Les Etats-Unis face aux enjeux du réchauffement climatique

En décembre 2007, la conférence de Bali réunira les Etats sous l’égide des Nations Unies pour se pencher sur de nouvelles réductions des émissions de gaz à effet de serre au-delà de 2012, après l'expiration de la première phase du Protocole de Kyoto. Dans ce contexte, les Etats-Unis paraissent en difficulté face aux enjeux du réchauffement climatique, tant environnementaux, géoéconomiques, sociétaux que stratégiques, dans le cadre particulier d’une année électorale à la présidence du pays.


Face à une pression internationale de plus en plus forte sur les questions environnementales, et notamment le réchauffement climatique, les Etats-Unis conservent aujourd’hui une position marginale par rapport à la majorité des Etats. Votés en 1992, les accords de Kyoto sur la lutte contre le réchauffement climatique ont été définitivement rejetés par l’administration Bush en 2001. Jusqu’en 2006, cette question restait extrêmement discrète dans la politique de l’Etat fédéral américain. Depuis environ un an, la pression exercée par l’ONU, les ONG, les opinions publiques, les initiatives prises par un nombre non négligeable d’Etats comme la Floride (signataire de la « Regional Greenhouse Gas Initiative ») ou par de nombreuses villes américaines, ont amené le Président Bush à reconsidérer son intérêt pour cette question, mais sans adhérer à la position générale des signataires de Kyoto. Son discours le 28 septembre 2007 a confirmé son axe d’action. Il refuse toute mesure de quotas contraignants et estime que la solution passe par le développement de solutions technologiques innovantes et un  autocontrôle volontaire de la part des industries.

L’approche américaine montre que le Président Bush veut rester fidèle à la stratégie américaine qui passe notamment par la domination technologique et par-là même économique sur le reste du monde. Les Etats-Unis étant toujours la première puissance économique mondiale, il est donc cohérent de chercher à promouvoir le tout technologique. L’argumentaire du président américain est d’avancer que de nouvelles technologies à basses émissions permettront de satisfaire la demande croissante d’énergie, qui ne peut se réduire dans le temps, et diminueront, en même temps, la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre. Les Etats-Unis disposant d’une très forte capacité R&D et la maîtrise technologique dans de nombreux domaines, ils pourraient ainsi prendre des parts de marché et imposer leurs propres normes, sans que leurs industries aient obligation de se restructurer pour réduire leur pollution. Dans le domaine de la finance, le réchauffement climatique est certainement appelé à devenir un thème boursier central. On assiste en effet à une multiplication de fonds d’investissements liés à l’environnement, notamment en Europe et en Asie. Les prévisionnistes annoncent des taux de croissance importants dans certains secteurs comme le solaire. Pour la première économie mondiale, cette évolution ne peut être également négligée.

Face à la position américaine, l’ONU, l’Europe, nombre de scientifiques, appellent à une solution commune avec des normes imposées aux Etats. En effet, certaines technologies listées par l’administration Bush (charbon propre, puissance nucléaire sûre avec réacteurs de 4ème génération, vent, soleil, géothermie, agrocarburants de 2ème génération,…) sont loin d’être opérationnelles (pas avant l’horizon 2020-2040) et ne sont pas garanties. Or, le rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) a démontré que les solutions sont à prendre maintenant pour obtenir des résultats déjà significatifs dès 2020. Le rapport de force ne paraît donc pas favorable aux Etats-Unis.

Face au défi du réchauffement climatique, les Etats-Unis, au travers de leur présidence, semblent donc en position de faiblesse dans leur vision stratégique par rapport à la position défendue par les Nations-Unies. La pression internationale comme interne, renforcée dernièrement par le prix Nobel de la paix attribué à Al Gore, seront à observer avec attention dans les mois à venir. En effet, les républicains préféreront-ils se plier aux solutions onusiennes et améliorer ainsi leurs chances de conserver la présidence américaine au détriment éventuel de leur économie, ou chercheront-ils à imposer coûte que coûte la vision américaine, au nom de l'intérêt national, quitte à perdre les élections?

Matthieu Depoire

Sources :

« Le réchauffement climatique enflamme l’imagination des gérants » - Thierry Bisaga – La Tribune – 09/10/07

« Bush, le climat et l’illusion technologique » - Hervé Kempf – Le Monde – 13/10/07

« Si nous ne faisons rien… » - Rajendra Pachauri, président du GIEC – Le Figaro – 16/10/07

« Aux Etats-Unis, l’écologie recycle aussi certains métiers » - Caroline Talbot – Les Echos – 31/10/07

« Le réchauffement climatique, un sujet brûlant aux États-Unis » - Jitendra Joshi –

http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca – consultation le 15/10/07

http://www.liberation.fr – consultation le 15/10/07