Depuis la chute du régime irakien en 2003, la politique russe au Moyen-Orient privilégie ses relations avec l’Iran, relations qui se sont étendues depuis le début des années 1990. Ce rapprochement s’est accentué depuis 2005, aboutissant à un élargissement stratégique du champ d’action au Moyen-Orient, tout en provoquant un climat de tension international risquant de le réduire à terme, faisant de l’allié Iranien une force encombrante.
Le nouvel axe de la politique proche et moyen-orientale de la Russie réside dans la réactivation de relations et la remobilisation de réseaux qui avaient été développés à l’époque soviétique et délaissés après 1991, à la fois pour des raisons politiques et par manque de moyens.
La Russie s’est efforcée de s’imposer face aux Etats-Unis pour créer une alliance avec la deuxième réserve mondiale de gaz, tout en étant conscient de la préférence américaine pour l’Iran. Moscou a su séduire les mollahs, par des accords pétro-gaziers, et notamment en leur fournissant du matériel de guerre pour les talibans dans le but de faire durer la guerre en Afghanistan. La Russie pouvait ainsi concrétiser un pacte avec les trois Etats pétroliers d’Asie Centrale, aboutissant à la réalisation d’un pipeline passant sur son territoire et non par l’Afghanistan, faisant transiter pétrole et gaz vers l’Occident. En même temps, la Russie a éliminé la concurrence iranienne en la maintenant dans la crise, la privant de l’apport des investisseurs étrangers pour développer ses champs gaziers. Pourtant, la Russie (qui s’oppose à tout changement de régime en Iran), maîtrise de moins en moins l’aspiration de l’Iran à devenir l’allié incontournable des Etats-Unis. Jusqu’à présent, lorsque le pays se rapprochait trop des américains ou des européens par la signature de contrats gaziers, Moscou le sanctionnait ou l’avertissait sur le champ pour le fragiliser, notamment en soulignant la mauvaise qualité de coopération avec l’Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), ou en menaçant de stopper sa coopération nucléaire dans la livraison de la centrale de Bouchehr. L’objectif poursuivit étant de faire abandonner à l’Iran son envie d’entente avec les américains.
L’Iran cherche malgré tout à se débarrasser de la Russie et de la détrôner dans son rôle de premier fournisseur de gaz européen. En effet, le 30 janvier 2008, Téhéran demande à l’Irak d’intercéder en sa faveur pour la reprise des négociations directes avec Washington. Le 1er février dernier, Washington donne son accord et invite l’Iran pour une rencontre privée, tout en reconnaissant le rôle positif qu’il a joué en Irak. En réaction, la Russie, qui d’ordinaire s’oppose toujours à de nouvelles sanctions contre Téhéran, a approuvé le projet d’une nouvelle résolution renforçant le régime des sanctions. Après le tir expérimental d’une fusée de lancement de satellite le 4 février, Moscou lui envoie un deuxième signal et exprime son inquiétude vis-à-vis d’une possible ambition nucléaire militaire. Une alliance pérenne avec l’Iran est vitale dans la stratégie d’accroissement de puissance de la Russie, et les mesures ponctuelles prises par Moscou à l’encontre de son allié l’impressionnent de moins en moins et montre une faille de la politique russe.
Hélène Cometto
Sources :
http://www.france24.com/fr/20080206-russie-inquiete-lancement-dune-fusee-liran-iran-russie
http://www.iran-resist.org/article4205
http://www.lejdd.fr/cmc/scanner/international/20087/moscou-met-en-garde-l-iran_94911.html
http://www.cyberpresse.ca/article/20080204/CPSCIENCES/80204106/1020/CPSCIENCES