Polémique sur un reportage chez les Talibans ?


Ces images de Claire Billet contrastent avec une scène tirée du documentaire de Mehran Bozorgnia sur les barons de la drogue en Afghanistan (diffusé le mardi 20 novembre 2007 sur Arte). A l'inverse du reportage de France 24, on y voit une autre réalité nettement moins idyllique. Sur fond d'école incendiée dans un village afghan, un groupe de talibans se précipite sur l'équipe qui filme en les menaçant de leurs armes. Ils hurlent qu'ils ont mis le feu parce qu'ils ne veulent pas d'une école dont l'enseignement ne soit pas consacré à la religion islamiste. C'est la trentième qu'ils brûlent dans cette vallée. La caméra filme les enfants sans école et qui retournent travailler dans les champs de pavot cultivés par leurs parents. Claire Billet ne prend pas les mêmes images. Elle filme exactement le contraire. Elle a demandé l'autorisation de filmer aux talibans, ce qui n'est visiblement pas le cas de l'équipe de Mehran Bozorgnia. Le seul rapport à la guerre et à ses résultats que filme Claire Billet, c'est l'irakien présent dans le groupe de talibans. C'est le seul à avoir le visage découvert et à ne rien dire à la journaliste. Il se prépare à se sacrifier dans un futur attentat suicide. Claire Billet, par respect de la déontologie journalistique comme elle nous le précise, a décidé de grimer son visage pour qu'il ne soit pas reconnu. Ce n'était pas le souci des talibans qui la laissait filmer alors que l'irakien avait en permanence le visage découvert. A contrario, la caméra du journaliste d'Arte ne grime pas le visage des talibans qui les menacent, des policiers afghans qui les bousculent violemment, ou encore des soldats iraniens qui viennent de tuer des convoyeurs de drogue afghans.

Le regard porté sur ces différents reportages suscite un sentiment de malaise. Du côté de France 24, représentée par Claire Billet, on a l'image des talibans ayant corrigé leurs erreurs passées. De l'autre, côté Arte, représenté par Mehran Bozorgnia, on a l'image du contraire, de talibans fanatiques, violents, prêts à détruire tout ce qui les dérange, y compris des écoles (on est loin des objectifs militaires) pour défendre leur cause. Le journalisme est un métier difficile et dangereux. Les reportages de Claire Billet et de Mehran Bozorgnia sont la pour le prouver. Mais où commence le scoop et où s'arrête la déontologie?

A l'heure ou France 2 s'apprête à reprendre les images de Claire Billet dans le cadre d'un numéro de l'émission Envoyé Spécial, on a envie de poser la question à une chaîne du service public. Dans le souci de coller à la réalité, espérons qu'ils aient par exemple la curiosité de lire l'étude sur les attentats suicides commis en Afghanistan, dans laquelle on apprend que les talibans utilisent de plus en plus d'enfants pour commettre des attentats suicides. Ce qui est une image moins idyllique de la résistance afghane que le reportage de Claire Billet fait ressortir à propos des talibans.

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