Focus de knowckers.org : Les contradictions informationnelles sur les Roms en France

Qui sont les Roms ?

Les Roms sont un peuple européen d'origine indienne, dont les ancêtres, originaires de la moyenne vallée du Gange, en Inde du Nord, sont arrivés en Europe il y a environ 800 ans. Ils ne constituent pas une population homogène. En Europe, on trouve des Roms sédentaires, des Roms migrants et des campements de gens du voyage dépourvus de Roms. Les Roms migrants, qui posent le plus de problèmes, représentent 15% de la population rom française. Les gens du voyage français et Roms sédentaires font tout pour s’en démarquer, comme le dit Christophe Sauvé, de l’Association nationale des gens du voyage catholiques de Nantes : « L’amalgame nous porte toujours préjudice ». Les Roms installés en France depuis plusieurs années n’ont pas grand-chose à voir avec les Roms migrants (roumains, bulgares ou hongrois) qui se déplacent généralement avec un statut de touristes.

Ainsi, d’après cette distinction, Alvaro Gil-Roblès, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, dans son rapport sur les droits de l’homme en France de 2006, « les gens du voyage sont installés en France depuis plusieurs générations, voire plusieurs siècles, et possèdent la nationalité française. La très grande majorité a conservé une culture et un mode de vie traditionnels, basés sur le nomadisme. Ils représentent une population d’environ 400 000 personnes, qui voyagent toute ou une partie de l’année. Les Roms, originaires des pays d’Europe centrale et orientale, sont des migrants, venus en France pour fuir la misère et les discriminations qu’ils enduraient dans leur pays. Ils étaient pour la plupart sédentaires avant leur départ pour la France. Ils seraient plusieurs milliers à subsister dans des conditions déplorables sur le territoire français. »

Leur langue est le Romani. Elle est décrite comme étant un mélange de plusieurs langues dont l’origine majoritairement indienne. « Elle est indiscutablement indienne et proche du hindi, langue de l'Inde. Son vocabulaire et sa grammaire de base sont indiens aux trois quarts. Le reste est constitué d’un vocabulaire emprunté principalement au persan, au grec et ensuite aux langues européennes de contact. Malgré sa prétendue diversité dialectale, le Romani est une seule et même langue et les Roms de Russie, d'Albanie, de Grèce peuvent très facilement communiquer entre eux en Romani ».



Coopération franco-roumaine

Les Roms sont très présents en Roumanie où ils représentent 10% de la population. Paris et Bucarest ont entrepris une coopération dans la lutte « contre l’immigration clandestine et la criminalité organisée » depuis l’été 2002. Le 10 janvier 2005, Dominique de Villepin et son homologue roumain Vasile Blaga ont signé un protocole de coopération de lutte contre la criminalité à Bucarest. Un « centre de coordination » de la police aux frontières a été mis en place en Roumanie, afin de tenter d’avoir un contrôle sur l’émigration rom grandissante, du fait de la discrimination dont la population est victime dans le pays. Le centre avait été créé en 2003 pour préparer l’entrée à l’Union européenne. La coopération devrait permettre aussi une meilleure réinsertion des mineurs roumains en situation irrégulière en France, qui ne peuvent être expulsés du fait de leur âge.

A titre d’exemple, notons que pour les dix premiers mois de 2004, 868 mineurs roumains ont été découverts en situation illégale. 529 d’entre eux ont fait l’objet de demandes d’identification, dont 277 ont été suivies de demandes d’enquête de magistrats français auprès des autorités roumaines. En France, ces mineurs et majeurs roumains en situation illégale bénéficient du soutien de nombreuses associations. Un guide de « survie au quotidien » a même été réalisé par le site libertaire de Philippe Coutant. Il consiste en réalité, en une liste de combines permettant d’échapper à la loi française, aux contrôles d’identité et à l’expulsion.



Collectivités locales et nomades

Les Roms du site La voix des Roms, disent que le nomadisme n’est pas un choix, mais une nécessité imposée dès l’origine. Leurs ancêtres « n'ont jamais été nomades par culture, mais par nécessité : pendant des siècles, ils ont été chassés de pays en pays, presque partout en Europe, sous peine des pires sanctions, y compris la peine de mort, parce que nés Roms.... Ils tentaient donc de fuir violences et discriminations avec l'espoir de trouver un pays plus accueillant... Les gouvernements et les Parlements s'empressaient de promulguer des lois à leur encontre. »

La vraie question qui se pose alors est : pourquoi sont-ils rejetés depuis leurs origines ? Il doit y avoir un élément inhérent à leur culture qui fasse qu’il leur est difficile, voire impossible de s’adapter à la vie des sédentaires. Cependant, les avis divergent en ce qui concerne l’inné et l’acquis chez les Roms, puisque la juriste Jacqueline Charlemagne écrit dans la revue « Etudes tsiganes », du Laboratoire de Sociologie juridique, Paris II, CNRS que le nomadisme est le choix d’un « mode de vie social et culturel ».

Dès lors, une nouvelle question se pose, pourquoi choisir le nomadisme ? Pourquoi choisir la précarité à laquelle il réduit et surtout pourquoi tendre le bâton pour se faire battre par des sédentaires qui nécessairement ne peuvent comprendre ce mode de vie ?

« La vie en caravane fait partie intégrante de l’identité tsigane des requérants et les mesures d’exécution et d’aménagement constituent une ingérence dans le droit de ceux-ci au respect de leur vie privée et familiale. » On dénombre alors en France 30 000 « vrais nomades dont la moitié voyage encore, leur passage étant parfois à l’origine « de difficultés qui ont été évoquées à plusieurs reprises au Parlement ». En effet, le nomadisme rend les délits commis difficiles à condamner. Non seulement les lois ne sont pas adaptées à la condamnation des nomades et nombreux sont les crimes qui restent impunis, mais de surcroît, certaines têtes pensantes réclament une clémence toute particulière à leur encontre. Ainsi, Jacqueline Charlemagne fustige les communes qui n’ont pas une démarche d’intégration des gens du voyage : « l’aire de stationnement n’a pas seulement pour but d’assurer l’hébergement des « voyageurs ». Elle doit répondre à une fonction sociale. Il importe en effet de saisir l’occasion de séjours prolongés des familles pour entreprendre en leur faveur une action socio-éducative adaptée à leurs besoins et que des expulsions continuelles ou des déplacements incessants rendent impossible.» Une contradiction peut être soulevée à partir d’un tel discours : pourquoi vouloir assurer à des nomades de culture un séjour prolongé et les intégrer dans une société sédentaire contraire à « leur identité de tsigane » ?

Pour accompagner l'effort d'équipement des communes, l'Etat assume pleinement ses responsabilités au le plan financier et fait un effort qui, en la matière, n'a pas de précédent : les subventions de l'Etat aux communes pour l'investissement doubleront pendant la durée de mise en œuvre du schéma d’équipement en terrain pour gens du voyage. Par ailleurs, le Parlement, à travers la Commission des Lois, a soulevé le problème de l’indulgence dont la loi faisait preuve à l’égard des gens du voyage : « Nous savons qu'il est possible d'utiliser des instruments juridiques efficaces pour imposer aux gens du voyage un minimum d'obligations et en premier lieu celle de stationner sur les terrains prévus à cet effet. Toute infraction à cette règle pourrait par exemple conduire, dans l'attente de la décision du juge, à l'immobilisation non pas de la caravane, qui est considérée comme un domicile, mais à celle du véhicule qui les tracte. Il arrive bien aux forces de police d'immobiliser le véhicule d'un particulier ou de le transporter à la fourrière en cas de stationnement irrégulier sur la voie publique. Pourquoi les nomades ne seraient-ils pas soumis à un régime identique ? » S’interroge Monsieur Charles Cova, député UMP. La question fait débat au sein de l’Assemblée Nationale.




La tentation de l’exil


Les Roumains, depuis janvier 2002, n’ont plus besoin de visas pour pénétrer dans l’espace Schengen (à condition de ne pas y rester plus de trois mois et d’avoir quelques centaines d’euros en poche lorsqu’ils quittent leur pays). Leur destination privilégiée, en Europe, reste la France. La Roumanie étant un pays francophile et francophone. Le français y est la première langue étrangère parlée. Le salaire moyen mensuel en Roumanie est de 100 euros et 40 % de la population est sous le seuil de pauvreté.

L’Agence Nationale d’Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM) met à disposition des migrants un certain nombre d’aides :

Aide au retour : 153 euros par adulte et 48 euros par enfant.

Aide à la réinsertion économique et sociale en Roumanie. « Ce programme a pour objectif d'aider les migrants roumains en situation de grande précarité, regagnant leur pays après un séjour en France. Il prévoit, dans le cadre d'un partenariat avec des opérateurs locaux en Roumanie, un accompagnement personnalisé et des aides matérielles et financières à la création d'activités économiques en Roumanie. » Il comprend :

• Un accompagnement social des migrants à l'arrivée.

• Une étude de faisabilité du projet de réinsertion.

• Une formation professionnelle en lien avec le projet de réinsertion.

• Une aide financière à la création du projet économique dans la limite de 3 660 € par projet.

• Une aide à la réalisation et au suivi du projet pendant un an.

Le Ministère de l’Intérieur a pris des mesures, en 2002, pour tenter de lutter contre l’instrumentalisation des enfants par les mères Roms dans le cadre de la mendicité. Le 11 janvier 2005, la cour d’appel de Paris a examiné pour la première fois un nouveau délit instauré par la loi Sarkozy du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure selon laquelle « le fait de maintenir un enfant de moins de 6 ans sur la voie publique dans le but de solliciter la générosité des passants » constitue un délit de privation de soins, passible de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros. Mais ce texte de loi n’est pratiquement pas appliqué.

Le texte publié sur le site de Médecins du monde d’un jeune homme Rom de 14 ans, Orhan Hasani, expulsé de son pays, le Kosovo, avec sa famille, constitue un exemple typique de la manière de rendre compte de la situation des Roms. « Ma tête ne repose plus en paix, il ne nous reste que nos yeux pour pleurer. Je prie Dieu tous les soirs pour qu’il nous vienne en aide. S’il vous plaît écoutez nos cris et nos pleurs. Donnez-moi une petite chance de pouvoir continuer à aller à l’école en France. Sachez que vous êtes notre seul espoir. »

Par ailleurs, la chaîne France 5, qui a réalisé l’émission C dans l’air intitulée « Délinquance, la route des Roms » suscitée, a été mise en garde par le CSA à la suite d’une plainte d’associations membres de l’Union Romani internationale. L’ « émission raciste » comme l’appelle les auteurs du site Rinchibarno, a posé plusieurs problèmes, selon la décision du CSA : « Le premier réside dans l'amalgame, opéré par le titre et l'introduction de l'émission, entre une communauté particulière et une forme de criminalité organisée. Cette présentation du sujet est susceptible, aux yeux du Conseil, de renforcer les préjugés racistes et, en conséquence, d'être contraire à l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée dont le dernier alinéa dispose que "les programmes des services de radio et de télévision ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité". » Lors du Forum social européen, un texte d’orientation a été rédigé, visant à lutter contre les discriminations dont sont victimes le peuple Rom.

Vraisemblablement, les Roms considèrent que leur activité en France est lucrative et génère des gains qui peuvent être envoyés en Roumanie. Sur le site La voix des Roms, duquel la publicité est quasiment absente, on trouve tout de même une publicité pour le site Flouss.com. L’ouverture des frontières en 1989 a permis aux Roms – qui vivaient en-dessous du seuil de pauvreté dans leur pays où ils exerçaient des métiers traditionnels dans un contexte souvent rural – d’améliorer leur condition à travers de nouvelles activités dont une partie relève de l’illégalité. Force est de constater que peu de maires sont prêts à accueillir les Roms nomades et que les riverains sont hostiles à leur installation. Cette réticence n’est pas forcément l’expression d’un racisme ordinaire. Elle reflète un malaise qu’il est difficile de nier. Existe-t-il une omerta sur le comportement de certains Roms et si oui, quelles en sont les raisons profondes ?



Marion Lemarque



Sources :

« Les associations d’aide aux Roms en Europe se partagent leurs expériences », Le Monde, le 25 mars 2008.

Vie publique, http://64.233.183.104/search?q=cache:BWuvgfeo7jEJ:www.vie-publique.fr/actualite/alaune/droits-homme-rapport-severe-pour-france.html+rapport+Alvaro+Gil-Robl%C3%A8s+roms&hl=fr&ct=clnk&cd=3&gl=fr&client=firefox-a, le 10 mars 2008.

La voix des Roms, http://www.blogg.org/blog-44189.html, le 26 mars 2008.

La voix des Roms, http://www.blogg.org/blog-44189.html, le 4 mars 2008.

Assemblée Nationale, 1ère séance du 24 février 2000, http://www.assemblee-nationale.fr/11/cri/html/20000134.asp, le 30 mars 2008.

Secours, catholique, « Insaisissables Roms », http://www.secours-catholique.org/dossiers/roumanie/rom1_txt.htm, le 26 mars 2008

Site de Philippe Coutant, « France, pays des droits des Roms » http://1libertaire.free.fr/GuideRoms.html, le 5 mars 2008.

http://regards.over-blog.org/article-2098848.html, le 20 mars 2008

C dans l’air « Délinquance, la route de Roms », le 11 février 2005, http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_article=411#centre, 17 mars 2008.

CSA, http://www.csa.fr/actualite/decisions/decisions_detail.php?id=29702, le 26 mars 2008.

http://rinchibarno.free.fr/menu.htm, le 26 mars 2008.