« Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre », Winston Churchill.
Sans remettre en cause le rôle et les responsabilités de Belgrade qui a été un acteur majeur et non seulement un pion, il est judicieux de se demander comment, en dix ans, la dynamique de cette crise a aboutit à une situation irréversible. L’indépendance, ou au moins une certaine forme d’autodétermination, du Kosovo semble aujourd’hui un fait établi en dépit de l’opposition serbe.
Plus que la pression des principaux dirigeants des pays occidentaux et de l’opinion publique kosovare dont la population est à 90% albanophone du Kosovo, la pensée unique sera l’artisan du dépeçage de la Serbie. S’appuyant sur le sacro saint droit des peuples à disposer d’eux même, dont le concept a été vidé de sa substance en même temps que l’UNMIK a laissé se vider le Kosovo de sa population serbe, les militants de l’indépendance du Kosovo souffrent d’une forme particulière de cécité. Elle se caractérise d’abord par un manque singulier de recul historique, frisant le négationnisme, ensuite par le refus d’envisager les implications pour l’Europe que représenterait la jurisprudence kosovare. L’accumulation de mauvaises raisons plaidant en faveur de l’indépendance du Kosovo présente deux risques majeurs pour l’union européenne (UE) ; un régionalisme européen accru et une radicalisation des relations avec la Russie. Mais aucune n’est aussi prégnante que l’état de non droit qui règne de fait au Kosovo et qui en ferait un état défaillant au sein de l’Europe.
Une fragilisation de l’Europe politique contribuerait à un renforcement du pôle décisionnel que représentent les Etats-Unis, servirait la volonté de revanche de la Russie et la soif de puissance de la Chine. Mais avant tout, l’effet tâche d’huile de cette indépendance pourrait avoir des répercussions dans une UE qui peine à trouver ses marques après l’accouchement dans la douleur du traité de Lisbonne. C’est pourquoi, acheter provisoirement la paix au Kosovo en laissant cette province, encore serbe, accéder à l’indépendance par l’auto proclamation ou par un processus diplomatique est injustifié à la lumière des risques de violences interethniques et d’une criminalité que ne parvient pas à régler l’UNMIK.
Le Kosovo, espace d’affrontement des enjeux de puissance.
Jiang Yu . L’UE, malgré la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), est ballotée entre les avis de ses membres et semble incapable de mesurer les conséquences du détachement du Kosovo de la Serbie.
Le Kosovo, ventre mou de l’Europe.
Charte des Nations unies . Au-delà de ces principes universels, la question est de savoir comment les pays membres de l’UE vont gérer le paradoxe qui consiste à reconnaître l’indépendance du Kosovo alors qu’ils refusent de l’évoquer dans le cas de leurs propres régions. Les solutions a minima qui, comme en Espagne par exemple, consistent purement et simplement à s’abstenir de chanter l’hymne national aux prochains jeux olympiques de Pékin parviendront difficilement à maintenir une cohésion nationale. Dès lors, il sera difficile de concilier effritement national et puissance européenne.
Le Kosovo, foyer autonome d’émergence de crises et plaque tournante de la criminalité.
A la question de savoir s’il y a eu nettoyage ethnique en 1999 par les forces de sécurité serbes, il est possible de répondre par l’affirmative ; un nettoyage ethnique est en cours depuis 1999. La KFOR comme l’UNMIK ont été incapables de s’opposer efficacement aux pressions exercées par les kosovars d’origine albanaise (KOA) contre les kosovars d’origine serbe (KOS). Hormis quelques enclaves au sud de l’Ibar et les quartiers de Mitrovica nord, les serbes ont été peu à peu contraints à quitter le Kosovo sous la pression de l'Armée nationale albanaise (en albanais AKSh - Armata Kombëtare Shqiptare) dernier avatar de l’Armée de libération du Kosovo ou UÇK (en albanais Ushtria Çlirimtare e Kosovës). Les évènements du printemps 2004 au Kosovo ont d’ailleurs montré que l’ANA représente encore une capacité de nuisance significative. Appuyés par cette force, les indépendantistes kosovars semblent en passe de proclamer unilatéralement l’indépendance du Kosovo. Cependant, l’UNMIKISTAN, métaphore peu élogieuse sur la mission intérimaire des nations unis au Kosovo, porte également le poids de ses erreurs. Le K.O. démographique sur lequel se fonde la revendication d’indépendance kosovare est le résultat de l’incapacité de l’UNMIK à maintenir le statu quo. L’incurie de l’UNMIK est également visible par son laisser-aller et son impuissance face aux différents trafics qui gangrène le Kosovo sous prétexte de recréer un tissu économique. Non seulement cette démarche est contre productive sur le plan sécuritaire mais, en plus, il en résulte l’émergence d’une criminalité organisé albanophone dont les ramifications s’étendent dans toute l’Europe.
En conclusion, ce qui va se passer au Kosovo est clair en dépit des faits qui montrent que l’indépendance, ou l’autodétermination, du Kosovo semble anticipée. Par opportunisme pour les Etats-Unis ou par manque de courage politique drapé de bons sentiments pour l’UE, l’indépendance de la future ex province est inéluctable. Pour ne pas voir ressurgir à court terme les violences interethniques, dans lesquelles la KFOR serait immanquablement impliquée, la communauté internationale semble prête à toutes les concessions. Le drame de cette obstination, c’est que le Kosovo est un enjeu marginal pour les Etats-Unis et la Russie alors que l’UE y joue son avenir.