Le Hezbollah entre la résistance et le terrorisme

Alors que depuis la fin de la guerre de l’été 2006, les offensives médiatiques étaient restées limitées aux critiques interposées de chaque camp, Hassan Nasrallah n’a fait pas moins de 5 discours depuis le mois de janvier 2008. Les articles sur Al Manar ont dépassé la trentaine en moins d’une semaine. Les trois plus importants discours ont eu lieu à la suite de la mort d’Imad Moughnia lors d’un attentat à la voiture piégée en Syrie. Imad Moughnia n’était pas un inconnu. Il fut l’instigateur des attentats contre les parachutistes français du Drakkar (58 morts), contre le quartier général des marines (241 morts), des prises d’otage d‘occidentaux à Beyrouth dans les années 80 ainsi que les deux attentats antisémites commis en Argentine au cours des années 90 (plus de 100 morts et 500 blessés).
Avec un tel bilan, le chef terroriste du Hezbollah avait des comptes à rendre. Son élimination physique en est la



résultante logique. Ceci explique la réaction très virulente d’Hassan Nasralla, leader du Hezbollah, lors de ses funérailles. Ce décès est un revers pour le Hezbollah qui avait fait de ce chef terroriste un héros symbolique dans son combat contre Israël et ce qu’il considère comme ses alliés. Respectant 40 jours de deuil, Hassan Nasrallah s’est exprimé à nouveau lundi 24 mars pour réitérer ses positions. Cet événement  fait monter à son paroxysme la tension entre Israël et le Hezbollah. Le guide du parti de Dieu fait montre d’une particulière virulence dans ses propos et ses thématiques et semble donner une nouvelle orientation dans la politique générale du Hezbollah. Hassan Nasrallah identifie trois étapes historiques dans l’évolution de la résistance libanaise :

- une première étape s’étalant  jusqu’en 1982 dans laquelle le Liban aurai subi le joug de l’Etat d’Israël.

- une seconde étape depuis 1985 époque à laquelle le Hezbollah s’est édifié en organisation de résistance bien conçue et permettant d’assurer une défense sérieuse des territoires du sud-Liban.

- enfin une troisième étape, à partir de mai 2000 où, sous l’égide d’Imad Moughnia, la résistance hezbollahi a fait montre de son efficacité en tenant tête à Israël et même en lui infligeant un « cuisant échec » pendant les événements de juillet 2006. Dans l’idée de Nasrallah, il faut tenter de persuader les Libanais que la victoire est assurée car inscrite dans une progression historique de la résistance qui doit se terminer par la fin de la domination d’Israël.

Cette analyse permet peut-être de comprendre ce que veut signifier Nasrallah quand il affirme que l’on est passé au stade d’une véritable guerre « ouverte ». Dans un sens premier, on peut comprendre cela de manière très banale en ce sens que le conflit est officiellement déclaré entre les deux entités. Néanmoins, le contexte du moment est trop particulier pour voir dans ce terme un message classique d’affrontement médiatique. Dans son deuxième discours Nasrallah a affirmé : « Nous avons le droit de nous défendre lorsque l’ennemi nous tue hors des frontières du pays ». Cette affirmation montre parfaitement en quoi le contexte aujourd’hui est plus que particulier. Un membre du Hezbollah a été assassiné non pas durant un conflit armé ou à l’intérieur du Liban. Il est mort en Syrie des suites d’un attentat. La responsabilité attribuée par l’organisation à l’Etat d’Israël fait que désormais le champ d’opposition semblerait ne plus se limiter au seul territoire du sud Liban mais serait bien élargi dans un conflit Hezbollah/Israël quel qu’en soit le terrain. Ce qui correspondra peut être à une quatrième étape de l’histoire du Hezbollah ou bien à une forme d’acte final de la troisième. Quoi qu’il en soit les tensions sont telles qu’une nouvelle guerre n’est pas à exclure.

D’autre part, ces discours soulèvent quelques interrogations à propos de la relation Hezbollah/Iran. Ainsi a-t-on pu remarquer la présence du docteur Mouttaki ministre iranien de l’intérieur aux funérailles d’Imad Moughnia, et l’affirmation solennelle de remerciements de Nasrallah à l’égard de Mahmoud Ahmadinejad pour ces condoléances à l’occasion de ces  funérailles. La venue d’une telle personnalité un signe fort de la part de l’Iran. Si l’on se réfère ici à la grille de relation entre l’Iran et le monde occidental on imagine ce qu’un tel rapprochement susceptible d’être encore plus approfondi pourrait avoir comme conséquences en matière de relations internationales. Dans tous les cas de figure, il est certain que cela n’adoucit en aucune manière les tensions régionales. Ceci d’autant plus que malgré la mort de Moughnia en Syrie, aucun signe de reproche n’a été identifié dans les propos d’Hassan Nasrallah à l’égard des autorités de Damas. L’axe hezbollah-Syrie-Iran semble plus que jamais se renforcer.

« la stratégie de la Résistance a été et est toujours de libérer le reste des territoires libanais colonisés, et les otages dans les prisons, et la défense et la protection du Liban, face aux violations des Israéliens. » On est loin d’un discours typiquement religieux mais surtout dans une sémantique politique inscrite dans le cadre colonisateur/colonisé. Le Hezbollah se présente avant tout comme le défenseur du peuple libanais avant d’être celui de l’islam.  De plus, on peut remarquer l’orientation affirmée vers une opposition aux puissances occidentales, notamment par sa remise en cause de la Cour internationale de justice.

En complément de cette stratégie, on constate la persistance de Nasrallah d’inscrire sa légitimité dans un rapport du faible au fort dans lequel il n’agit que par nécessité. Ainsi : « La décision de la guerre et de la paix appartient à Israël depuis 1948, et la décision que nous prenons nous-mêmes, est notre droit légitime, légal, naturel, humain et « akhlaki » quant à la défense de notre population, de nos parents, et de nos villages et de notre pays ». Rien de nouveau dans cette optique qui constitue depuis toujours un des angles d’argumentation du parti de Dieu mais qui surprend compte tenu de la teneur des propos précédents. On devine peut être ici une faiblesse dans la dialectique du guide. En effet, il semble contradictoire d’affirmer que l’on est passé à une guerre ouverte tout en persistant dans l’idée que le Hezbollah ne prendra pas l’initiative.


Foulques De Samie