Le Projet européen de navigation par satellite Galiléo peine à voir le jour. Né d’une idée française, en 1998, il doit, à terme, doter l’Union d’un système performant, aux retombées commerciales prometteuses. Il doit permettre également de briser le monopole du système américain GPS, assurant ainsi à l’Europe une indépendance stratégique. Prévu initialement pour une mise en service en 2008, puis 2010, le projet affiche trois ans de retard. Il bute aujourd’hui sur la question de son financement. En effet, après l’échec d’un projet de partenariat public privé, la commission européenne a décidé de « nationaliser » le projet, en prenant en charge son financement. L’Allemagne, en s’opposant farouchement à cette solution, joue un jeu à la fois vain et dangereux. L’Allemagne freine le projet parce qu’elle veut favoriser au maximum son industrie spatiale. Elle souhaite l’application de la logique du « juste retour industriel». Ce principe garantit à tout membre de l’Union des retombées commerciales à hauteur de sa contribution.
D’autre part, elle ne souhaite pas faire financer les intérêts des autres Etats (notamment la France, en pointe dans le secteur spatial) par le budget communautaire, dont elle est la principale contributrice. Cependant, l’échec du projet de financement par le biais d’un partenariat public privé a conduit la Commission à décider, le 16 mai dernier, l’utilisation des fonds communautaires. L’Allemagne n’a pu s’opposer à cette décision et il est peu probable que la Commission, qui doit se réunir fin novembre, fasse machine arrière. L’Allemagne ne pourra donc pas bénéficier de ce « juste retour ». Cette attitude, à défaut d’être utile, s’avère préjudiciable, et tout d’abord à l’Allemagne elle-même, dans ses rapports avec l’Union. Elle s’est retrouvée extrêmement isolée lors des dernières réunions de la Commission, au cours desquelles le ministre allemand des Transports, Wolfgang Tiefensee, a maintenu une ligne très dure. Cependant, d’après un négociateur, «l'opposition de l'Allemagne a été brutale mais son isolement immense ».
Ensuite, cette intransigeance est dommageable pour le projet. Chaque retard fait le jeu de la concurrence et comble un peu plus l’avance technologique dont dispose encore Galiléo: Les Etats-Unis renouvellent en ce moment leurs satellites de deuxième génération ; Le système russe GLONASS devrait être de nouveau opérationnel en 2009 et la Chine s’apprête à lancer son propre système. Enfin, cette posture est néfaste à l’Europe. Après l’Euro, Galiléo doit symboliser l’émergence d’une Europe puissante, rassemblée autour d’une vision stratégique. Toute absence d’unité doit être considérée comme une faiblesse que ne manqueront pas d’exploiter les concurrents de l’Europe.
Le projet Galiléo requiert l’allocation, avant la fin de l’année, de 3,4 milliards d’Euro. C’est à peine plus que le prix de notre porte-avions « Charles-de-Gaulle ». Comparée aux bénéfices que le système permettra d’engranger, la somme paraît dérisoire. Les experts estiment en effet que le projet pourrait générer environ 150 000 emplois. Ils ajoutent que le marché mondial des services liés à la navigation par satellite s’élèvera à 90 milliards d’Euro par an, et que Galiléo en tirerait le tiers, soit 30 milliards d’Euro. Enfin, il permettra à l’Europe d’accéder à une véritable indépendance dans un secteur éminemment stratégique. On imagine mal voir échouer un projet présentant autant d’avantages sur le plan social, commercial et politique. Le Conseil de l’Europe des 13 et 14 décembre prochain décidera de la suite à donner au projet. Il permettra d’apprécier la solidité de l’axe franco-allemand, et au-delà, de mesurer la maturité politique de notre Union.
Christophe Peigné
Sites internet :
Commission européenne : http://ec.europa.eu/dgs/energy_transport/galileo/index_fr.htm
Date de consultation: 1/11/2007
Toute l’europe.fr : http://www.touteleurope.fr/fr/actualite-europeenne/dossiers-dactualite/liste-des-dossiers/galileo/l-union-europeenne-galileo.html
Date de consultation : 25/10/2007
L’express.fr : http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=14396
Date de consultation : 7/10/2007
Articles de presse :
« Une course technique s'engage entre Galileo et les prochaines générations du GPS américain », Cyrille Vanlerberghe, Le Figaro du 9 octobre 2007
« Lancement du NAVSTAR-2R17 », Christian Lardier, Air & Cosmos du 19 octobre 2007
« Et pourtant il devrait tourner », Jean Quatremer, Libération du 23 octobre 2007
« Nouveau désaccord sur le financement de Galiléo », La Tribune du 22 octobre 2007