Le bouclier anti-missile américain est une véritable épine dorsale, en matière de recherche et développement, pour les entreprises des secteurs défense et aérospatial américaines. Les estimations du budget de ce projet dépassent les 100 milliards de dollars. Ce projet offre des perspectives importantes de retombées technologiques pour les marchés civils, permettant aux entreprises américaines de rester compétitives sur ces marchés, et offrant ainsi aux Etats-Unis le maintien de leur suprématie dans les technologies spatiales.Contribuant à l’intégration de secteurs civils et militaires, le phénomène du bouclier antimissile ne se limite pas au seul bond en avant interne. L’effet de levier que constitue ce système d’armes est bien perçu par les marchés boursiers. Le gouvernement américain poussé par un puissant lobbying industriel des secteurs concernés n’hésite pas à mettre en avant le patriotisme américain et la protection physique des Etats-Unis contre toute tentative d’agression extérieure pour justifier ces investissements et les partenariats public/privé. George W. Bush a légitimé ainsi cette démarche en déclarant que : « les Etats-Unis devaient développer de nouvelles technologies qui soutiendront une nouvelle stratégie ».
La Recherche et le Développement sont un des enjeux clefs de ce programme. Le développement et la production de ce système sont confiés à Boeing mais toute l’industrie en profite, notamment des amis du clan Bush, Lockheed Martin et des soutiens du camp républicain. Le budget colossal consacré au bouclier anti-missile est supérieur à celui du programme Apollo. Depuis George Bush père, 107 milliards de dollars y ont été consacrés (contre 37 milliards au cours des 25 années précédentes). En 2008, la « National Missile Defense » sera une nouvelle fois le plus gros budget d’armement du Pentagone, avec 11 milliards de dotation pour l’année. Selon des économistes américains, à l’horizon 2020, le coût total de la NMD pourrait dépasser 500 milliards de dollars. Cette stratégie a été lancée sous l’ère Reggan, remise à jour par Clinton, et poursuivie par l’administration Bush.
L’Europe semble mal partie pour se mettre au diapason de ce défi technologique. Concernant précisément le secteur stratégique de l'aérospatial, la controverse euro-américaine est importante. Devant cette menace, certains des pays concurrents des Etats-Unis veulent utiliser la possibilité d’un recours devant le tribunal de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en dénonçant une concurrence déloyale. Or l'OMC reconnaît le secteur défense comme étant exclusivement de la compétence des Etats-nations, il ne peut donc à priori y avoir de concurrence déloyale dans ce secteur. Si l’Europe réagit au rythme de développement de Galiléo par rapport au GPS, ses chances de tirer profit d’un tel défi technologique sont très minces.
Jean-François Dolbeau