Une filiale du Crédit agricole impliquée judiciairement dans le dossier Sacyr-contre Eiffage

La guerre de l’information qui sévit entre le groupe français Eiffage et le groupe espagnol Sacyr a un prolongement juridique. Cet évènement mérite d’être souligné car il est rare qu’un conflit informationnel ait un prolongement judiciaire de cette nature. La plupart du temps, les affrontements sont indirects et ne donnent pas lieu à des déclarations publiques comme ce fut le cas lorsque le groupe espagnol Sacyr a tenté de prendre le contrôle du groupe français Eiffage. Selon l’agence Reuters, Calyon, filiale du Crédit agricole, a été mis en examen début mai pour "complicité de diffusion d'informations fausses ou trompeuses" par un juge d'instruction dans le cadre de l'information ouverte dans le dossier Sacyr-Eiffage, apprend-on de source judiciaire. Une information visant l'espagnol Sacyr Vallehermoso pour "défaut de déclaration de franchissement de seuil" et "diffusion d'information fausses ou trompeuses" avait été ouverte en juin dernier, après le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par Eiffage. Calyon s'est refusé à tout commentaire sur l'information. Une source bancaire a déclaré toutefois à Reuters que la décision de la justice laisse Calyon "perplexe et témoigne d'une absence de compréhension du métier de banque d'affaires".
La filiale Calyon, qui est la banque d'investissement et de financement du groupe bancaire français Crédit agricole, avait conseillé l’espagnol Sacyr qui avait cherché à prendre la direction du groupe Eiffage en 2007 par le rachat de titres Eiffage et le dépôt, auprès de l'AMF, d'un projet d'offre publique d'échange visant la totalité du capital du spécialiste français du BTP et des concessions. La direction d’Eiffage avait alerté l’Autorité de Marchés Financiers (ex-COB) sur des actions suspectes d’investisseurs espagnols lors de son assemblée générale d’avril 2007. Eiffage leur avait interdit de prendre part au vote sous le prétexte qu’ils agissaient en sous-main pour le compte de Sacyr. Comme le rappelle Reuters « après plusieurs rebondissements, notamment la reconnaissance de l'existence d'une telle action de concert par l'AMF puis l'invalidation de la décision de celle-ci par la cour d'appel de Paris, Sacyr a finalement annoncé le mois dernier la cession de ses 33,32% d'Eiffage à un groupe d'investisseurs institutionnels français pour 62 euros par action, soit un total de 1,92 milliard d'euros. » Eiffage, satisfait de l’issue de ce conflit avait abandonné ses poursuites judiciaires contre Sacyr. Mais la justice suit son cours avec l’inculpation du président de Sacyr Luis Del Rivero « pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses au marché et défaut de déclaration de franchissement de seuil ».
Il va être intéressant de suivre le cheminement de cette procédure judiciaire. Ira-t-elle jusqu’au procès ? Cela serait dans ce cas une exception qui confirme la règle puisque dans ce genre d’affaires, les protagonistes finissent toujours par négocier en coulisses. Un procès aurait le mérite de révéler la nature des pratiques délictueuses et surtout le modus operandi des acteurs incriminés.