Les derniers déplacements du président de la République dans le Golfe et au Maghreb à la fin de l’année 2007 ont été l’occasion de la signature d’importants contrats industriels, portant essentiellement sur l’armement et l’énergie. Ainsi, l’Algérie a signé un contrat avec Alstom visant à la construction de deux réacteurs à la fin de l’année 2007, suivie par Abou Dhabi, s’engageant cette fois à la construction de deux réacteurs de nouvelle génération EPR auprès d’un consortium Areva-Suez-Total. Une proposition de partenariat nucléaire a été faite à l’Egypte, Hosni Moubarak ayant affiché sa volonté de relancer le programme nucléaire civil, abandonné dans les années 1980, et un mémorandum portant encore une fois sur le nucléaire a été signé avec le Qatar à la fin de 2007. Quant à la visite du Guide libyen Mouammar Khadafi, la polémique sur la vente d’armes a entaché le fait qu’un réacteur nucléaire était également prévu dans l’important mémorandum d’accord signé entre les deux pays.
Cet activisme à l’égard de pays méditerranéens, le président étant soupçonné de mener une véritable « politique de l’atome », se comprend si l’on prend en compte la volonté de créer une nouvelle Union Méditerranéenne : la France, défendant ce projet, se doit de se placer en bonne position auprès des pays concernés. Pourtant, le choix d’exporter le nucléaire peut sembler problématique.
Il est tout d’abord important de prendre en compte la situation géopolitique : le fait qu’Israël ait l’arme nucléaire pousse sans doute certains de ses riverains à vouloir rentrer dans un équilibre de dissuasion qui ne pourra qu’être néfaste pour l’avenir de la paix dans la région. Dès lors, pourquoi contribuer à la prolifération d’une technologique intrinsèquement duale, alors que la France fait partie des principaux pays luttant contre la prolifération d’armes nucléaires dans le monde ? Il semblerait que les intérêts commerciaux, certes importants, prennent le pas sur la vision à long terme d’un monde ou le nucléaire est maîtrisé.
Pourtant, à côté de ce débat complètement ignoré, se pose une autre question, qui s’adresse aux arguments utilisés par les défenseurs de ces accords : le nucléaire est-il réellement la solution aux problèmes énergétiques rencontrés par les pays du Maghreb ?
technologie photovoltaïque ne serait-elle pas mieux indiquée ?
Car là encore, la position de la France rentre en contradiction avec son discours et son engagement européen. Si le nucléaire fait partie des technologies financées par le 7ème programme-cadre de recherche de l’UE (2007-2013), il n’en demeure pas moins que le nucléaire reste une énergie polluante, en raison des déchets occasionnés et devant être stockés sur de très longues périodes, et non renouvelable : les stocks mondiaux prouvés et exploitables d’uranium, c'est-à-dire récupérables à moins de 80 $ le kg, en 2007 s’élevaient à plus de 2500 milliers de tonnes, la moyenne des estimations des stocks tendant ainsi vers une soixantaine d’année de réserves en fonction de l’activité économique.
Or, l’UE défend activement le développement durable au niveau international, ce que montre son attachement au protocole de Kyoto. Ce thème est même sans doute le meilleur moyen pour l’UE de faire entendre une voix différente de celle des Etats-Unis au niveau mondial, en proposant un discours alternatif et posant une image radicalement nouvelle de l’ambition européenne. Aussi pourquoi promouvoir autant le nucléaire et non d’autres formes d’alimentation en énergie ? Les progrès dans le domaine du solaire auraient ainsi pu être l’occasion d’exporter le savoir-faire français tout en défendant l’image nouvelle voulue par l’UE.
Car le solaire possède un bel avenir dans les pays africains et désertiques : l’énergie solaire frappant 1km² de désert chaque année est en moyenne de 2,2 TWh ; les 36 millions de km² de désert dans le monde produisent ainsi annuellement 80 de TWh : 1% de la surface désertique mondiale permettrait de produire suffisamment d’énergie pour l’humanité.
construction de sa première centrale solaire pour 2010.
La France aurait tout à gagner à promouvoir cette source d’énergie, que ce soit au sein de ses partenaires européens dont beaucoup ont prévu d’abandonner le nucléaire à terme, ou bien pour donner une plus grande force à son projet d’Union Méditerranéenne. Si ratifier le protocole de Kyoto et afficher d’ambitieux objectifs de réduction de gaz à effet de serre, lutter contre la prolifération nucléaire dans le monde sont des engagements forts, la position de la France aurait tout à gagner en terme de crédibilité à accorder ses engagements et ses actes.
Guillaume Desmorat