Malgré la présence en Norvège d’une minorité active de Birmans exilés, la presse n’a pas fait état d’une préoccupation forte de la situation en Birmanie avant la crise de 2007, à l’exception d’une radio de la minorité birmane, Voice Of Burma, basée en Norvège. Lors de la dernière crise birmane, la presse s’est contentée de faire état dans un premier temps des positions officielles du gouvernement norvégien : à savoir que des sanctions commerciales et la remise en cause de liens diplomatiques et économiques entre la Norvège et la Birmanie ne mèneraient pas à un changement de régime en Birmanie et seraient donc inutiles.Prise dans un contexte de fortes augmentations des importations venues de Birmanie, la prise de position des autorités norvégiennes a pour effet de déculpabiliser la classe politique de son inaction face à une société civile très active. Dans le même temps, la presse norvégienne a critiqué ouvertement les pays dont les entreprises sont présentes en Birmanie, particulièrement Total et la France, mais également la Russie, accusés de soutenir, de financer et de cautionner activement la junte et ses pratiques, pour satisfaire une logique économique au détriment des droits de l’homme.
De leur côté, les ONG norvégiennes ont souligné les contradictions entre la parole et les faits du gouvernement d’Oslo, qui déconseille les investissements en Birmanie et fustige les soutiens financiers et économiques à la junte, tout en validant l’action de son fonds souverain qui investit en Birmanie de manière directe et indirecte. Mais la mise en lumière de la participation directe du fonds dans Total, et indirecte dans d’autres sociétés actives en Birmanie, met en porte à faux le gouvernement norvégien par rapport aux principes éthiques qu’il affiche sur la scène internationale. Le Comité éthique du fonds souverain affirme ainsi que malgré les mises en cause (prouvées selon le comité) de Total en Birmanie entre 1995 et 1997, cette entreprise entrait dans les critères éthiques du fonds. La même contradiction existe à travers des participations d’entreprises en Chine (éthique environnementale et soutien à la Birmanie), ainsi qu’à travers le rachat de Talley (fabricant de bombes à sous munitions, interdites par le conseil éthique) par la société norvégienne Nammo (part de l’Etat 50%). La presse norvégienne n’a pas accordé d’importance particulière à ce sujet d’actualité, tendant à faire penser qu’il existe un traitement différencié de l’information.
Ce double langage ne semble pas pour autant être un système organisé, mais plutôt l’expression de rivalités internes à la classe politique, instrumentalisant leurs positions dans telle ou telle ONG influente sur la presse et donc sur la société civile. Ainsi, Jagland, le Président de l’Assemblée, a pris l’initiative d’organiser l’exil politique en Norvège du colonel birman Hla (N° 2 du renseignement birman) en octobre dernier, afin de lui éviter la mort dans son pays après sa fuite, et ce malgré les exactions auxquelles il a participé. Le secrétaire d’état norvégien aux affaires étrangères dit ne pas avoir été informé de ces faits. Comment ne pas établir une relation entre cette affaire et les demandes d’asile politique refusées aux Afghans en 2006 et 2007, malgré la position du Haut Commissaire aux réfugiés de l’ONU qui appelle la Norvège a ne pas être outrageusement stricte.
Blandine Gouet