Les élections du Président Congrès national africain (ANC) ont été les plus contestées dans l’histoire de ce pays. L’élection du très controversé Jacob Zuma (impliqué dans des affaires de corruption et accusé de viol) ne revalorise pas l’image de la vie politique de l’Afrique du Sud. Cette élection cruciale opposait les deux leaders de la politique sud-africaine, l'actuel président de la République et de l'ANC, Thabo Mbeki et le numéro deux du parti, Jacob Zuma. Comme le précise le quotidien Le Monde dans son article du 14 décembre, « l'ANC n'a jamais connu de réelle compétition électorale en son sein. Jusqu'ici les anciens, aujourd'hui morts ou sur la touche, se mettaient d'accord sur un nom, et la base entérinait leur choix. Nelson Mandela, qui ne s'est pas du tout exprimé sur le sujet, a fait savoir qu'il n'assisterait pas à la conférence de Polokwane ». Cette élection qui s’est déroulée dans un climat tendu met en perspective l’avenir de ce pays qui est, avec le Nigéria, l’une des puissances chaotiques de l’Afrique.
Les composantes de la stratégie de l’Afrique du Sud
L’Afrique du Sud dispose de différents atouts lui permettant de devenir assez visible sur un plan stratégique. La première composante de cette stratégie est d’ordre diplomatique. Elle concerne l’action menée par l’Afrique du sud sur le continent africain. L’Afrique du Sud est un des Etats fondateurs de l’Union Africaine, anciennement OUA (Organisation de l’Unité Africaine). L’OUA prônait la non ingérence dans les affaires des pays frères mais a maintenant été démantelé. L’Acte de Constitution de l’Union Africaine prévoit des mécanismes d’intervention notamment militaires. Quant au Conseil de paix et de sécurité il est désormais mandaté pour agir en cas de violation des principes fondateurs par un des Etats membres. L’Afrique du Sud cherche à promouvoir le NEPAD (New Partnership for Africa Development). Celui-ci vise à donner de nouveaux fondements à l’aide au développement que l’Afrique demande aux pays développés. Notons que l’Afrique du Sud n’est pas un bénéficiaire de l’aide en question du fait de sa richesse relative, mais, de par ses ambitions régionales, la puissance de son économie et l’efficacité de son appareil étatique, elle voit dans ce partenariat la nécessité de considérer la région et non plus le pays comme espace principal de développement, un échange de bons procédés entre bonne gouvernance des pays aidés et aide des pays aidant et, enfin, le rôle moteur du secteur privé. Ainsi, les principes directeurs du NEPAD sont pour une bonne part décalqués des points forts de l’Afrique du Sud.
La seconde composante de cette stratégie est une intense diplomatie de la médiation depuis la présidence de Nelson Mandela qui, usant de sa stature morale, conduisit lui-même de nombreuses missions de conciliation. Sous sa présidence, le pays refusait d’utiliser l’option militaire et privilégiait la promotion des négociations de paix. Mais cette restriction volontaire ne dura pas et disparut lors de l’intervention des Forces armées sud africaines au Lesotho en 1998. Même si cette action fut fortement controversée, elle permit de rompre avec un tabou qui voulait que l’Afrique du Sud n’intervienne pas militairement dans les affaires d’autres pays africains.
La troisième composante de cette stratégie de puissance est militaire. En effet, cette option est utilisée par l’Afrique du Sud dans le but d’intensifier son action diplomatique car elle est de fait la première puissance militaire de l’Afrique. La restructuration de la South African National Defence Force s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle stratégie qui, en l’absence de menaces contre le territoire, privilégie la projection hors des frontières nationales. Cette stratégie a permis de construire un outil qui désormais donne plus de poids aux opérations extérieures du pays. L’armée est également mise à contribution pour des opérations humanitaires, en particulier lors des inondations au Mozambique, ce qui contribue à l’amélioration de son image. Ainsi et avec la réorganisation en parallèle du ministère des Affaires Etrangères, que complète la création d’une structure paritaire entre militaires et diplomates, l’Afrique du Sud dispose aujourd’hui d’une palette diversifiée de moyens d’intervention pour participer au maintien de la paix sur le continent africain. Cette flexibilité lui permet donc d’accroître sa crédibilité et de revendiquer sa position de pays leader, soit dans le cadre d’opérations conduites sous parapluie régional, soit au titre d’interventions directement pilotées par les Nations Unies. L’Afrique du Sud ne se limite plus désormais à son environnement géographique immédiat, mais est active sur des crises plus lointaines (Côte d’Ivoire, Comores, Sahara Occidental, Soudan, Ethiopie/Erythrée, Sierra Leone, Liberia). Cette extension de son champ d’intervention la met d’ailleurs en contact avec d’autres pays aspirant à jouer un rôle de médiateur, tel que le Gabon, le Nigeria et la Libye.
La quatrième composante est d’ordre économique. Cette dimension est cruciale dans les fondements de sa stratégie vis-à-vis du continent africain. De ce point de vue, la situation de l’Afrique du Sud est fort contrastée. D’un côté, et de loin, l’économie sud-africaine est la plus moderne, la plus diversifiée et la plus performante du continent. Elle le doit notamment à la longue période d’apartheid pendant laquelle le pays fut confronté à des embargos de jure ou de facto qui l’obligèrent à se doter de capacités industrielles, y compris dans des domaines de pointe. Elle a donc par rapport aux autres pays africains une économie de pays développé. Elle dispose en outre, notamment dans les secteurs des mines, de l’électricité, des télécommunications et des services financiers, de sociétés riches, puissantes, raisonnablement compétitives et de standing international. Cependant, son économie est globalement moins performante que celles des pays développés ou d’autres pays émergents, en particulier asiatiques. Ainsi, hors du marché intérieur, ses débouchés naturels à l’exportation se situent dans les autres pays africains où, du fait de la proximité géographique et de leur retard de développement, elle bénéficie souvent de réels avantages de compétitivité. On assiste ainsi à une forte expansion non seulement du commerce extérieur mais également des investissements de l’Afrique du Sud vers les autres pays du continent. Cette expansion est vitale puisque c’est grâce aux transactions avec ces autres pays qu’elle parvient à équilibrer sa balance commerciale.
La cinquième composante de la stratégie sud-africaine est d’ordre politico idéologique. Elle consiste à produire un discours de ré africanisation dont l’objectif est double. D’une part et sur le plan intérieur, il participe à la réconciliation nationale ainsi qu’à la construction d’une autre Afrique du Sud, la « nation arc-en-ciel », débarrassée des oripeaux de l’apartheid et revivifiant son passé anté-européen. D’autre part et vis-à-vis de l’extérieur, il vise à re-légitimer le pays, longtemps traité en Etat paria sur le continent africain du fait de son régime raciste. En redorant l’image de l’Afrique du Sud, ce discours contribue, entre autres, à justifier ses interventions extérieures. Derrière ces approches « éclairées », l’Afrique du Sud cherche avant tout à peaufiner son image de champion de la renaissance de l’Afrique et de son retour sur la scène mondiale, mais sous son leadership et principalement au profit de ses propres intérêts nationaux.
Les limites de la puissance de l’Afrique du Sud
La première limite découle des relations contradictoires avec le Nigéria. En apparence, tout va pour le mieux car les sujets de coopération entre le Nigéria et l’Afrique du Sud sont nombreux. Citons comme exemple la création de l’Union Africaine et du NEPAD, qui est pour une large part le résultat de l’action conjointe et coordonnée de l’Afrique du Sud et du Nigeria qui ont réussi à vaincre les réticences nationalistes des autres pays africains tenants de l’ordre ancien. Cette synergie entre les deux pays a été vraisemblablement facilitée par l’étroitesse des liens personnels tissés entre les deux présidents depuis les années 1970. Dans le domaine économique, les échanges se sont fortement développés. L’Afrique du Sud importe du pétrole du Nigeria et lui vend une large gamme de produits manufacturés au point que les exportations sud-africaines à destination du Nigeria ont été décuplées depuis la fin des années 1990. Il en est de même en ce qui concerne les investissements avec l’arrivée en force de sociétés sud-africaines, notamment dans les secteurs portuaire et aéroportuaire.
Cependant, en dépit de ce qui rapproche aujourd’hui les deux pays (et leurs deux présidents) il est probable que cette entente, en particulier dans le domaine du maintien de la paix, soit appelée à se fragiliser. La raison première de la rivalité de demain tient à des positionnements différents. Si en effet, à l’imitation du Nigeria qui se conçoit comme une puissance régionale en Afrique de l’ouest, l’Afrique du Sud se cantonnait à la seule partie australe et orientale du continent, les deux géants n’auraient guère de point de friction. Mais tel n’est pas le cas puisque l’Afrique du Sud ambitionne clairement un rôle embrassant la totalité du continent, ce qui la mettra inévitablement en rivalité avec le Nigeria, tout au moins en Afrique de l’Ouest. Bien plus, l’Afrique du Sud se fait (ou voudrait se faire) le porte-parole de l’Afrique vis-à-vis du reste du monde et l’intermédiaire privilégié entre le continent et les pays développés.
Dans cette confrontation potentielle chacun des deux pays dispose d’atouts, mais dans des champs différents. Ainsi, l’Afrique du Sud, avec un PIB très élevé et un revenu par tête supérieur à 4000 USD, dispose d’une économie industrielle diversifiée, et parfois sophistiquée, d’un bon niveau technologique et d’un appareil d’Etat très largement fonctionnel. S’agissant des relations avec le monde extra africain, l’Afrique du Sud bénéficie de son adhésion pleine et entière aux idéaux des Nations Unies et de sa position de tête de pont du monde développé, en particulier européen, sur le continent africain. En revanche, ses relations avec les Etats-Unis sont parfois tendues comme lorsque, pour des raisons de projection d’image, elle donna asile à l’ancien président de Haïti, Aristide.
La place à long terme de l’Afrique du Sud sur le reste du continent et le rôle auquel elle pourra prétendre pour contribuer à sa stabilisation, seront fonction de sa propre stabilité intérieure. Cependant, l’Afrique du Sud présente des éléments de fragilité qui peuvent demain en transfomer l'Afrique du Sud, bénéficiant du statut de pays pacificateur, en un pays à pacifier. D’une part elle est confrontée à de très fortes inégalités socio-économiques, selon des clivages à base raciale malgré le développement d’une bourgeoisie noire et, d’autre part, peut être contrainte, pour réduire ces tensions, à prendre des mesures qui saperaient les fondements de son économie.
Certains problèmes deviennent préoccupants : différence entre les niveaux de richesse entre populations blanche et population noire, délinquance et pauvreté d’une certaine partie de la population malgré la constitution d’une classe moyenne noire compétente et instruite ; insécurité liée à la misère, montée en puissance de la mafia nigériane, guerres de gangs, corruption.
L’Afrique du Sud est à la merci d’un déséquilibre dangereux lié à la vitesse plus ou moins grande de la ré africanisation. Si celle-ci se fait trop vite (discrimination positive), il y a risque réel d’exode accéléré des élites blanches et de déclin économique accéléré, donc un risque d’implosion et d’appauvrissement général et de misère comme c’est aujourd’hui le cas dans l’ex Rhodésie. Malgré l’image d’un pays aux multiples atouts (culture, technologie, ressources et économie), l’Afrique du Sud a tout intérêt à effectuer une transition aussi douce que possible afin que la population noire trouve sa place dans la société tout en promouvant la paix et l’harmonie raciale et sans perdre les acquis de la population blanche.
Alison Hamer
Sources :
http://www.atlas-historique.net/1945-1989/cartes/AfriqueDecolonisation.html
www.afd.fr/jahia/webdav/site/myjahiasite/users/administrateur/public/article/RSA
-Nigeria-Paix-strategique.pdf
http://www.bbc.co.uk/worldservice/africa/features/storyofafrica/index_
section12.shtml
Les composantes de la stratégie de l’Afrique du Sud
L’Afrique du Sud dispose de différents atouts lui permettant de devenir assez visible sur un plan stratégique. La première composante de cette stratégie est d’ordre diplomatique. Elle concerne l’action menée par l’Afrique du sud sur le continent africain. L’Afrique du Sud est un des Etats fondateurs de l’Union Africaine, anciennement OUA (Organisation de l’Unité Africaine). L’OUA prônait la non ingérence dans les affaires des pays frères mais a maintenant été démantelé. L’Acte de Constitution de l’Union Africaine prévoit des mécanismes d’intervention notamment militaires. Quant au Conseil de paix et de sécurité il est désormais mandaté pour agir en cas de violation des principes fondateurs par un des Etats membres. L’Afrique du Sud cherche à promouvoir le NEPAD (New Partnership for Africa Development). Celui-ci vise à donner de nouveaux fondements à l’aide au développement que l’Afrique demande aux pays développés. Notons que l’Afrique du Sud n’est pas un bénéficiaire de l’aide en question du fait de sa richesse relative, mais, de par ses ambitions régionales, la puissance de son économie et l’efficacité de son appareil étatique, elle voit dans ce partenariat la nécessité de considérer la région et non plus le pays comme espace principal de développement, un échange de bons procédés entre bonne gouvernance des pays aidés et aide des pays aidant et, enfin, le rôle moteur du secteur privé. Ainsi, les principes directeurs du NEPAD sont pour une bonne part décalqués des points forts de l’Afrique du Sud.
La seconde composante de cette stratégie est une intense diplomatie de la médiation depuis la présidence de Nelson Mandela qui, usant de sa stature morale, conduisit lui-même de nombreuses missions de conciliation. Sous sa présidence, le pays refusait d’utiliser l’option militaire et privilégiait la promotion des négociations de paix. Mais cette restriction volontaire ne dura pas et disparut lors de l’intervention des Forces armées sud africaines au Lesotho en 1998. Même si cette action fut fortement controversée, elle permit de rompre avec un tabou qui voulait que l’Afrique du Sud n’intervienne pas militairement dans les affaires d’autres pays africains.
La troisième composante de cette stratégie de puissance est militaire. En effet, cette option est utilisée par l’Afrique du Sud dans le but d’intensifier son action diplomatique car elle est de fait la première puissance militaire de l’Afrique. La restructuration de la South African National Defence Force s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle stratégie qui, en l’absence de menaces contre le territoire, privilégie la projection hors des frontières nationales. Cette stratégie a permis de construire un outil qui désormais donne plus de poids aux opérations extérieures du pays. L’armée est également mise à contribution pour des opérations humanitaires, en particulier lors des inondations au Mozambique, ce qui contribue à l’amélioration de son image. Ainsi et avec la réorganisation en parallèle du ministère des Affaires Etrangères, que complète la création d’une structure paritaire entre militaires et diplomates, l’Afrique du Sud dispose aujourd’hui d’une palette diversifiée de moyens d’intervention pour participer au maintien de la paix sur le continent africain. Cette flexibilité lui permet donc d’accroître sa crédibilité et de revendiquer sa position de pays leader, soit dans le cadre d’opérations conduites sous parapluie régional, soit au titre d’interventions directement pilotées par les Nations Unies. L’Afrique du Sud ne se limite plus désormais à son environnement géographique immédiat, mais est active sur des crises plus lointaines (Côte d’Ivoire, Comores, Sahara Occidental, Soudan, Ethiopie/Erythrée, Sierra Leone, Liberia). Cette extension de son champ d’intervention la met d’ailleurs en contact avec d’autres pays aspirant à jouer un rôle de médiateur, tel que le Gabon, le Nigeria et la Libye.
La quatrième composante est d’ordre économique. Cette dimension est cruciale dans les fondements de sa stratégie vis-à-vis du continent africain. De ce point de vue, la situation de l’Afrique du Sud est fort contrastée. D’un côté, et de loin, l’économie sud-africaine est la plus moderne, la plus diversifiée et la plus performante du continent. Elle le doit notamment à la longue période d’apartheid pendant laquelle le pays fut confronté à des embargos de jure ou de facto qui l’obligèrent à se doter de capacités industrielles, y compris dans des domaines de pointe. Elle a donc par rapport aux autres pays africains une économie de pays développé. Elle dispose en outre, notamment dans les secteurs des mines, de l’électricité, des télécommunications et des services financiers, de sociétés riches, puissantes, raisonnablement compétitives et de standing international. Cependant, son économie est globalement moins performante que celles des pays développés ou d’autres pays émergents, en particulier asiatiques. Ainsi, hors du marché intérieur, ses débouchés naturels à l’exportation se situent dans les autres pays africains où, du fait de la proximité géographique et de leur retard de développement, elle bénéficie souvent de réels avantages de compétitivité. On assiste ainsi à une forte expansion non seulement du commerce extérieur mais également des investissements de l’Afrique du Sud vers les autres pays du continent. Cette expansion est vitale puisque c’est grâce aux transactions avec ces autres pays qu’elle parvient à équilibrer sa balance commerciale.
La cinquième composante de la stratégie sud-africaine est d’ordre politico idéologique. Elle consiste à produire un discours de ré africanisation dont l’objectif est double. D’une part et sur le plan intérieur, il participe à la réconciliation nationale ainsi qu’à la construction d’une autre Afrique du Sud, la « nation arc-en-ciel », débarrassée des oripeaux de l’apartheid et revivifiant son passé anté-européen. D’autre part et vis-à-vis de l’extérieur, il vise à re-légitimer le pays, longtemps traité en Etat paria sur le continent africain du fait de son régime raciste. En redorant l’image de l’Afrique du Sud, ce discours contribue, entre autres, à justifier ses interventions extérieures. Derrière ces approches « éclairées », l’Afrique du Sud cherche avant tout à peaufiner son image de champion de la renaissance de l’Afrique et de son retour sur la scène mondiale, mais sous son leadership et principalement au profit de ses propres intérêts nationaux.
Les limites de la puissance de l’Afrique du Sud
La première limite découle des relations contradictoires avec le Nigéria. En apparence, tout va pour le mieux car les sujets de coopération entre le Nigéria et l’Afrique du Sud sont nombreux. Citons comme exemple la création de l’Union Africaine et du NEPAD, qui est pour une large part le résultat de l’action conjointe et coordonnée de l’Afrique du Sud et du Nigeria qui ont réussi à vaincre les réticences nationalistes des autres pays africains tenants de l’ordre ancien. Cette synergie entre les deux pays a été vraisemblablement facilitée par l’étroitesse des liens personnels tissés entre les deux présidents depuis les années 1970. Dans le domaine économique, les échanges se sont fortement développés. L’Afrique du Sud importe du pétrole du Nigeria et lui vend une large gamme de produits manufacturés au point que les exportations sud-africaines à destination du Nigeria ont été décuplées depuis la fin des années 1990. Il en est de même en ce qui concerne les investissements avec l’arrivée en force de sociétés sud-africaines, notamment dans les secteurs portuaire et aéroportuaire.
Cependant, en dépit de ce qui rapproche aujourd’hui les deux pays (et leurs deux présidents) il est probable que cette entente, en particulier dans le domaine du maintien de la paix, soit appelée à se fragiliser. La raison première de la rivalité de demain tient à des positionnements différents. Si en effet, à l’imitation du Nigeria qui se conçoit comme une puissance régionale en Afrique de l’ouest, l’Afrique du Sud se cantonnait à la seule partie australe et orientale du continent, les deux géants n’auraient guère de point de friction. Mais tel n’est pas le cas puisque l’Afrique du Sud ambitionne clairement un rôle embrassant la totalité du continent, ce qui la mettra inévitablement en rivalité avec le Nigeria, tout au moins en Afrique de l’Ouest. Bien plus, l’Afrique du Sud se fait (ou voudrait se faire) le porte-parole de l’Afrique vis-à-vis du reste du monde et l’intermédiaire privilégié entre le continent et les pays développés.
Dans cette confrontation potentielle chacun des deux pays dispose d’atouts, mais dans des champs différents. Ainsi, l’Afrique du Sud, avec un PIB très élevé et un revenu par tête supérieur à 4000 USD, dispose d’une économie industrielle diversifiée, et parfois sophistiquée, d’un bon niveau technologique et d’un appareil d’Etat très largement fonctionnel. S’agissant des relations avec le monde extra africain, l’Afrique du Sud bénéficie de son adhésion pleine et entière aux idéaux des Nations Unies et de sa position de tête de pont du monde développé, en particulier européen, sur le continent africain. En revanche, ses relations avec les Etats-Unis sont parfois tendues comme lorsque, pour des raisons de projection d’image, elle donna asile à l’ancien président de Haïti, Aristide.
La place à long terme de l’Afrique du Sud sur le reste du continent et le rôle auquel elle pourra prétendre pour contribuer à sa stabilisation, seront fonction de sa propre stabilité intérieure. Cependant, l’Afrique du Sud présente des éléments de fragilité qui peuvent demain en transfomer l'Afrique du Sud, bénéficiant du statut de pays pacificateur, en un pays à pacifier. D’une part elle est confrontée à de très fortes inégalités socio-économiques, selon des clivages à base raciale malgré le développement d’une bourgeoisie noire et, d’autre part, peut être contrainte, pour réduire ces tensions, à prendre des mesures qui saperaient les fondements de son économie.
Certains problèmes deviennent préoccupants : différence entre les niveaux de richesse entre populations blanche et population noire, délinquance et pauvreté d’une certaine partie de la population malgré la constitution d’une classe moyenne noire compétente et instruite ; insécurité liée à la misère, montée en puissance de la mafia nigériane, guerres de gangs, corruption.
L’Afrique du Sud est à la merci d’un déséquilibre dangereux lié à la vitesse plus ou moins grande de la ré africanisation. Si celle-ci se fait trop vite (discrimination positive), il y a risque réel d’exode accéléré des élites blanches et de déclin économique accéléré, donc un risque d’implosion et d’appauvrissement général et de misère comme c’est aujourd’hui le cas dans l’ex Rhodésie. Malgré l’image d’un pays aux multiples atouts (culture, technologie, ressources et économie), l’Afrique du Sud a tout intérêt à effectuer une transition aussi douce que possible afin que la population noire trouve sa place dans la société tout en promouvant la paix et l’harmonie raciale et sans perdre les acquis de la population blanche.
Alison Hamer
Sources :
http://www.atlas-historique.net/1945-1989/cartes/AfriqueDecolonisation.html
www.afd.fr/jahia/webdav/site/myjahiasite/users/administrateur/public/article/RSA
-Nigeria-Paix-strategique.pdf
http://www.bbc.co.uk/worldservice/africa/features/storyofafrica/index_
section12.shtml