Les limites de puissance du Japon (suite)

Les prévisions de croissance de l’économie japonaise pour l’année 2008 sont annoncées entre 1.3 et 1.8%, inférieures à celles de 2007 (2.1%). Le cabinet du Premier ministre a reconnu que l’économie japonaise était en train de ralentir. Si le Japon est toujours la deuxième puissance économique mondiale, sa structure, ses atouts historiques et sa gestion forment aujourd’hui une contradiction à la volonté de puissance du Japon en rendant plus faible le pays.

Au-delà de la faiblesse de la demande intérieure, les exportations vers les Etats-Unis sont en baisse de 3.2%. De plus, le ralentissement de l’économie américaine a des répercussions sur tous les pays émergents, notamment la Chine. Or, la Chine est très spécialisée dans l’assemblage avant réexportation et importe de nombreux équipements semi-finis du Japon. Toute baisse des ventes de la Chine vers les Etats-Unis de ce type de produits a donc des conséquences sur le Japon. La gestion récente en janvier et février derniers du scandale alimentaire lié à une intoxication alimentaire de plusieurs centaines de Japonais avec des nouilles surgelées provenant de Chine est symptomatique d’un décalage entre une volonté d’affirmation de puissance régionale et la dépendance économique croissante du Japon envers la Chine. Cette affaire avait pris une telle ampleur que le premier ministre japonais avait fait de ce dossier une « question de sécurité nationale ». Alors que les responsabilités étaient difficiles à établir, les antagonismes sino-japonais ont refait une nouvelle fois surface avec des attaques systématiques sur la mauvaise qualité des produits alimentaires chinois, antagonismes exacerbés via Internet, chaque camp nationaliste s’en donnant notamment à cœur joie, alors que le Japon n’est pas en ce moment en position de force vis-à-vis de son voisin chinois.
De même, l’industrie japonaise dont les fleurons se retrouvent dans l’automobile, la construction navale ou encore l’outillage industriel, subit de plein fouet la hausse du prix du minerai de fer (+65%), tout comme celui du charbon (prix à la tonne multiplié par 3). Parallèlement le Japon, dépourvu de ressources naturelles et premier importateur mondial de charbon, de gaz naturel liquide et de gaz de pétrole liquéfié, subit également l’augmentation de ces prix qui se répercutent tant à l’intérieur (inflation) qu’à l’extérieur (réduction des marges des entreprises nippones, moteurs de la croissance). Enfin, le Japon souffre « d’amateurisme » dans sa politique publique, alors que les banques japonaises manquent d’imagination, se reposant sur des tonnes d’épargne improductive, sans proposer des produits innovants à leurs épargnants. Ce sont d’ailleurs des banques étrangères comme HSBC ou Citi qui récupèrent la clientèle de la classe moyenne nippone, les banques japonaises étant traditionnellement tournées vers la classe aisée. Tous ces handicaps, issus de la structure de l’économie japonaise et amplifiés par l’envolée des prix des matières premières et ressources énergétiques, marquent une véritable contradiction face à la volonté de puissance du Japon et à sa place de deuxième puissance économique mondiale.


Matthieu Depoire

Sources :
La Tribune – « Le Japon n’est pas à l’abri de l’orage » - Régis Arnaud – 30/01/2008
Les Echos – « En plein scandale alimentaire au Japon, Japan Tobacco gèle l’intégration de Katokchi » - M.G. – 06/02/2008
Les Echos – « Le Japon met en garde contre un ralentissement de son économie » - Michel de Grandi – 25/02/2008
La Tribune – « le « carburant » de l’industrie nippone devient hors de prix » - Régis Arnaud – 21/02/2008
La Tribune – « La mutation des banques nippones » - Régis Arnaud – 03/03/2008