La Bulgarie dans la lutte anti-corruption

Le Ministre de l’Intérieur bulgare, Roumen Petkov, a donné sa démission dimanche 13 avril, deux jours après le rejet d'une motion de censure contre le gouvernement Stanichev pour "collusion entre le crime organisé et le ministère de l'intérieur".

Cette motion de censure était l’aboutissement d’une enquête réclamée par l’opposition de droite suite à l’assassinat de deux figures de la société bulgare et aux soupçons de collusion entre des organisations criminelles et le ministère de l’Intérieur.

La première victime, Boris Georgiev était directeur général de la compagnie énergétique Atomenergoremont. La deuxième, Georgi Stoev était un chroniqueur de renom, spécialisé dans l'étude des mafias bulgares. Or, Georgi Stoev avait annoncé être prêt à témoigner des liens unissant la mafia bulgare au ministère de l’Intérieur quelques jours avant son assassinat. A la suite de ces meurtres, l’opposition avait réclamé la démission du gouvernement de coalition de centre gauche du premier ministre socialiste, Sergueï Stanichev, et soumis au Parlement la motion de censure. Elle n’obtint « que » la démission du ministre de l’Intérieur.

Mais cette démission est surtout le résultat des pressions exercées par l’Union Européenne et plus spécifiquement par la Commission européenne sur la Bulgarie pour lutter contre la corruption et le crime organisé qui gangrènent les plus hautes sphères de l’Etat bulgare. En effet, selon la Commission, le niveau de corruption dans la sphère politico-administrative est beaucoup trop élevé et Sofia doit «agir d'urgence» pour l’assainir.

Ce départ forcé aurait pu constituer une avancée dans cette lutte et un gage de bonne volonté à l’égard de la Commission. Mais le Premier ministre socialiste, Sergueï Stanichev, s’empressa de reclasser M. Petkov dans le groupe informel chargé de discuter de la nouvelle composition du gouvernement.

Preuve que les décisions du Premier ministre bulgare, Sergueï Stanichev, sont en totale contradiction avec les déclarations et les promesses du gouvernement bulgare à l’égard des institutions européennes. C’est d’ailleurs la seconde fois que le PSB (parti socialiste bulgare) est éclaboussé par un scandale de cette ampleur. En juin 2007, l’ancien ministre de l’énergie, Roumen Ovtcharov, avait du démissionner car il était soupçonné d’avoir tenté d’influer sur le cours de la justice. Depuis leur adhésion le 1er janvier 2007, la Bulgarie et la Roumanie sont sous surveillance étroite de la Commission européenne. Il leur est reproché de ne pas réaliser suffisamment de progrès dans la lutte contre la corruption et le crime organisé. Deux rapports d’étape sur la Roumanie et la Bulgarie ont été rendus public en février 2008 dénonçant des résultats insuffisants voire même inquiétants. Le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a d’ailleurs tenu a rappelé que "la corruption et le crime organisé, surtout à des niveaux élevés de l'administration, n'ont pas leur place dans l'Union européenne et ne peuvent y être tolérés".

Or, malgré quelques réformes, comme l’amendement à la Constitution pour assurer l’indépendance de la justice et le nouveau code de procédure civil, le système judiciaire bulgare est toujours le terrain de jeux préféré des organisations criminelles qui y opèrent en toute impunité. Du fait de ce verrouillage, et malgré le ras le bol général des bulgares, le crime organisé a toujours réussi à échapper aux condamnations grâce à ses appuis dans la sphère politico-administrative. Le chemin vers l’éradication de la corruption et du crime organisé risque d’être long et semé d’embûches…. D’autant plus que la Commission doit publier en juillet 2008 deux nouveaux rapports sur les progrès de la Bulgarie et de la Roumanie.

Or, Si à cette date, les résultats sont toujours jugés insuffisants, Bruxelles pourra prendre des sanctions à leur encontre en gelant certaines aides comme celles versées dans le cadre de la politique agricole commune.



Audrey de la Tribouille



Sources :

http://www.lefigaro.fr/international/2008/04/09/01003-20080409ARTFIG00012-le-crime-organise-ronge-le-gouvernement-bulgare.php

Article du Monde du 18 avril 2008, « La lutte contre le crime organisé et la corruption piétine en Bulgarie » de Anne Rodier.