La presse écrite, fossoyeur de l’Europe

Le 10 février 2008, le Président de la République est intervenu à la télévision pour s’exprimer sur la ratification du traité de Lisbonne par le Parlement. Au-delà de la mise en valeur du rôle de la France dans la relance de l’Europe, Nicolas Sarkozy a exprimé de façon forte sa volonté de voir l’Europe prendre sa place dans le monde, d’avoir une véritable politique de puissance et  de dépasser ainsi le simple cadre de marché économique dans laquelle elle s’est enfermée depuis de nombreuses années (« L’Europe doit agir comme une grande puissance[…], faire valoir son point de vue, défendre ses intérêts », « défendre les entreprises européennes, comme cela est fait ailleurs », « unie, l’Europe sera une formidable puissance politique, économique, culturelles, morale, qui aura son mot à dire dans les affaires du monde »).


Le lundi matin, le compte-rendu par la presse écrite nationale du contenu de cette intervention se révèle tout bonnement dramatique.

Dans le Parisien-Aujourd’hui en France, un encart en bas de page du fait du jour consacré à « l’affaire de Neuilly », signé R.L., s’interroge sur le pourquoi de cette intervention, sous-entendant qu’elle n’a été faite que pour masquer l’actualité nationale, défavorable à sa majorité ;dans Libération, cinq lignes en page 13, sans intérêt ;dans Le Figaro, un article signé Jean-Baptiste Garat consacre 90% de son contenu au rôle de la France dans la relance de l’Europe. Sur le fond de la déclaration sur l’Europe, la place et le poids qu’elle se doit d’avoir et qui seront l’un des moteurs de la prospérité future des Etats membres, quasiment pas un mot ;enfin, Le Monde touche lui aussi le fond en proposant royalement dix petites lignes dans la page 9 consacrée à la France (l’Europe serait donc une région de France !).

Certes, l’Europe est moins « people » que d’autres informations et est moins vendeuse. Pourtant, quelle pauvreté dans l’analyse. Comment intéresser les Français à l’Europe dans ces conditions ? Comment aider à la promotion et à la construction de l’Europe face à la mondialisation, aux Etats-Unis, à certains pays émergeants, quand la presse, relais essentiel, ne fait pas sa part du travail.

Si la presse est défaillante, les paroles du Président étaient d’importance. Ses actes, notamment durant la présidence française de l’UE, seront analysés pour vérifier que les mots seront effectivement suivis d’effets. A vous donc de jouer Monsieur le Président, en espérant que d’ici là, la presse écrite aura pris conscience des enjeux, qui dépassent de loin le microcosme français, mais détermineront certainement son avenir.