Quel(s) intérêt(s) pour la France de rejoindre le commandement intégré de l’OTAN ?


« L’OTAN a été créée pour maintenir les Etats Unis en Europe, les soviétiques en dehors et les allemands en bas »a déclaré Winston Churchill. Dans la perspective du nouveau projet de concept de stratégique de l’alliance, il serait judicieux d’évaluer les enjeux et les risques pour la  France de reprendre une place à part entière au sein de l’organisation du traité de l’atlantique nord (OTAN). La trajectoire erratique de la stratégie de l’OTAN, qui contraste avec l’organisation du volet militaire, laisse supposer un statu quo de l’exception française dont l’accroissement de puissance ne va pas de pair avec une réintégration. Car en dépit de son implication, la politique d’influence française peine à vaincre l’opposition que suscite la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) parmi les membres de l’OTAN tout en ayant  une portée limitée sur les orientations de l’alliance.



Les blocages institutionnels représentent un obstacle majeur à une réintégration française dans la structure militaire intégrée (SMI); cependant, à travers son implication dans l’OTAN, la France escompte des gages pour relancer la défense européenne et surtout instaurer un dialogue  sur la gouvernance et les projets de l’alliance.

La stratégie nucléaire française empêche tout retour à une situation antérieure à 1966 …
En presque soixante ans, l’OTAN s’est imposée comme une alliance politique et militaire incontournable car sans équivalent en termes d’efficacité.
Depuis le retrait en 1966 de la SMI, La France est présente sous la forme d’une représentation française au plan politique incluant la mission française pour le volet militaire. Cette dernière joue cependant le même rôle que les représentations militaires nationales alliées. Mais en 1995, la France se rapproche de l’OTAN notamment en raison de l’incurie de l’ONU dans la crise balkanique. Elle reprend place aux réunions des ministres et le chef d’état major des armées français (CEMA) réintègre le comité militaire.
Elle reste toutefois absente du comité des plans nucléaires et du comité des plans de défense. La dissuasion nucléaire française, réaffirmée par M. Jacques Chirac sur l’île longue en 2006, et la délégation du  commandement opérationnel (OPCOM) demeurent encore aujourd’hui non discutables et interdisent un statu quo ante 1966.
Cependant, le comité des plans de défense est une coquille vide avec un rôle limité à la validation des procédures de travail. En effet, depuis la transformation de l’OTAN entamée  en 2002, les opérations sont conduites en temps réel par Supreme Headquarter Allied Powers Europe (SHAPE). C’est dans cette structure que la France possède une réelle marge de manœuvre pour accroître son influence.

…sans restreindre la participation de la France dans l’OTAN où elle prône une complémentarité avec la défense européenne…

Sans être intégrée, la France se conforme aux règles capacitaires et budgétaires à l’OTAN en misant simultanément sur l’accroissement des capacités de défense européennes ce qui arrange nombre d’alliés.
Tout d’abord, le volume de forces françaises engagées dans les opérations de l’OTAN représente environ 3000 hommes répartis entre la Kosovo Force (KFOR) et la force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) en Afghanistan. A cela s’ajoute la contribution à la NATO response force (NRF) en application des engagements capacitaires pris au sommet de Prague en 2002.
Ensuite, la France participe déjà à 7.5% du budget de l’OTAN dont elle est le quatrième contributeur avec 138 millions d’euros. De fait, un retour dans la SMI serait certes synonyme d’une hausse de la contribution française peu compatible avec une période budgétaire serrée mais pourrait aussi être prétexte à une redistribution des grands commandements que convoitent également la Grande Bretagne et l’Allemagne.
Aussi, les commandements opérationnels étant des postes nationaux (position flag) essentiellement américains, il en va de l’intérêt des alliés que l’influence française reste proportionnelle au nombre modeste (110) de militaires français insérés en dépit de leur niveau de compétence reconnu. C’est pourquoi, la France privilégie l’ancrage de la PESD à l’OTAN puisqu’il ne peut y avoir duplication des moyens entre les deux organisations conformément aux accords de Washington. Toutefois, l’enlisement de l’OTAN en Afghanistan et l’image qui en découle pour les alliés fournit un levier pour orienter les décisions sur son avenir.

…et pose la question de la gouvernance et des orientations stratégiques de  l’alliance.
Il appartient à la France, dans sa dimension européenne, de définir le rôle qu’elle entend jouer dans le  nouveau concept de sécurité globale de l’OTAN incluant la sécurité des approvisionnements énergétiques et la lutte contre le terrorisme de l’alliance prévu pour 2008.
Sur le plan militaire, le redéploiement des troupes américaines hors d’Europe, amorcé depuis 2001, modifie l’équilibre des forces en Europe. Loin d’être une zone apaisée, des foyers de tensions majeurs y subsistent au Kosovo ou en Transnistrie. Parallèlement, le projet de bouclier antimissile sème la controverse au sein de l’alliance et suscite une vive opposition russe.
Sur le plan politique, la question de l’élargissement sera abordée au sommet de Bucarest en 2008, ainsi que les tensions qu’elle engendre encore une fois avec la Russie. Celle-ci a déjà annoncé qu’elle suspendrait le traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) le 12 décembre 2007 ce qui implique le risque d’une nouvelle course aux armements.
Dans cette optique, la France souhaite infléchir l’OTAN vers sa vocation euro atlantique originale pour consolider la PESD. En effet, le partenariat global, hors des limites géographiques de l’OTAN, que proposent les Etats Unis et de la Grande Bretagne risque non seulement de diminuer l’efficacité de l’alliance en Europe mais aussi de diluer l’influence française.
En conclusion, la réintégration dans la SMI qui se heurte à la doctrine nucléaire peut donner l’illusion d’un combat tournoyant. Cependant, il dissimule des enjeux d’une autre importance dont le rôle de la France dans une défense européenne crédible et l’accroissement de son influence dans une OTAN à vocation régionale. Après une éclipse de près d’une décennie, le retour de la Russie en tant que puissance semble plaider en faveur de la position française.
Le projet de livre blanc sur la défense, dont les premières conclusions sont attendues en décembre 2007, devrait dégager les pistes de réflexions quant aux nouvelles orientations stratégiques de la France avec ou sans l’alliance.

Danny Pith

Sources
Rapport d’information du sénat :
http://www.senat.fr/rap/r06-405/r06-40525.html
Date de visite de la page 22 octobre 2007

Rapport  d’information sur les nouveaux défis de la construction de l'Europe de la défense par la Commission de la Défense de la Défense nationale.
http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-info/i2531.pdf
Date de visite de la page 22 octobre 2007

Rapport d’information sur les évolutions des relations transatlantiques en matière de défense par  la Commission de Défense nationale
http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-info/i3700.pdf
Date de visite de la page 22 octobre 2007

Réunion interministérielle de l’Otan, conférence de presse du Ministre des Affaires Etrangères, M. Philippe Dousteau-Blazy.
(Bruxelles, 26 janvier 2007)
https://pastel.diplomatie.gouv.fr/editorial/actual/ael2/bulletin.asp?liste=20070129.html#Chapitre1
Date de visite de la page 25 octobre 2007

Tribune du Ministre de la Défense, Mme Michèle Alliot-Marie dans le quotidien Le Figaro
(Paris, 30 octobre 2006)

L'Otan doit rester une organisation euro-atlantique
https://pastel.diplomatie.gouv.fr/editorial/actual/ael2/bulletin.asp?liste=20061030.html#Chapitre8
Date de visite de la page 23 octobre 2007