Quand l’AFSSAPS lave plus blanc que la FDA…

Les notations de l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) favorise-t-elle la fuite de notre innovation dans le domaine pharmaceutique vers l’étranger ? C’est la question que nous sommes en droit de nous poser au regard des événements dont a été victime un laboratoire du secteur pharmaceutique.



Les laboratoires de tests en recherche pharmaceutique sont soumis à la notation de l’AFSSAPS (évaluation de conformité aux Bonnes Pratiques de Laboratoire, BPL), leur autorité de tutelle. Ils sont, à ce titre et légitimement, inspectés régulièrement. Ces dernières années, on constate que certains laboratoires de tests ont subi une rétrogradation étonnante de leur note. En effet, ces laboratoires semblent avoir toujours rempli les conditions et les obligations des réglementations internationales en matière de tests et semblent s’être toujours distingués dans les évaluations lors des années antérieures.

Ce phénomène touche de nombreux acteurs parmi lesquels figurent PIERRE FABRE, SANOFI et L’OREAL. Il prend une toute autre ampleur lorsqu’il atteint un laboratoire indépendant, prestataire de ces grands groupes. A Poitiers, la société PAREXEL avait jusqu’alors toujours obtenu des A, la plus haute note dans le classement de l’AFSSAPS. Auditée en mars 2007, la société s’est vue attribuer un C signifiant l’absence de conformité aux BPL. Son accréditation lui a donc été retirée.

Cette notation négative intrigue dans la mesure où ce laboratoire a toujours bénéficié des meilleures appréciations. De plus PAREXEL dispose d’une dimension internationale et est donc de ce fait audité par d’autres organismes, tout aussi exigeants que l’AFSSAPS, notamment la FDA (Food and Drug Administration) américaine. Cette dernière, dont les contrôles sont très poussés, a effectué une inspection quelques semaines avant l’autorité française et n’a relevé aucun dysfonctionnement des procédures ou manquement à une réglementation (formulaire 483).

Les conséquences de ces rétrogradations sont sans commune mesure pour les laboratoires indépendants. Leur image et leur réputation sont fortement mis à mal ce qui entraine le plus souvent une perte de contrats, de clients et de fournisseurs. Les laboratoires deviennent ainsi des cibles faciles pour des rachats potentiels et risquent même la cessation d’activité. A Poitiers, un mois après l’inspection de l’AFSSAPS (mars 2007), l’incompréhension a cédé la place aux inquiétudes, les meilleurs éléments (notamment le Directeur Général et le Directeur Scientifique, l’un des meilleurs bioanalystes mondiaux) quittent l’entreprise, les contrats se raréfient… des licenciements sont envisagés.

En janvier 2008, PAREXEL a retrouvé son accréditation (note A). Cette nouvelle n’aura pas suffi à réparer les conséquences de la précédente note : la société, fragilisée par cet évènement, annonce le 2 mars 2008 son rachat par un acteur indien, SYNCHRON. Les industriels indiens de la pharmacie sont offensifs en Europe à l’image des rachats du belge DOCPHARMA par MATRIX LABORATORIES (juin 2005), du premier producteur de génériques allemand BETAPHARM par HYDERABAD DR REDDY’S (février 2006), du roumain TERAPIA par RANBAXY (mars 2006), du laboratoire français NEGMA par WOCKHARDT en mai 2007…

(1).

A travers cet exemple, ne devrait-on pas harmoniser les critères de l’AFSSAPS et ceux de la FDA américaine de façon à gagner en cohérence ?

(2) sénatorial, publié en juillet 2007, déclarait que les agences de sécurité sanitaire françaises « pâtiss[ai]ent d'un manque de pilotage ».







1- « Le laboratoire Parexel dans la tourmente », La Nouvelle République, 23/05/2007


2 - « Les agences en matière de sécurité sanitaire : de la réactivité à la stratégie », Rapport d’information n°355, Mme Nicole Bricq, 27/06/2007