjeux clés de développement de ces régions et des projets tentent de voir le jour, notamment au Kenya.
Le développement des télécommunications reste un enjeu stratégique du développement économique. Les gouvernements restent donc prescripteurs dans ce domaine.
Des actions sont entreprises par les ART africaines (autorité de régulation des télécoms) pour tenter de mettre en place cette régulation. Mais ces tentatives ont du mal à se concrétiser, pour des questions de budget et de formation. Ce type de technologies nécessite effectivement des mises à jour permanentes des connaissances et des anticipations des évolutions du marché.
Elles essaient cependant de fixer des cadres aux entreprises de télécommunications principalement en ce qui concerne le niveau de qualité de service des réseaux des entreprises privés, qui sont aujourd’hui exécrables.
Des gouvernements cherchent aussi à favoriser ce développement en imposant des axes stratégiques de développement. On peut citer par exemple, l’Afrique du Sud, qui impose à tous les logiciels développés pour ou par le gouvernement, de s’appuyer sur des logiciels libres, permettant ainsi de s’affranchir des restrictions et brevets imposés par les entreprises étrangères et ainsi favoriser le développement de Start Up local. Ces développements passent aussi par l’accord de partenariat avec des entreprises étrangères pour favoriser la formation et l’enseignement des TIC. Deux exemples concrets : L’ouverture d’une académie ZTE en Algérie début 2007, ou la formation de 29 500 enseignants marocains par Intel.

Le boom de la téléphonie mobile
Un marché phare dans le domaine des télécommunications a émergé au début des années 2000 ; il s’agit de la téléphonie mobile. En 2002, le nombre d’utilisateur de GSM avait déjà supplanté le nombre de lignes téléphonique fixe en Afrique. Ce nombre d’utilisateur GSM a une croissance exponentielle et a été multiplié par 4,5 entre 2002 et 2006. En 2007, le nombre d’utilisateurs de téléphone GSM dépasse les 260 000 et tous les grands constructeurs de réseaux tels que Nokia Siemens Networks ont aujourd’hui des divisions africaines. L’absence ou la mauvaise qualité ainsi que les coûts du service ont tourné les utilisateurs africains vers la téléphonie mobile. Ils leur permettaient d’accéder facilement à des services à fortes valeurs ajoutées, et principalement aux services de paiement. Ils permettent aux africains de placer leurs agents, en réceptionner mais aussi de la transférer de personne à personne, en nationale ou en transfrontaliers. On peut citer ainsi les services mis en place par Citigroup et Vodafone entre l’Angleterre et le Kenya, qui comptait déjà 10 000 inscrits quelques jours après l’ouverture du service en mars 2007. En Afrique du Sud, 3 millions de personnes utiliseraient quotidiennement ce type de service en 2006 et en Zambie, 2% du PNB du pays transiteraient par ce mode de service bancaire.
Ainsi, la téléphonie mobile attire les entreprises et les demandes de licence se multiplient. Cette multiplication de l’offre pourrait ouvrir la porte à la démocratisation de la téléphonie mobile et ainsi l’accès aux services bancaires.
Les télécommunications en Afrique ne sont pas un secteur attractif principalement à cause du peu de moyens financiers des états et des populations. Elles restent cependant un enjeu majeur pour le continent pour permettre son développement commercial. La mise en place d’une déréglementation dans le domaine des télécommunications est encore en cours dans certains pays d’Afrique. Cette ouverture et la mise à disposition des capitaux nécessaires permettra un développement croissant de ce marché, avec, en tête, la téléphonie mobile, qui semblent être aujourd’hui le secteur moteur de ce développement, et la fourniture aux abonnés d’une qualité de service acceptable.

Place de la Chine dans les NTIC en Afrique
Les premières directives gouvernementales destinées à organiser le développement des sciences et des technologies en Chine et à en faire bénéficier tous les secteurs de l'économie chinoise, apparaissent en 1983 sous la forme d’un "plan de développement des hautes technologies pour le 21ème siècle". Devant le manque de résultats probants, d’autres directives, plans et programmes suivront sur les 20 années suivantes (programme 863, programme Torch…) pour tenter notamment d’accélérer l’innovation et l’acquisition de technologies notamment dans le domaine des TIC. Bien qu’il y ait une priorité donnée à l’innovation au niveau national, la réalisation de cette politique dépend essentiellement des gouvernements locaux. Il en résulte un grand éparpillement des initiatives en même temps qu’une adaptation au terrain et un pragmatisme des mesures mises en place.
C’est peut-être là que réside la plus grande force de la politique d’innovation. Insaisissable au niveau de l’ensemble du pays elle est localement bien adaptée aux besoins des entreprises.
Il faut aussi noter que politique industrielle et politique scientifique et technologique relèvent de compétences différentes dans la structure administrative de l’état chinois. La politique industrielle relève en général des départements de l’industrie et du commerce, alors que la politique scientifique relève des départements de science et de technologie (et du Ministère de la Science et la technologie). Ainsi, la situation de la politique d’innovation est peu claire.
Jusqu’à récemment, la politique industrielle au niveau national a consisté à promouvoir des “champions” nationaux, c’est-à-dire des entreprises de grande ou moyenne taille capables de soutenir la compétition internationale et avec un fort potentiel de croissance. Mais cette politique n’a eu qu’un succès très mitigé. A la question complexe de la « gouvernance » des grandes entreprises, souvent publiques ou collectives, s’ajoute celui du financement de leur croissance.
Il existe des entreprises fortement innovantes (par exemple Huawei ou Fenghua). Elles fonctionnent avec leurs propres centres de R&D et des efforts très centrés sur leur propre organisation avec peu de liens externes. Ces exceptions fortes et exemplaires ne sont pas plus « systémiques » que les autres cas. Elles sont par contre plus innovantes. A les visiter, l’impression générale qui ressort est celle d’îlots exceptionnels, physiquement isolés du reste du monde industriel et assez loin des centres universitaires. Pourtant dans de très nombreux cas des liens se mettent en place, généralement par un contact individuel, avec un centre de recherche de telle ou telle grande université en sciences de l’ingénieur. Un rapport récent de l’OCDE sur l’innovation technologique en Chine pointe la difficile mutation de l’économie chinoise. Les entreprises manquent toujours de capitaux pour alimenter leurs travaux de recherche et de développement. Les violations du droit de la propriété intellectuelle refroidissent les initiatives innovantes. La Chine est aujourd’hui le premier exportateur mondial de produits TIC. Depuis 2000, ces exportations ont augmenté rapidement, et ont dépassé celles des États-Unis. Cette forte croissance contraste avec la stabilité des exportations japonaises sur les dix dernières années. L’Allemagne, la Corée du Sud et les États-Unis ont également augmenté leurs ventes, mais sans commune mesure avec la Chine, pour qui elles ont plus que triplé depuis 2000. La Chine promeut fortement les investissements en R&D. Au cours de la dernière décennie, les financements pour la R&D ont augmenté de façon exponentielle et l’intensité en R&D de la Chine a cru rapidement. Différents indicateurs suggèrent que la Chine aurait rattrapé les autres économies dynamiques d’Asie et les économies de la Triade. Néanmoins, le classement de la Chine reste modeste pour ses capacités scientifiques et technologiques d’ensemble.
Au regard de l’histoire des pays avancés, Jian et Jefferson (2005) estiment que la Chine a commencé son décollage technologique. Ils remarquent notamment que la période de transition entre une faible et une haute intensité en R&D n’est pas linéaire, et que durant la période de décollage, l’intensité en R&D des pays à revenus moyens s’accroît brusquement. Jian et Jefferson (2005) donnent l’exemple de plusieurs pays européens qui n’ont mis qu’une décennie pour augmenter leur intensité technologique de 1 à 2º% du PIB. Plus récemment, la Corée a effectué son décollage technologique en cinq ans, entre 1983 et 1988.
Dans le cas du Japon, le décollage a quant à lui été plus long. L’expérience de la Corée suggère par ailleurs que l’intensification des dépenses de R&D dans une économie doit être associée à des changements institutionnels, pour générer des entreprises locales dans des secteurs de haute technologie et augmenter de façon notable la contribution à l’innovation mondiale (Kim 1997, Sachwald 2001).
De nombreux experts des systèmes d’innovation et des processus de développement ont également souligné le rôle essentiel des institutions et de l’environnement des affaires dans la promotion de la recherche et de l’innovation. Denis Fred Simon (2005) considère que les réformes du système scientifique et technologique chinois des vingt dernières années commencent à porter leurs fruits. La Chine pourrait donc décoller et devenir un acteur majeur, si ce n’est une superpuissance technologique. Pour que la Chine devienne une puissance technologique et ne se limite pas à être une terre d’accueil des filiales étrangères pour l’assemblage de produits sophistiqués, les connaissances doivent diffuser plus largement dans l’économie et les entreprises locales doivent gravir l’échelle technologique. L’investissement privé en R&D a beaucoup augmenté en Chine, mais reste le maillon faible du système national d’innovation. Motohashi (2005) montre que les firmes chinoises coopèrent de plus en plus avec les instituts de recherche publics et les universités, ce qui a un impact positif sur leurs capacités technologiques.
Cependant, la plupart des entreprises chinoises n’ont pas une capacité d’absorption assez grande pour tirer partie des collaborations de recherche. Elles se limitent à des objectifs de court terme et se battent pour réaliser des marges insignifiantes, sur les maillons les plus rémunérateurs des chaînes de production globales. La Chine n’est pas propriétaire de la technologie et qu’elle utilise L’une des priorités de sa politique d’innovation a donc été de promouvoir l’innovation « autochtone » afin de réduire la dépendance du pays. Lors de la conférence nationale sur l’innovation en Janvier 2006, le Premier ministre Wen Jiabao soulignait l’importance de « l’innovation indépendante », en la replaçant au cœur de la stratégie de développement du pays pour les 15 prochaines années. Les partenaires étrangers de la Chine craignent de voir naître de cette ambition des politiques technonationalistes, et la montée en puissance d’une superpuissance économique mercantiliste.
La Chine a fortement investi dans les domaines scientifiques et technologiques émergents, où la prépondérance des pays avancés n’est pas encore très bien installée (Kang et Segal 2006). Dans les domaines où les pays occidentaux dominaient déjà, la Chine a essayé de développer de nouvelles normes, notamment dans la téléphonie cellulaire de troisième génération, le WiFi, les infrastructures d’authentification et d’autorisation et dans les ondes radiophoniques. L’objectif est de générer en exploitant un portefeuille de propriété intellectuelle chinois intégré dans des normes. Cette politique a suscité de nombreuses craintes chez les partenaires commerciaux de la Chine. Les résultats ont pourtant été mitigés, et la Chine s’est engagée dans une stratégie de normalisation plus complexe, en admettant qu’un technonationalisme étriqué était voué à l’échec (Suttmeier et al. 2006).
De façon plus générale, alors que la Chine mise sur le développement de ses propres technologies, elle reste encore très clairement dépendante des connaissances issues des pays avancés. Les partenariats entre entreprises chinoises et étrangères, la promotion des scientifiques formés à l’étranger, la politique d’accueil aux centres de R&D de multinationales, soulignent que la poursuite d’objectifs technonationalistes dans un monde globalisé n’est pas si simple. La forte intégration de la Chine dans l’économie globale ne correspond pas à la « success story » asiatique classique du Japon et de la Corée. Le décollage scientifique et technologique de la Chine pourrait se produire à un niveau de vie moins élevé qu’en Corée et à Taiwan, du fait de son intégration à l’économie globale de la connaissance.

Présence de la Chine dans les télécommunications en Afrique, illustration sur des cas de sociétés chinoises Huawei et ZTE bien implantées sur le continent Africain.
Huawei Technologies dont le siège social se trouve à Shenzhen est devenu en 20 ans l'un des premiers fournisseurs mondiaux de réseaux de nouvelle génération pour les opérateurs télécoms. Huawei fournit des matériels, des logiciels et des prestations de services pour les réseaux de télécommunications des opérateurs et les réseaux informatiques des entreprises. Les produits et solutions sont déployés dans plus de 100 pays et fournissent 35 des 50 premiers opérateurs mondiaux, et plus d'un milliard d'utilisateurs à travers le monde. Huawei est une entreprise privée à capital fermé, c'est-à-dire non cotée en bourse. Créé en 1988, le groupe est devenu un fournisseur dominant en Chine puis s'est lancée à la conquête des marchés internationaux en adoptant une politique de prix très agressive.
Ses principaux concurrents économiques que sont Cisco Systems, Alcatel-Lucent, Ericsson, Nokia Siemens Networks, Nortel, NEC et ZTE ont vu leurs parts de marché en Asie s'effriter et ont assisté à la montée en puissance du groupe chinois sur les marchés émergeants et occidentaux. En 2007, selon ses dirigeants, Huawei a réalisé un chiffre d'affaires de 16 milliards de dollars US, en hausse de 45% par rapport à 2006, ce qui la situerait tous segments confondus parmi les cinq premiers équipementiers à l’échelle mondiale.
Le catalogue de produits Huawei comprend les produits sans fil (ex. UMTS, CDMA2000, GSM/ GPRS/ EDGE et WiMAX); les produits réseau (ex. NGN, xDSL, réseau optique et communication de données); les services à valeur ajoutée (ex. réseau intelligent, CDN/ SAN et données sans fil) ainsi que les terminaux mobiles et fixes.
Après 10ans d’investissements, Huawei est devenu le premier fournisseur sur le marché des télécommunications en Afrique, avec un nombre d’employés dépassant les 2500 (plus de la moitié des collaborateurs sont des ressortissants locaux). Huawei a créé des centres de formations au Nigéria, au Kenya, en Egypte et en Tunisie. La direction régionale située en Afrique du Sud couvre 39 pays sur tout le continent, à l'exception de l'Afrique du Nord et du mayen orient dont le siège est en Egypte.
Huawei est entré sur le marché africain pour la première fois en 1998. Les ventes ont atteint 486 millions $US en 2004. Les équipements sont déployés dans plus de 30 pays à travers la région. Huawei a créé le Talent Training Center en coopération avec le Ministère des télécommunications d'Afrique du Sud et avec TELKOM, l'une des plus grandes entreprises de télécommunications d'Afrique. En 2004, Huawei a remporté l'appel d'offre de 34 millions $US de SAFARICOM, le plus grand opérateur mobile du Kenya, pour mettre à jour son réseau. En 2005, Huawei et le Ministère des Télécommunications du Niger ont signé un accord de partenariat. La même année, Huawei a reçu le prix de "Meilleur fournisseur d'équipements de télécommunications" lors de la IV cérémonie des Récompenses des Technologies de l'Information et les Télécommunications du Nigeria.
Huawei coopère actuellement avec de nombreux opérateurs dans la région, y compris TKL, ETC, MTN, Vmobile, UTL et Globalcom.
Forum Chine/Afrique (Novembre 2006) : Les deux fournisseurs chinoises de matériels de télécoms, ZTE et Huawei, ont ainsi signé 16 contrats avec 11 pays d'Afrique et notamment : 30 M$ US pour Huawei avec le Ghana (téléphone) et le Kenya (internet). En 2007 Huawei annonce son engagement à continuer son développement en Afrique et de contribuer à un meilleur futur pour les africains. Pour permettre à l’administration publique tchadienne de se mettre à l’heure des NTIC, un accord de don pour le projet e- gouvernement d’un montant de 1,1 millions de dollars américains, soit environ 550 millions de FCFA, a été signé le 21 septembre2007 entre l’Etat tchadien et la Chine, lors de la visite officielle du Président Deby à Pékin. L’accord a été signé avec la société chinoise Huawei Technologies Co. Ltd…Au terme de cet accord, un projet pilote pour une période de six (6) mois sera mis en place.
Il vise, à long terme, l’introduction au Tchad du système dont l’objectif est d’améliorer la qualité du service public aux citoyens et aux entreprises par l’entremise des nouvelles technologies de l’information et de communications.
Le 14 mai 2007, la Chine a placé en orbite un satellite de télécommunications de sa fabrication pour le compte du Nigeria. Ceci marque un jalon important dans la pénétration chinoise en Afrique d’une manière générale et plus particulièrement dans le domaine des télécommunications, secteur où la Chine s’était jusqu’alors contentée de fournir des équipements, de déployer des infrastructures de téléphonie mobile, de fournir une assistance-conseil et d’affirmer sa présence à travers des prises de participation dans des opérateurs en voie de privatisation voire l’acquisition de licences d’exploitation de réseaux cellulaires à travers notamment des sociétés comme Bell Shanghai, Huawei et ZTE.
Des installations complètes de réseaux de télécommunications ont été réalisées quasiment gratuitement. Dans ces cas, Huawei travaille en service commandé. Selon un article de l’Usine nouvelle (N°3069/20 Septembre 2007) : « Huawei a livré un réseau au Zimbabwe quasi gratuitement. En échange la Chine demandait un accès privilégié aux hydrocarbures….Idem en Algérie, où abondent gaz et pétrole… ». Dans ces cas l’objectif était clairement politique et en soutien d’une volonté étatique de faciliter l’accès aux matières premières. Un réseau de télécommunication ayant alors des vocations de « monnaie d’échange » ou de facilitateur d’accès. L’état chinois s’investit largement et soutient jusqu’à subventionner largement des projets réalisés par des entreprises Chinoises.
Dans de nombreux cas il est avéré que Huawei a gagné des appels d’offres en « cassant » les prix. La stratégie de la société était clairement d’acquérir des parts de marché pour renforcer son expérience et sa stature internationale. Plutôt que d’affronter directement des acteurs occidentaux sur leurs terrains privilégiés, Huawei a préféré attaquer des marchés plus facilement pénétrables pour gagner en taille et en expérience. Huawei souffrait jusqu’ici d’une image de marque de fournisseur chinois considérés « peu fiables et peu efficaces ». L’expérience acquise sur des pays « émergents » a permis à Huawei de remporter son premier contrat d’envergure en Europe (BT en 2005 l’a intégré parmi ses 8 fournisseurs privilégiés), ce qui lui a permis d’acquérir la crédibilité qu’il lui manquait. Ayant atteint une taille d’acteur de premier plan au niveau international et une reconnaissance du marché, Huawei développe depuis peux sa présence en Europe et aux Etats-Unis.
ZTE Corporation est un groupe chinois spécialisé dans les télécommunications, fondé en 1985 et basé à Shenzhen, devenu aujourd'hui le premier fabricant de téléphonie mobile en Chine, cotée à la Bourse de Hongkong et emploie 21.000 personnes. ZTE est le second fournisseur chinois de solutions de télécommunications, derrière son rival Huawei Technologies Co, et a reçu une aide financière de 500 millions de $ en 2004 par la Export-Import Bank of China. Cette somme est destinée à financer les ventes de solutions à des opérateurs étrangers. En 2006 plus de 55% des revenus de ZTE provenaient de l'étranger. Des produits optiques du réseau de ZTE sont employés auprès de plus de 180 opérateurs dans plus de 80 nations et régions comprenant l'Europe, l'Asie orientale, l'Amérique latine, l'Afrique et le Moyen-Orient. Selon des statistiques d'OVUM-RHK, ZTE est l'un des fournisseurs optiques de réseau à la croissance globale la plus rapide au cours des trois dernières années. A la lecture des différents articles produits sur la question, il ressort que via ZTE l’Etat chinois a développé une vraie stratégie de conquête en Afrique. Cette stratégie ne vise pas simplement à réaliser des affaires financières, mais plutôt de prendre des parts de marché et d’assurer une présence chinoise à long terme sur le continent africain. On constate que des actions concertées et complémentaires sont réalisées en même temps par ZTE, et Huawei, principal concurrent chinois. Ils semblent agir plus comme des partenaires, que comme des concurrents, se partageant le « gâteau » africain. L’implantation et les investissements de ZTE sont très importants en Afrique, avec 3 divisions régionales et des représentations dans quasiment tous les pays du continent africain. Autre fait marquant, les aides financières, ainsi que les assurances des contrats sont supportées par l’état chinois, à travers la Bank of China ou SinoSure of China. Des infrastructures sont cédées gratuitement à certains états africains comme au Kenya. ZTE a repris d’anciens opérateurs de l’état lors de leur privatisation. Dans certains pays, comme en Algérie, des centres des formations ont été développés au sein même de grandes écoles techniques, et des accords de formations des futurs techniciens et ingénieurs en télécommunication ont été signés (comme au Rwanda).

Les stratégies parallèles chinoises pour une implantation à long terme

En fait, quelque soit le secteur d’activité, et contrairement au monde Occidental, Pékin ne conditionne nullement son aide ou ses investissements à des règles de bonne conduite démocratique. Tout juste impose-t-elle en échange de cette dernière la rupture avec Taïwan. L’empire du milieu s’efforce d’apparaître aux yeux des Africains, comme un partenaire, moteur du développement du continent, dont les investissements massifs ne tiennent guère compte des règles internationales établies par le FMI et la banque mondiale (capacité des pays à rembourser…). Derrière cette apparence de « bons samaritains » la Chine a juste compris que l’Afrique était un gisement de « matières premières » sur lequel elle devait faire main basse pour continuer à doper sa croissance à deux chiffres. Mais plutôt que d’apparaître comme des néocolonialistes, elle a su s’appuyer sur une Histoire commune pour tisser avec le temps des relations diplomatiques privilégiées ré-engagées au début des années 90. Elle a également compris que le secteur des NTICS, représentait un enjeu stratégique majeur, pour supplanter les Occidentaux sur le Continent Africain et faire barrage au développement de l’Inde sur le continent. D’après Qiao Ling et Wang Xiangsui, colonels de l’armée populaire auteur notamment de « la guerre hors limites », « Ce qui change, c’est que les moyens dont nous disposons aujourd’hui pour dénouer le ‘nœud gordien‘ ne sont plus des épées […], n’importe lequel des moyens politique, économique ou diplomatique est aujourd’hui d’une puissance suffisante pour supplanter les moyens militaires. »

Information, Normalisation, Formation : le triptyque d’une implantation à long terme.
En Mai 2007, la Chine a placé en orbite un satellite de télécommunications de sa fabrication pour le compte du Nigeria, elle s’est positionnée vis-à-vis de l’Afrique à la fois comme une puissance capable de procéder au lancement commercial de satellites mais également comme un fabricant de satellites de télécommunications, deux secteurs qui étaient jusqu’alors la chasse gardée des pays occidentaux sur le continent africain. Ce lancement marque une étape supplémentaire dans la pénétration du marché Africain par la Chine dans le domaine des TIC et affaiblit un peu plus les pays occidentaux. Le marché des TIC en lui-même n’est en fait pas vraiment lucratif pour les Chinois. Mais en développant les systèmes de télécommunication, la Chine s’offre la possibilité à long terme de garder un œil sur le web Africain, avec toutes les dérives imaginables que cela peut engendrer en termes de manipulations de l’information. Certes, la France essaye de garder de l’influence via les médias plus classiques que sont la Radio et la télévision et c’est par ce biais qu’elle essaye de rectifier les perceptions des Africains sur notre pays et ses concurrents, mais elle reste peu présente sur le développement de la toile Africaine. La Chine a bien compris que la main mise sur le continent Africain et notamment sur ses matières premières passe par le développement des NTIC ce qui lui assure un contrôle de l’information, mais ce qui lui permet également d’imposer de nouvelles normes technologiques.

La normalisation sur le secteur de la téléphonie mobile
« La normalisation est une démarche de communication d’influence par laquelle une puissance conçoit, élabore et dicte ses normes ou standards dans un secteur d’activité donné. » Guy Gweth Alors que la Chine était suiveur sur les précédentes générations de téléphonies mobiles, elle a développé sur la prochaine génération de téléphonie 4G sa propre norme TD-SCDMA actuellement en phase de test. En pénétrant le marché Africain de la téléphonie mobile, elle va imposer cette nouvelle norme au Continent. Si la Chine réussit cette opération sur le Continent Africain après l’avoir déployé sur son propre territoire, elle passera de fait d’une stratégie de suiveur des standards américains et européens à une stratégie de leader. L’Afrique sert donc également de marché « test » aux entreprises Chinoises des NTICS qui acquièrent sur le continent, maturité et crédibilité, avant de s’attaquer aux entreprises Européennes sur leur propre marché national. L’Afrique peut être perçue dès lors comme un continent « incubateur » des entreprises Chinoises de ce secteur.

La formation des cadres africains ou le « social learning »
Il est clair que former les élites permet d’inculquer un certain « mode de pensée ».
Alors que la France avait très bien compris ce process indirect de lobbying, il apparaît aujourd’hui que les entreprises chinoises pratiquent de plus en plus ces méthodes. Former les élites permet en effet de « formater » les esprits, de réduire les gaps socioculturels et ainsi d’orienter indirectement les décideurs vers un choix qui dès lors ne dépend plus de leur libre arbitre. Selon Yu Wei de Holley-Cotec, une entreprise Chinoise de produits pharmaceutiques, « Avec la formation certains employés Africains ont accédé à des postes de direction. Cela aide à amoindrir nos différences culturelles »… Cette technique tend donc à gommer les clivages culturels pouvant être des freins au développement du business. Mais c’est aussi une méthode pour asseoir à long terme la présence des sociétés Chinoises en Afrique et la « préférence » Chinoise des futurs décideurs. La Chine, via les NTIC, tisse un réseau lui assurant un joug sur le continent africain au détriment des ex-puissances coloniales. Toutefois le berceau de l’humanité suscite déjà les convoitises d’une autre puissance en devenir l’Inde dont la problématique au niveau des matières premières est stricto-sensu identique à celle de l’Empire du milieu.

L’affaiblissement de la présence Occidentale
Jusque dans les années quatre-vingt les approvisionnements chinois à partir de l’Afrique étaient insignifiants, Beijing s’est progressivement hissé au rang de 3e partenaire commercial du continent, après les Etats-Unis et la France. Elle devance la Grande-Bretagne et l’Italie. Traduisant les mutations en cours, les échanges commerciaux de la Chine avec l'Afrique ont avoisiné les 70 milliards de dollars US en 2007, contre 55,5 milliards en 2006, et devraient dépasser les 100 milliards en 2010, selon les dernières projections des autorités de Beijing. Fort de ce constat les occidentaux n’ont pas manqué de faire remarquer à la Chine qu’elle pillait les matières premières africaines, laquelle a rétorqué par l’intermédiaire de Lu Shaye, l’ambassadeur de Chine au Sénégal que son pays achète pétrole et minerais « par voie de négociations commerciales normales, d’achats à des prix raisonnables et de coopération mutuellement bénéfique », contrairement aux Occidentaux qui, selon lui, ont agi jusqu'ici « par la force et la duperie ».
Le dernier sommet euro-africain de Décembre 2007 a mis encore plus en lumière les difficultés rencontrées par l’Europe aujourd’hui pour commercer avec l’Afrique, les Accords de Partenariat Economique n’ayant d’ailleurs pas été signé ! En revanche, au dernier sommet Chine-Afrique, Pékin a promis à l’Afrique une aide de 36 milliards de dollars par an. L’UE a donc des positions plus faibles que la Chine.

La montée en puissance de l’Inde sur le continent africain
Le 8 Avril 2008, s’est ouvert à New Dehli un sommet indo-africain. L’Inde connaît tout comme la Chine une forte croissance qui la soumet aux mêmes problématiques que les Chinois. Alors que la Chine a finement diabolisé les pays Occidentaux pour pénétrer de manière spectaculaire le marché africain, l’Inde, lors de ce sommet, a tenu des propos frontaux, par l’intermédiaire de son ministre Indien du Commerce, à l’encontre de la politique Chinoise en Afrique : « L’Inde ne veut pas exploiter les ressources africaines, mais aider les Africains à ajouter de la valeur à leurs matières premières » […]"Nous ne voulons pas travailler comme les Chinois, car nous voulons établir de nouvelles relations économiques avec l’Afrique afin de leur permettre de mieux profiter de leurs ressources grâce à la valeur ajoutée". Jouant sur une proximité naturelle, liée à une histoire commune de peuple colonisé, les Indiens souhaitent développer une coopération économique exemplaire avec l’Afrique. L’Inde se heurte néanmoins à un problème majeur avec certains pays du continent africain. Ainsi la Libye reproche aux Indiens leur trop proche relation avec Israël, tandis que l’Afrique du Nord était très peu représentée à ce sommet.
Un des dirigeants les plus controversés du continent Africain, le président zimbabwéen Robert Mugabe a trouvé une formule pertinente qui résume à elle seule l’impact de l’implantation chinoise en Afrique et le déclin des pays occidentaux : « Le soleil se couche à l’Ouest et se lève à l’Est », assure-t-il. Les élites africaines ont l’air de trouver leur compte sur la présence de la Chine sur leur Continent. Ils trouvent une alternative à l’hégémonie Occidentale et se « venge » en éradiquant définitivement les vestiges d’une colonisation toujours présente dans leur esprit. On peut néanmoins être perplexe quand aux « bonnes intentions » officielles et au partenariat « gagnant-gagnant » qui animent la pénétration du marché africain par la Chine, surtout lorsque l’on sait qu’en chinois, l’Afrique se traduit par « FEIZHOU », ce qui signifie le continent du néant, du vide. Pour être enfin définitivement aguerri sur la perception du peuple Africain par la Chine, il est intéressant de prêter attention au « Récit de la vie d’un étudiant noir en Chine » sur le site www.20mai.net. Ainsi raconte-t-il que Mme Liu son professeur de Chinois décrivait l’Afrique comme « ce continent pourvu en terres fertiles, peuple de paresseux, d’idiots, d’hommes irresponsables ». Les objectifs de la Chine en Afrique s’inscrivent dans une vision globale à long terme ressemblant à s’y méprendre à la Stratégie de Sun Tsu : "Pour battre ton ennemi, il faut d'abord le soutenir pour qu'il relâche sa vigilance ; pour prendre, il faut d'abord donner."

Extraits d’un rapport rédigé par Christophe Borde, Julien Bouche, Laurence Charil, Christophe Charruault, Juliette Cousin. Mastère Marketing 2007-2008 part-time de l’ESSEC. Cours d’intelligence économique de Christian Harbulot

Sources

Base de données documentaire
Euromonitor International, Base de données GMID - Global Market Information Database, Export du 11 mars 2008.

Journaux
Hassan Meddah, Huawei le chinois qui menace Alcatel-Lucent, L’Usine Nouvelle, n°3069, 20 Septembre 2007
Jean Guisnel, Spécial Chine : L’Internet sous contrôle, Le Point, n°1840-1841,
20 – 27 Décembre 2007

Sites Internet
Site CIPACO (Centre sur les politiques internationales des TIC Afrique du Centre et de l’Ouest :
http://www.cipaco.org/spip.php?article1565
Dany Danzoumbe Padire, Novembre 2007
Télécommunications : Le Tchad se met à la technologie chinoise
http://www.cipaco.org/spip.php?article1354:
Amadou Top, président d’Osiris, Juillet 2007
La Chine à la conquête du marché africain des télécommunications
http://www.cipaco.org/spip.php?article1325
Nettali, Mai 2007
Les Chinois veulent s’installer dans la téléphonie mobile au Sénégal

Site ChinAfrique :
http://www.chinAfrique.com/zf-2005/2005-05/2005.05-zf-5.htm
Zhong Huaxing, Huawei et ZTE exploitent le marché des télécommunications en Égypte

Site Journal du Net:
http://www.journaldunet.com/solutions/0609/060904-huawei-technologies.shtml
Huawei : la folle expansion d'un équipementier chinois

Site ChinaNewsMedia
http://sinapsesconseils.typepad.com/chinanewsmedia/2006/11/quand_la_Chine_.html
Quand la Chine "colonise" l'Afrique
Site UNESCO

http://portal.unesco.org/ci/fr/ev.php
Améliorer la connectivité des TIC pour développer la croissance économique en Afrique
Yuwei Zhang, traduit par: Ghislain Ondias Okouma, Réuni à Kigali, le Sommet ‘’Connecter l’Afrique’’ s'engage à combler le fossé numérique dont souffre l’Afrique, www.un.org , consulté le 02 Février 2008.

Stella Ayoko Dosseh, Le boom des technologies de l’information et des communications, www.ananzie.net , consulté le 02 Février 2008.

Panapress, La régulation inachevée des télécommunications en Afrique, www.afrik.com , consulté le 02 Février 2008.

T.B, Afrique : Et si le téléphone mobile palliait la sous-bancarisation du continent !, www.webmanagercenter.com , consulté le 10 Février 2008.