Contrairement à beaucoup d’idées reçues, la Chine est très active en matière de lutte contre la pollution. Il n’existe pas de différence entre la volonté des pouvoirs publics chinois et les faits observables. Néanmoins, si les pouvoirs publics ont pris conscience de ce problème, ils ne l’ont fait que très tardivement, et les politiques mises en place pour lutter contre la pollution, sont d’un point de vue occidental, très contestables tant du point de vue des raisons, que de la manière de lutte contre ce fléau. Contestables, car même si les moyens mis en place paraissent conséquents, les pouvoirs publics chinois ne s’enrichissent pas d’un effet d’expérience des erreurs passées, et parfois les moyens mis en œuvre sont plus polluants que la situation d’origine (les projets pharaoniques de barrage ont des impacts très néfaste, mais néanmoins les problèmes occultés, et ces mêmes projets dupliqués, pour ne pas « donner tort » au Parti …). Mais certains observateurs font remarquer que ce bilan est contestable sur plusieurs points :
- • la lutte contre la pollution passe inévitablement par le fait de bafouer les droits de l’homme (les déplacements massifs de populations, suppression des terres aux paysans, l’exode rural forcée…) ;
• la lutte n’est menée que dans une but économique, et pour certains aspects sociaux (pour éviter des problèmes internes), mais elle n’est en aucun cas menée pour le bien de la planète, le réchauffement climatique, ou laisser un environnement sain aux générations futures. Des millions d’enfants chinois naissent avec des malformations, les statistiques de la Banque Mondiale montrent des hausses inquiétantes de cas de cancer, d’asthme et autres maladies … mais ce combat n’a comme seul objet la poursuite de la croissance à tout prix ;
• la lutte contre la pollution n’est pas un but global environnemental mais un moyen d’accroitre la croissance du pays.
Bref aperçu de la situation
La Chine est aujourd’hui le 1er pays émetteur de SO² et le second de CO², le tiers du pays est touché par des pluies acides. En matière de pollution des eaux, 50% des nappes phréatiques du Nord de la Chine sont polluées, et donc impropres à la consommation. En 2000, seules 15% des eaux usées recevaient un traitement adéquat, et 50% à Pékin. Sur 660 grandes villes en Chine, 440 villes subissent des pénuries d’eaux, cela représente 350 millions de personnes. Erosions des sols, désertifications, et diminution des surfaces cultivables sont autant de problèmes liées directement à la pollution. La pollution chinoise ne reste pas cantonnée à ses frontières, depuis quelques années, la Corée du Sud et le Japon sont touchés par des tempêtes de sables et des pluies acides directement imputables à la pollution en Chine.
L’origine de la pollution
Le mouvement du Grand Bond en Avant entre 1958 et 1961 durant lequel Mao souhaitait rattraper la production agricole et industrielle des pays les plus riches, sans se soucier des règles les plus élémentaires en matières scientifiques et d’organisation de la production. Ceci a engendré des dommages considérables et parfois irréparables sur l’environnement (en termes de biodiversité par exemple). Autre point, l’influence soviétique dans la politique chinoise des années 50 qui a donné la priorité à l’industrie lourde très polluante, et l’absence d’un système de prix fonction de la rareté, ont conduit un fort gaspillage des ressources naturelles comme en Union Soviétique.
Aujourd’hui, la dégradation de l’environnement est le mélange du système politique chinois qui engendre responsabilisation, bureaucratie, poursuite d’objectifs de croissance quantitative et un capitalisme débridé.
Les raisons de la lutte contre la pollution
Contrairement, aux pays occidentaux, la Chine ne lutte pas contre la pollution pour des raisons de protection de la planète, de protection des populations, contre les catastrophes naturelles… Les principales raisons de cette lutte sont sociales et politiques d’abord, avec un début de prise de conscience qu’une croissance à tout prix risque de se retourner contre la stabilité du pays et de ses gouvernants. Un déclencheur a été l’affaire de Xiamen : un investissement de 1,4 milliard de dollars en vue de produire du paraxylène a été suspendu, sous la pression d’une opinion publique naissante : 1 million de SMS de protestation.
Un autre événement fut la fuite de benzène dans la rivière Songhua dans le nord du pays en 2005, où dysfonctionnement de communication, pollution massive, coupures d’eau pour des millions d’habitants ont traumatisé et marqué les esprits.
Des raisons économiques viennent appuyer cette lutte contre la pollution, la Chine est passée d’exportatrice à importatrice de pétrole, mais aussi importatrice de charbon qui représente plus de 70 % de son énergie. Avec un pétrole à plus de 100 dollars le baril, il est devenu vital de diminuer la «voracité» de la croissance économique.
La Chine lutte contre sa pollution car elle lui coûte en termes de Produit Intérieur Brut (PIB). En effet pour produire 1000$, de PIB, cela coute trois fois plus d’énergie en Chine qu’en moyenne dans le monde.
La pollution minimise la croissance, selon des rapports de la Banque mondiale avancent un coût annuel proche de 10% du PIB.
Un tel cout sur la croissance, entrainerait d’autres problèmes en interne à la Chine (inégalité grandissante entre les villes et les campagnes, suppression des terres cultivables aux paysans l’appauvrissement des sols…)
Les actions
Le gouvernement chinois s’est préoccupé très tardivement de la protection de l’environnement. La première loi de protection de l’environnement a été promulguée en 1979.
Certaines catastrophes écologiques ont sensibilisé la population et les autorités par exemple le débordement du Fleuve Huai, qui a entrainé une contamination des élevages de poissons, crevettes, et des terres cultivables, et empêchant l’approvisionnement en eaux potables pendant plusieurs mois de certaines villes de la région. Ce type de catastrophe a frappé l’opinion publique, et a forcé d’une certaine manière les autorités à prendre conscience des problèmes de pollution.
La reconnaissance administrative de l’Agence Nationale pour la Protection de l’Environnement au niveau du gouvernement central a permis aux institutions en charge de la protection de l’environnement au niveau des gouvernements locaux d’accroitre leur pouvoir et de commencer à sanctionner les pollueurs. La prise de conscience des autorités chinoises se matérialise également au niveau des Plan quinquennaux. Le Conseil des Affaires d'Etat de Chine a approuvé en principe un plan quinquennal de protection environnementale qui donne au gouvernement les directives, tâches et mesures principales pour lutter contre la pollution, et 8 des 48 chapitres du XIe Plan sont consacrés au «développement scientifique» et à la «construction d’une société consommant efficacement ses ressources et respectueuse de l’environnement». Il s’agit d’une avancée majeure, car le Plan est un document fondamental pour tous les acteurs économiques publics et privés. L’utilisation efficace des ressources devient un élément d’appréciation des cadres du parti.
Les limites des actions des pouvoirs publics
La prise de conscience est donc bien réelle et les moyens sont massifs mais les autorités ont toujours tendance à privilégier des projets pharaoniques à la gloire du Parti Communiste plutôt que de promouvoir une amélioration de la gouvernance sur les ressources existantes.
Après le barrage des Trois Gorges déjà très critiqué pour ses conséquences écologiques et sociales, les autorités chinoises viennent de lancer la construction d’ouvrages encore plus importants. Les autorités chinoises déplacent les problèmes et repoussent à plus tard l’évaluation des conséquences et des coûts pour l’homme et l’environnement. Dans le cas du barrage des Trois Gorges, plusieurs millions d’habitants ont été ou vont encore être déplacés notamment à cause des éboulements de terrains. Donc là où, il n’y a plus de population, il n’y a plus de problème écologique ou de pollution… Ces mêmes populations sont déplacées dans de nouvelles villes construites à 100 ou 200 mètres plus hauts, donc loin des terres cultivables, les paysans sont « dépossédés » de leurs terres… ces phénomènes accentuent encore plus les inégalités entre villes et campagnes, nous sommes donc très loin de « l’harmonie sociale » prônée par Hu Jintao.
Encore pour pallier à ce type de problème, les technocrates chinois ont, pour diminuer l’écart de niveau de vie, eu l’idée d’accélérer l’exode rural, donc de se servir du prétexte de la pollution à d’autres fins. Selon les dires de Lan Yong instigateur du projet : « C’est un projet pilote qui pourrait être étendu à tous le pays. Il faudra de l’argent, des incitations et beaucoup de propagande ». Même si les populations ne sont plus à proximité, les problèmes subsistent : fissures dans le barrage, accumulation de déchets organiques, prolifération d’algues etc …, avec tous ces effets non prévues, le cout de projet s’en trouve très alourdis (les frais d’entretiens pour assainir les eaux retenues par les barrages pouvant aller jusqu’à 10 milliards pour le cas du Lac de Tai). Des experts avaient fait des études d’impacts et de faisabilité, mais en Chine la décision est prise avant toute consultation.
Le non respect des droits de l’Homme et la nature du régime politique permettent une « relative » efficacité de la politique de lutte contre la pollution. Néanmoins, comme tout système, il présente des failles :
- • Corruption, même si les moyens sont mis en place, une partie des fonds sont détournés par l’administration.
• L’obligation de résultat imposée par le Parti incite certains gouvernements locaux à falsifier les statistiques quant à leurs objectifs de lutte contre la pollution.
• Une absence d’étude réelle sur les sources de pollution et l’application de normes différentes des normes internationales rendent très floues l’ampleur de la pollution et la mesure de l’efficacité des actions misent en place.
• Le système primant sur tout, l’environnement doit s’adapter au système et non pas le système qui s’adapte à son environnement.
• La résolution des problèmes liés à la pollution passe par une prise de conscience et des actions au niveau des pouvoirs publics mais elle passe également par une prise de conscience au niveau des populations, qui ne doivent plus seulement subir les politiques des autorités Chinoises, mais prendre activement part à la lutte contre la pollution.
Sources :
http://www.chine-informations.com/actualite/chine-la-premiere-enquete-nationale-sur-les-sources-de-pollution_8431.html
http://cdurable.info/spip.php?page=imprimersans&id_article=564
http://www.lefigaro.fr/debats/2007/11/21/01005-20071121ARTFIG00549-la-chine-une-future-puissance-verte-.php
http://www.lefigaro.fr/international/2007/11/06/01003-20071106ARTFIG00109-le-yangtse-fait-trembler-la-chine-.php
http://www.chine-informations.com/actualite/pollution-responsables-chinois-soupconnes-davoir-falsifie-statistiques_5718.html
http://www.cepii.fr/francgraph/club/reunions/ouvrage/questions_chine.pdf
http://www.rfi.fr/actufr/articles/098/article_62467.asp
http://www.chine-informations.com/actualite/la-pollution-provoque-la-malformation-de-millions-de-bebes-en-chine_7649.html
http://www.acme-eau.org/POLLUTION-font-color-red-size-4-LE-MEA-CULPA-DE-LA-CHINE-font-_a512.html?PHPSESSID=1e9e20f890b3f31d446ebd861a32aad4
http://www.casafree.com/modules/news/article.php?storyid=4859
http://www.fr.capgemini.com/pdf/10_chine.pdf