Depuis le début de l'année 2008, plusieurs indices laissent à penser que la France a la volonté de développer une nouvelle stratégie de puissance. Puissance moyenne, maillon incontournable de la construction européenne, la France manquait depuis de nombreuses années d'une véritable stratégie de puissance pour maintenir son statur et peser dans les décisions, tout en prenant en compte ses difficultés économiques.
L’annonce le 3 janvier dernier de la création du Conseil de Défense et de Sécurité Nationale, dans la droite ligne de l’établissement du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, symbolise bien la volonté de notre pays d’avoir une vision plus globale et complète des menaces et des moyens d’y faire face.
De même, la création en 2009 d’une base militaire interarmées aux Emirats Arabes Unis, face à l’Iran, dans une zone hautement stratégique et pré carré des Etats-Unis, marque un vrai retour sur la scène diplomatique internationale. Dans une région très sensible aujourd’hui et demain, la France se démarque de ses zones traditionnelles de présence comme l’Afrique (sans les abandonner) pour renforcer ses liens avec les monarchies du Golfe et peser ainsi dans la résolution des conflits et des tensions du Moyen-Orient.
Les accords ou mémorandums signés ces derniers mois avec la Lybie, le Maroc, le Qatar ou les Emirats Arabes Unis pour la fourniture de réacteurs nucléaires civils montre également la volonté française d’être présente dans le domaine économique, tout en présentant ce secteur particulièrement stratégique, comme indispensable aux pays exportateurs de pétrole. Pays à l’excellente maîtrise technologique du nucléaire, la France pousse donc ses pions pour se rendre incontournable dans ce secteur et préparer l’avenir.
Toujours dans le domaine économique, la volonté de faire de la Caisse des dépôts un fond souverain pour défendre les intérêts économiques français et certaines entreprises appartenant à des secteurs considérés comme stratégiques démontre là aussi une vision plus réaliste de la guerre économique qui fait rage aujourd’hui dans le monde, même si les moyens restent faibles.
Enfin, l’expression de la notion de « politique de civilisation » s’inscrit elle aussi dans une vision stratégique de la France. Dans un contexte souvent agité ces dernières années, la réaffirmation des constituants de l’identité française, la volonté de redonner à la société des repères est le gage d’une plus forte cohésion nationale, élément indispensable pour être respecté et peser sur la scène internationale.
L’accumulation de tous ces indices laisse donc présager de l’expression d’une véritable stratégie de puissance pour la France. Sont-ils également perçus ainsi par nos alliés et néanmoins adversaires économiques ? Pour l’instant, on note peu de réactions internationales, certainement car tout ceci paraît encore très embryonnaire. Mais n’est-ce pas là une volonté que d’avancer à petits pas ? Les mois à venir devraient dévoiler si ces faits ne sont finalement qu’illusion ou si la stratégie est bien réelle. A cet égard, la présidence française de l’Union européenne à partir du 1er juillet 2008, pour laquelle la France a défini un ordre du jour ambitieux, sera aussi un moment-clé dans la mise en place de cette stratégie.
M.D
Sources:
- Les Echos du 3 janvier 2008, brève sur la création du Conseil de Défense et de Sécurité Nationale