Les élites françaises de droite et de gauche qui se succèdent au pouvoir depuis l’après guerre ont pris la mauvaise habitude de croire que leur destin, leur sécurité et leur bien-être étaient liés à celui du vainqueur de la seconde guerre mondiale, à savoir les Etats-Unis d’Amérique.
Cette vérité qu’ils voulaient quasiment éternelle (nous sortions pourtant du mirage du IIIème Reich pour mille ans) est en train de s’effriter sous nos yeux comme un vieux film de cinéma qui résiste mal au temps qui passe. Les Etats-Unis sont sur la pente descendante des mythes. Le symbole de l’économie américaine n’est plus General Motors mais Wal Mart. Concrètement, cela signifie qu’une partie du peuple américain s’appauvrit. Un empire qui s’appauvrit, c’est traditionnellement mauvais signe.
Le mythe de l’invincibilité de l’armée américaine qui avait commencé à se ternir aux lendemains du conflit vietnamien, est plombé parles déboires du retour à la paix en Irak et en Afghanistan. Concrètement, cela veut dire que l’armement nucléaire, la haute technologie spatiale, la suprématie maritime ne suffisent pas pour tenir un pays dans des conflits asymétriques. Quand un empire ne sait plus imposer sa puissance dans les territoires qu’il cherche à contrôler, il est sur la voie du déclin. Cette leçon évidente, les élites françaises ne sont pas encore prêtes à l’admettre et encore moins à en tirer les conséquences. Faudra-t-il une aventure militaire en Iran pour s’en convaincre ? C’est ce que craignent certains milieux économiques allemands qui s’interrogent sur les conséquences de cette escalade des groupes pétroliers américains et des lobbies privés du complexe militaro-industriel qui influent fortement sur les décisions des néoconservateurs américains et du Président Bush. Ils n’approuvent pas le suivisme de leur chancelière Merkel car ils estiment que l’Europe doit dès à présent jouer avec deux coups d’avance et reprendre sa destinée en main. Cette prise de position n’est pas anodine. Elle est à contre courant, en Allemagne comme en France, du choix des élites qui s’accrochent désespérément au parapluie sécuritaire américain.
La France et l’Europe sont-elles mortes ? On peut se poser la question. Aucun signe pour l’instant n’indique un changement de cap significatif. Le test majeur sera l’Iran disent certains. Une participation française, même symbolique, à une aventure militaire qui débouche sur un troisième cul de sac du type Irak sera un échec dont on a encore du mal à mesurer l’étendue. D’autres focalisent leur intention sur l’ennemi intérieur car ils estiment que les risques d’implosion du système français deviennent une menace crédible. La croissance démographique des 12 ou 15 millions de français d’origine étrangère est une inconnue en termes d’intégration à notre modèle historique, social et culturel. L’expansion et le silence médiatique sur les zones d’insécurité (la caricature est par exemple le département de l’Essonne où les scènes de violence au quotidien se multiplient sans être relatées dans les médias) deviennent un sujet de sécurité nationale. Lors des dernières émeutes de banlieue, le Ministère de l’Intérieur n’avait plus de réserves disponibles. Si elles s’étaient poursuivies, il fallait faire appel à l’armée.
Ces deux menaces latentes, l’une extérieure, l’autre intérieure, résument hélas assez bien la situation. Personne n’en parle. On fait comme si elles n’existaient pas. Les élites françaises détournent les yeux. Le peuple français préfère passer son temps à se changer les idées. Cette illusion collective qu’illustre parfaitement le niveau de contenu des médias et les prises de parole du monde politique ont des accents pathétiques d’une France et d’une Europe munichoise. Peu importe qui joue le rôle de Daladier ou de Chamberlain, l’avenir de la France et de l’Europe n’est pas dans le choix de ces gens-là.