Les ports français, un vecteur de puissance ?

Pour améliorer l'affirmation de la force française, il convient de faire un état des lieux des différents vecteurs de la puissance spécifiques à notre territoire et aux échanges avec les territoires étrangers. Dans la cartographie des vulnérabilités structurelles françaises, les ports et leur capacité à s'imposer dans le trafic international sont une des faiblesses majeures. Avec plus de 3000 km de côte ouvrant sur quatre façades maritimes (la mer du nord, la manche, l'atlantique et la méditerranée), la France aurait dû s'affirmer dans le trafic maritime international. De plus, à l'heure où les principales routes maritimes sont déportées vers l'Asie, l'activité maritime européenne devrait se condenser, délaissant les zones portuaires les moins compétitives.


Trois domaines sont particulièrement déficients dans la situation française :

- La stabilité de l'activité : La France est malheureusement connue pour ses grèves. Les mouvements sociaux entrainent une incertitude pour les bateaux qui ne se fidélisent pas et préfèrent s'orienter vers d'autres ports. Quel que soit le parti politique dominant, il est nécessaire de pérenniser l'activité par une amélioration des conditions économiques et la négociation avec les partenaires sociaux dans le but de maintenir l'activité en cas de grève et de rassurer nos partenaires.

- La performance des infrastructures et l'innovation technologique : La forte croissance du trafic maritime oblige les zones portuaires à accueillir de plus en plus de bateaux et de marchandises. Nos infrastructures doivent être modernisées. Pour améliorer la capacité d'absorption du trafic portuaire, il  faut augmenter le temps de rotation des bateaux en débarquant plus de containers en peu de temps. Actuellement, la capacité de débarquement est estimée à 90 containers alors qu'il faudrait pouvoir en débarquer 300 pour rivaliser avec les grands ports internationaux tels que Rotterdam, Singapour ou Shanghai. La France doit financer l'innovation technologique dans ce domaine et protéger ses entreprises stratégiques et leurs brevets.

- L'accès à l'arrière pays : Le port est un lieu de passage pour les marchandises importées et exportées par la France et plus généralement par l'Europe. La capacité à dispatcher les marchandises sur les territoires ainsi que la capacité à les acheminer depuis leur lieu de production est une activité en aval et en amont qui, couplé à un  taux élevé de rotations des bateaux, défini la performance d'un port. Les infrastructures de transport françaises sont très centralisées autour de la capitale. Même en favorisant les transports transrégionaux par le Fret, il serait nécessaire de définir un plan d'acheminement intégré, ramifiant l'ensemble du territoire et favorisant les grands axes européens.

Les spécificités françaises naissent de la culture de la rente, induite par l'importance de la paysannerie dans l'histoire de France. Dans la plupart des pays du monde, la capitale est placée au bord de la mer avec un port. L'accès à la mer est synonyme de la capacité de projection d'un état dans le monde. En France, la capitale est à l'intérieur des terres et les symboles de puissance de la nation se sont construits sur la capacité à rentabiliser les cultures. Aujourd'hui, les exportations et les importations françaises sont stratégiques pour l'expression de la puissance de notre pays et pour la stabilité et l'adaptabilité de notre économie. La France ne peut pas se permettre de dépendre de ses voisins européens dans ce domaine.

En France, la plupart des ports sont nés de l'initiative de la puissance publique. Hors, dans une période budgétaire difficile et un contexte international tendu, le soutien financier nécessaire à la modernisation des ports stratégiques n'est pas supportable par l'état seul. Des financements privés pourraient assumer la modernisation des ports français avec le soutien d'une politique territoriale permettant de faciliter l'acheminement des marchandises dans l’arrière pays. Il s’agit aussi de créer de meilleures synergies entre le secteur privé et les missions de l’état, par exemple en déléguant le commandement d’exploitation et toutes les activités intervenant dans le domaine concurrentielles. Le rapport Attali préconise de dégager des synergies entre les ports du Havre, de Rouen et de Paris et d’œuvrer pour que la France puisse se doter de ports de taille européenne (Le Havre, Marseille et Nantes).

Mathieu Hamel

Source : Rapport Attali