L’Iran a réussi à signer un accord portant sur l’exportation de gaz avec un pays reconnu pour sa neutralité dans les affaires géopolitiques : la Suisse. Les Américains s’insurgent. Ils ne peuvent pas laisser passer cet acte qui inciterait d’autres entreprises étrangères à faire de même. La société suisse de commerce d’énergie EGL (Elektrizitäts-Gesellschaft Laufenburg AG) a signé un contrat avec la compagnie iranienne d’exportation de gaz NIGEC (National Iranian Gas Export Company), évalué entre dix-huit et vingt-sept milliards d’euros. Le gouvernement suisse était représenté lors de la signature de l’accord par Calmy-Rey, ministre des affaires étrangères (DFAE). Dès 2009, plus de cinq milliards de mètres cube de gaz seront exportés chaque année auprès de la société suisse pendant quinze ans. Les Etats-Unis sont scandalisés. Le message d’EGL est des plus néfastes pour eux. Selon le gouvernement américain, elle ne respecte pas leur volonté d’isoler l’Iran afin de l’empêcher d’investir dans un programme nucléaire. Cependant, Lars Knuchel, porte-parole du ministère des affaires étrangères suisse, a minimisé ce motif en déclarant qu’une note récemment écrite pour les services de renseignement américains amoindrissait la menace nucléaire iranienne.
La Suisse avait informé les Etats-Unis de l'importance stratégique du contrat, aussi bien pour elle que pour l’Europe. Plus que la neutralité qui l’a très souvent caractérisée, la Suisse souhaite maintenant mettre en avant son désir d’indépendance. Cela s’illustre aujourd’hui sur le plan énergétique. Elle ose prendre les mesures nécessaires même si celles-ci vont à l’encontre des volontés de la première puissance mondiale ; et ce alors que d’autres pays européens préfèrent au contraire s’y plier. L’ambassade américaine à Berne a tout de suite qualifié cet accord de « mauvais message ». Le coup est dur à encaisser pour les Etats-Unis : la Suisse les représente depuis la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, en 1980. De plus, le gouvernement suisse s’est exprimé au nom de l’Europe, par l’intermédiaire du délégué aux affaires énergétiques internationales de l’Office Fédéral de l’Energie (OFEN), Jean-Christophe Füeg. Selon lui, il est de leur « intérêt national de soutenir une société dont le contrat aide à diversifier les approvisionnements en gaz de l’Europe et indirectement de la Suisse ». Les Etats-Unis ne veulent pas laisser l’opportunité à d’autres entreprises de s’engouffrer dans la brèche et d’être tentées à leur tour de reproduire cet acte de rébellion. Ils ont prévenu qu’ils comptaient vérifier scrupuleusement les termes de l’accord passé entre EGL et NIGEC. Le gouvernement américain doit tenter de sanctionner sévèrement et à titre d’exemple la société, aussi bien par l’arme informationnelle que celle financière.
Cependant, EGL et le gouvernement suisse ont été prévoyants. Ils se sont assurés que l’accord passé ne violait ni les sanctions de l'ONU ni les mesures prises par le gouvernement américain contre l’Iran. La société EGL ne sera pas présente dans la République Islamique, il s’agit simplement d’un accord de distribution de gaz. De plus, aux vues de la qualité et de l’immédiateté des réactions suisses, il est certain que celle-ci s’était préparé à parer les diverses attaques informationnelles. Pour Calmy-Rey «Ces critiques étaient attendues. Nous [le gouvernement suisse] n'acceptons pas l'extraterritorialité des lois américaines». Les mois à venir nous permettront de savoir si d’autres entreprises oseront affronter la volonté du gouvernement américain ou si, au contraire, la gestion du cas EGL les incitera à ne pas s’y risquer.
Jonathan Lechevalier
Sources
Swiss minister in Iran for signing of gas accord, discusses energy, human rights,BBC Monitoring International Reports, le 19 mars 2008.
Swiss reject US, Jewish criticism of Iranian gas deal, Associated Press Worldstream
le 18 mars 2008.
Washington vérifie si l'accord gazier Iran/Suisse viole des lois US, brève AFP du 19 mars 2008.
« Nous ne violons aucune sanction »,Le Temps, le 19 mars 2008. http://www.letemps.ch/template/suisse.asp?page=5&contenuPage=&article=228128&quickbar=
La Suisse avait informé les Etats-Unis de l'importance stratégique du contrat, aussi bien pour elle que pour l’Europe. Plus que la neutralité qui l’a très souvent caractérisée, la Suisse souhaite maintenant mettre en avant son désir d’indépendance. Cela s’illustre aujourd’hui sur le plan énergétique. Elle ose prendre les mesures nécessaires même si celles-ci vont à l’encontre des volontés de la première puissance mondiale ; et ce alors que d’autres pays européens préfèrent au contraire s’y plier. L’ambassade américaine à Berne a tout de suite qualifié cet accord de « mauvais message ». Le coup est dur à encaisser pour les Etats-Unis : la Suisse les représente depuis la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, en 1980. De plus, le gouvernement suisse s’est exprimé au nom de l’Europe, par l’intermédiaire du délégué aux affaires énergétiques internationales de l’Office Fédéral de l’Energie (OFEN), Jean-Christophe Füeg. Selon lui, il est de leur « intérêt national de soutenir une société dont le contrat aide à diversifier les approvisionnements en gaz de l’Europe et indirectement de la Suisse ». Les Etats-Unis ne veulent pas laisser l’opportunité à d’autres entreprises de s’engouffrer dans la brèche et d’être tentées à leur tour de reproduire cet acte de rébellion. Ils ont prévenu qu’ils comptaient vérifier scrupuleusement les termes de l’accord passé entre EGL et NIGEC. Le gouvernement américain doit tenter de sanctionner sévèrement et à titre d’exemple la société, aussi bien par l’arme informationnelle que celle financière.
Cependant, EGL et le gouvernement suisse ont été prévoyants. Ils se sont assurés que l’accord passé ne violait ni les sanctions de l'ONU ni les mesures prises par le gouvernement américain contre l’Iran. La société EGL ne sera pas présente dans la République Islamique, il s’agit simplement d’un accord de distribution de gaz. De plus, aux vues de la qualité et de l’immédiateté des réactions suisses, il est certain que celle-ci s’était préparé à parer les diverses attaques informationnelles. Pour Calmy-Rey «Ces critiques étaient attendues. Nous [le gouvernement suisse] n'acceptons pas l'extraterritorialité des lois américaines». Les mois à venir nous permettront de savoir si d’autres entreprises oseront affronter la volonté du gouvernement américain ou si, au contraire, la gestion du cas EGL les incitera à ne pas s’y risquer.
Jonathan Lechevalier
Sources
Swiss minister in Iran for signing of gas accord, discusses energy, human rights,BBC Monitoring International Reports, le 19 mars 2008.
Swiss reject US, Jewish criticism of Iranian gas deal, Associated Press Worldstream
le 18 mars 2008.
Washington vérifie si l'accord gazier Iran/Suisse viole des lois US, brève AFP du 19 mars 2008.
« Nous ne violons aucune sanction »,Le Temps, le 19 mars 2008. http://www.letemps.ch/template/suisse.asp?page=5&contenuPage=&article=228128&quickbar=