Le site a déjà abordé dans le passé le problème des affrontements asymétriques. Il y revient aujourd’hui par cette note de lecture sur la mouvance Al Qaida. La grille d’analyse utilisée est celle qui est appliquée au monde des affaires.
Strategic Management Analysis of Al Qaida
Dans les années 80, plusieurs auteurs ont étudié les rapports entre la stratégie militaire et le management stratégique des entreprises. En 1999, l’universitaire français Frédéric Leroy a traité de cette question dans un ouvrage paru chez Economica sous le titre Stratégie militaire et management stratégique des entreprises. C’est dans le même esprit mais sur une thématique non plus militaire mais subversive que Britta M. Lorünser a rédigé une thèse sur la manière dont fonctionne une organisation terroriste comme Al Qaida avec une grille de lecture tirée du monde de l’entreprise. Cette thèse a été validée au printemps 2005 dans le cadre d’un Master en Affaires Internationales à l’Université allemande de Schiller. L’analyse stratégique du management du groupe terroriste est justifiée par la simple raison que tout groupe, quel qu’il soit, afin d’implémenter une stratégie doit être organisé : ce qui fait d’Al Qaïda une organisation « comme les autres » donc qui peut être étudiée par ce prisme. Dès la première partie de la thèse, un parallèle est fait entre l’organisation du groupe terroriste et celle des entreprises, le but étant d’appréhender la vision, la mission et les objectifs d’Al Qaïda.
La vision du groupe est de réunir les musulmans au sein de ce qui était l’Oumma. La mission peut quant à elle évoluer selon l’environnement, ainsi dans les années 80, elle consistait à combattre l’envahisseur soviétique en Afghanistan, et aujourd’hui à combattre l’Occident : l’objectif étant la création d’un Etat panislamique. A partir de ce constat, il est légitime de se questionner sur la manière dont agit le groupe pour galvaniser des hommes autour de la vision de l’Oumma, la communauté des musulmans au-delà de tout critère identitaire. C’est à grand coup de propagande qu’Al Qaïda réussit son œuvre sur des terrains propices. Le musulman, comme tout individu réuni en groupe autour d’une idée, revendique haut et fort l’idée d’Oumma dès lors qu’il se sent en danger face à l’étranger et que ses dirigeants politiques n’apportent plus de solutions à ses problèmes quotidiens. Le passé a montré que dès lors qu’un pays musulman accédait à une stabilité politique et économique, cette revendication tendait à perdre de l’ampleur. En outre, cette idée d’Oumma n’est jamais parvenue par le passé à transcender les clivages dus aux hétérodoxies et aux rivalités d’ordre ethnique ou politique : un musulman indonésien n’est pas un musulman d’Algérie…
Dans la seconde partie, comme pour une entreprise, l’environnement interne et externe d’Al Qaïda est étudiée afin d’en extraire les forces et faiblesses, les opportunités et les menaces. A partir du Swot ci-dessous, nous pouvons constater que la majorité des menaces pour Al Qaïda ne peuvent provenir que des musulmans eux-mêmes, ces mêmes musulmans que le groupe terroriste tente par tous les moyens de rallier à sa cause. Le musulman est la faille du groupe. Dans la dernière partie, et la plus longue, sur fond de modèles organisationnels, l’auteur tente de démontrer ce qu’Al Qaïda a « emprunté » à chaque type d’organisation. Un large récapitulatif des différentes formes d’organisations est fait en passant par les théories de Robbins & Coulter, Henry Mintzberg, Bartlett & Goshal et autres.
FORCES
- La mission du groupe.
- Les moyens financiers.
- Les armes.
- Le leadership d'Oussama ben Laden.
- Formation de ses éléments.
- Espionnage.
- Organisation flexible : réactivité face à l'environnement.
- Communication.
FAIBLESSES
- Défense d'une cause qui peut lasser les gens.
- Plusieurs branches du groupe sont chiites : possibilités de mésentente avec la majorité qui est sunnite.
- Les différentes interprétations du terme Jihad.
MENACES
- La diversité ethnique des musulmans.
- OIC (Organisation de la Conférence Islamique) et l'OIC (organisation pour combattre le terrorisme).
- Les plus grands pays musulmans ne partagent pas les idées du groupes (ex: femmes au pouvoir).
- Les musulmans modérés.
- La démocratie au Moyen-Orient.
- La guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis et les pays occidentaux.
OPPORTUNITES
- La globalisation : communication, déplacement... Facilités.
- Histoire : affaiblissement des pays musulmans par le colonialisme et l'importation du modèle occidental qui a montré ses limites.
- Financières : la générosité des musulmans qui respectent la zakat (un des cinq piliers de l'Islam).