Depuis peu, le petit monde des suites bureautiques évoluent, comme en attestent le nombre des articles qui leur sont consacrés sur Internet et la presse spécialisée. A cela plusieurs raisons, parmi lesquelles : la mise en place d’un « standard » facilitant leur interopérabilité ; la gestion de la connaissance et par conséquent, des enjeux économiques.
Comme nous le mentionnions dans de précédents articles (1) , la normalisation d’un standard facilitant l’interopérabilité se fait via un jeu d’acteurs parmi lesquels IBM, Microsoft, la communauté du Logiciel Libre, SUN… et les différentes instances de normalisation nationale. Les pays membres de l’ISO votant pour déterminer la norme à privilégier. Sur ce dernier point, il est important de rappeler que 2 formats se sont engagés sur la voie de la normalisation auprès de l’ISO. L’ « Open XML » (OXML) de Microsoft et l’ « Open Document Format » (ODF) – faisant aujourd’hui l’objet d’une norme (2) – défendu par la communauté du Logiciel Libre.
Autre point intéressant, hors de toutes considérations techniques sur les formats précédemment cités, l’état des votes actuels en faveur de l’OXML sont les suivant :
- Contre : Le Brésil, la Chine, l’Espagne, l’Inde, la France et la Nouvelle-Zélande ;
- Pour : L’Allemagne et les Etats-Unis ;
- Abstention : La Suède, qui après avoir voté en faveur de l’OXML, a revu sa position conduisant de facto à une abstention d’après le processus interne à l’ISO.
Suite au vote en date du 4 Septembre 2007, il ressort :
- Membres participants : approuvé par 17 membres sur 32, soit 53,12% alors qu'il fallait atteindre 66,66%. (les membres qui se sont abstenus n’ont pas été décomptés)
- Membres votants : 18 votes négatifs sur 69, soit 26,08% (alors qu'il ne fallait pas dépasser 25%) (3) .
Il est à noter que suite à « une réunion de dépouillement du scrutin…pendant laquelle l’ensemble des commentaires émis par les pays sera examiné…Microsoft aura la possibilité d’intervenir et de modifier l’ensemble des points nécessaires (4) », afin que l’OXML soit « standardisable ». Les modifications devront être présentées par le géant de Redmond au cours d’une semaine prévue en février 2008. C’est ici que le lobbying de Microsoft pourrait se faire ressentir le plus intensément pour parachever celui entamé dès l’annonce des résultats du vote. Et cela, même si des tentatives via des compensations financières ont déjà eu lieu (5) .
Suites bureautiques : Une nouvelle donne
En date du 10 Septembre 2007 (6) , IBM annonce son soutien à OpenOffice.Org au coté de SUN et par ce truchement renforce sa position dans la défense de l’ODF (7) . Par ailleurs, IBM apporte 35 développeurs pour développer le projet « symphonie » basée sur OpenOffice.Org. On constate dès lors, la seconde brique qu’IBM souhaite mettre en place face à Microsoft et sa suite bureautique.
A cela s’ajoute le fait que nombre d’entreprises utilisent la suite « Lotus Notes » de IBM, pour laquelle l’intégration ou, à minima, l’utilisation de « symphonie » sera mise en avant par la compatibilité accrue des solutions de IBM. « Lotus Notes » devenant le cheval de Troie d’IBM pour venir concurrencer Microsoft sur le terrain des suites bureautiques et profiter de l’arriver des futurs Vista et Microsoft Office 2007 (8) .
Par ailleurs, Google a mis en ligne sa propre suite bureautique gratuite accroissant le nombre des acteurs en présence. Google pourrait envisager de fournir sa suite bureautique tout comme ses autres logiciels, sous formes de « package ». Il n’est pas inconnu du grand public que les principaux revenus de Google sont générés par la publicité, illustrant un peu plus les enjeux financiers liés aux suites bureautiques.
Ainsi, la « maîtrise » des suites bureautiques tant sur le plan des spécifications que l’adoption d’une norme favorisant l’interopérabilité entre elles est un vecteur d’influence technologique mais aussi financier.
Plusieurs constats peuvent être faits à propos de la gestion de la connaissance en entreprises. Bien souvent, le classement des documents est propre à chaque entité sur un disque partagé. Les accès aux répertoires des autres entités, sont soumis à des règles strictes. Parfois, une nouvelle architecture de classement est mise en place sans toutefois modifier l’ancienne, facteur d’hétérogénéité.
Les suites bureautiques, qu’il s’agisse de tableur, de traitement de texte, de présentations animées sont les supports de l’information. Information qu’il est essentiel de partager.
Ces constats impliquent directement ou indirectement les 2 formats précédemment cités. En effet, outre de faciliter l’interopérabilité des suites bureautiques et par conséquent la lecture, l’enregistrement… des documents, ces formats facilitent l’indexation des documents notamment via leur « tags ». Et, face à l’hétérogénéité des classements des documents en entreprise, l’utilisation d’un moteur de recherche interne peut se faire sentir. Google propose une solution pour les entreprises (9) , Microsoft a mis en service une nouvelle version de son moteur de recherche « MSN Search » (10) ainsi que ASK (11) et autres (Yahoo !...).
Ces moteurs se veulent plus performant sur Internet et à priori pourraient l’être tout autant en entreprise. Google proposant sa solution, les autres acteurs ne devraient pas rester sans réagir face à un tel marché
C’est donc au carrefour de tout ceci que pourrait se dessiner l’enjeu de demain, à savoir maîtriser la gestion de la connaissance en entreprise. Mais pour cela, il faut un moteur de recherche performant pour indexer les documents. Une recherche performante l’est d’autant plus si les documents sont « taggués » de façon pertinente. Et quand bien même l’utilisateur n’interviendrait pas sur les propriétés du document, les formats, précédemment cités, joueraient leur rôle. Mais pour gérer cette connaissance, il est plus pertinent d’être à la source des spécifications. Desquelles le reste dépendra et découlera en partie.
Toutefois, si les deux formats sont certifiés par l’ISO, les jeux d’influence, de lobbying… en entreprise et dans les instances publiques prendront toute leur dimension et chacun des acteurs de l’échiquier devra s’être positionné et avoir renforcé, au préalable, ses positions. IBM semble avoir pris la mesure de tout ceci et commence à placer ses pions progressivement.
« Peu importe que le chat soit noir ou gris, pourvu qu’il attrape des souris »
Deng Xiao Ping
Vincent Munier
Hub Du Libre (http://www.hubdulibre.org)
1 Si l’Open Source ne va pas à Microsoft, Microsoft ira-t-il à l’Open Source ? ; L’Europe vers l'interopérabilité....
2 Propos tenus par l’opérateur central de normalisation en France
3 http://www.pcinpact.com/actu/news/38650-ooxml-iso-april-microsoft-AFNOR.htm
4 http://www.pcinpact.com/actu/news/38578-microsoft-open-xml-iso-sude-sis-retournement.htm
5 Ibid
6 http://www.openoffice.org/press/ibm_press_release.html
7 Standardisation et interopérabilité
8 Profiter de l’arrivée de Windows Vista pour choisir une autre voie
9 Google en entreprise : http://www.google.fr/intl/fr/enterprise/
10 MSN Search : http://www.infos-du-net.com/actualite/4187-msn-search.html
11 ASK : http://www.01net.com/editorial/360694/ask-presente-son-nouveau-moteur-aux-francais/
Normalisation : Etat des lieux
Comme nous le mentionnions dans de précédents articles (1) , la normalisation d’un standard facilitant l’interopérabilité se fait via un jeu d’acteurs parmi lesquels IBM, Microsoft, la communauté du Logiciel Libre, SUN… et les différentes instances de normalisation nationale. Les pays membres de l’ISO votant pour déterminer la norme à privilégier. Sur ce dernier point, il est important de rappeler que 2 formats se sont engagés sur la voie de la normalisation auprès de l’ISO. L’ « Open XML » (OXML) de Microsoft et l’ « Open Document Format » (ODF) – faisant aujourd’hui l’objet d’une norme (2) – défendu par la communauté du Logiciel Libre.
Autre point intéressant, hors de toutes considérations techniques sur les formats précédemment cités, l’état des votes actuels en faveur de l’OXML sont les suivant :
- Contre : Le Brésil, la Chine, l’Espagne, l’Inde, la France et la Nouvelle-Zélande ;
- Pour : L’Allemagne et les Etats-Unis ;
- Abstention : La Suède, qui après avoir voté en faveur de l’OXML, a revu sa position conduisant de facto à une abstention d’après le processus interne à l’ISO.
Suite au vote en date du 4 Septembre 2007, il ressort :
- Membres participants : approuvé par 17 membres sur 32, soit 53,12% alors qu'il fallait atteindre 66,66%. (les membres qui se sont abstenus n’ont pas été décomptés)
- Membres votants : 18 votes négatifs sur 69, soit 26,08% (alors qu'il ne fallait pas dépasser 25%) (3) .
Il est à noter que suite à « une réunion de dépouillement du scrutin…pendant laquelle l’ensemble des commentaires émis par les pays sera examiné…Microsoft aura la possibilité d’intervenir et de modifier l’ensemble des points nécessaires (4) », afin que l’OXML soit « standardisable ». Les modifications devront être présentées par le géant de Redmond au cours d’une semaine prévue en février 2008. C’est ici que le lobbying de Microsoft pourrait se faire ressentir le plus intensément pour parachever celui entamé dès l’annonce des résultats du vote. Et cela, même si des tentatives via des compensations financières ont déjà eu lieu (5) .
Suites bureautiques : Une nouvelle donne
En date du 10 Septembre 2007 (6) , IBM annonce son soutien à OpenOffice.Org au coté de SUN et par ce truchement renforce sa position dans la défense de l’ODF (7) . Par ailleurs, IBM apporte 35 développeurs pour développer le projet « symphonie » basée sur OpenOffice.Org. On constate dès lors, la seconde brique qu’IBM souhaite mettre en place face à Microsoft et sa suite bureautique.
A cela s’ajoute le fait que nombre d’entreprises utilisent la suite « Lotus Notes » de IBM, pour laquelle l’intégration ou, à minima, l’utilisation de « symphonie » sera mise en avant par la compatibilité accrue des solutions de IBM. « Lotus Notes » devenant le cheval de Troie d’IBM pour venir concurrencer Microsoft sur le terrain des suites bureautiques et profiter de l’arriver des futurs Vista et Microsoft Office 2007 (8) .
Par ailleurs, Google a mis en ligne sa propre suite bureautique gratuite accroissant le nombre des acteurs en présence. Google pourrait envisager de fournir sa suite bureautique tout comme ses autres logiciels, sous formes de « package ». Il n’est pas inconnu du grand public que les principaux revenus de Google sont générés par la publicité, illustrant un peu plus les enjeux financiers liés aux suites bureautiques.
Ainsi, la « maîtrise » des suites bureautiques tant sur le plan des spécifications que l’adoption d’une norme favorisant l’interopérabilité entre elles est un vecteur d’influence technologique mais aussi financier.
Plusieurs constats peuvent être faits à propos de la gestion de la connaissance en entreprises. Bien souvent, le classement des documents est propre à chaque entité sur un disque partagé. Les accès aux répertoires des autres entités, sont soumis à des règles strictes. Parfois, une nouvelle architecture de classement est mise en place sans toutefois modifier l’ancienne, facteur d’hétérogénéité.
Les suites bureautiques, qu’il s’agisse de tableur, de traitement de texte, de présentations animées sont les supports de l’information. Information qu’il est essentiel de partager.
Ces constats impliquent directement ou indirectement les 2 formats précédemment cités. En effet, outre de faciliter l’interopérabilité des suites bureautiques et par conséquent la lecture, l’enregistrement… des documents, ces formats facilitent l’indexation des documents notamment via leur « tags ». Et, face à l’hétérogénéité des classements des documents en entreprise, l’utilisation d’un moteur de recherche interne peut se faire sentir. Google propose une solution pour les entreprises (9) , Microsoft a mis en service une nouvelle version de son moteur de recherche « MSN Search » (10) ainsi que ASK (11) et autres (Yahoo !...).
Ces moteurs se veulent plus performant sur Internet et à priori pourraient l’être tout autant en entreprise. Google proposant sa solution, les autres acteurs ne devraient pas rester sans réagir face à un tel marché
C’est donc au carrefour de tout ceci que pourrait se dessiner l’enjeu de demain, à savoir maîtriser la gestion de la connaissance en entreprise. Mais pour cela, il faut un moteur de recherche performant pour indexer les documents. Une recherche performante l’est d’autant plus si les documents sont « taggués » de façon pertinente. Et quand bien même l’utilisateur n’interviendrait pas sur les propriétés du document, les formats, précédemment cités, joueraient leur rôle. Mais pour gérer cette connaissance, il est plus pertinent d’être à la source des spécifications. Desquelles le reste dépendra et découlera en partie.
Toutefois, si les deux formats sont certifiés par l’ISO, les jeux d’influence, de lobbying… en entreprise et dans les instances publiques prendront toute leur dimension et chacun des acteurs de l’échiquier devra s’être positionné et avoir renforcé, au préalable, ses positions. IBM semble avoir pris la mesure de tout ceci et commence à placer ses pions progressivement.
« Peu importe que le chat soit noir ou gris, pourvu qu’il attrape des souris »
Deng Xiao Ping
Vincent Munier
Hub Du Libre (http://www.hubdulibre.org)
1 Si l’Open Source ne va pas à Microsoft, Microsoft ira-t-il à l’Open Source ? ; L’Europe vers l'interopérabilité....
2 Propos tenus par l’opérateur central de normalisation en France
3 http://www.pcinpact.com/actu/news/38650-ooxml-iso-april-microsoft-AFNOR.htm
4 http://www.pcinpact.com/actu/news/38578-microsoft-open-xml-iso-sude-sis-retournement.htm
5 Ibid
6 http://www.openoffice.org/press/ibm_press_release.html
7 Standardisation et interopérabilité
8 Profiter de l’arrivée de Windows Vista pour choisir une autre voie
9 Google en entreprise : http://www.google.fr/intl/fr/enterprise/
10 MSN Search : http://www.infos-du-net.com/actualite/4187-msn-search.html
11 ASK : http://www.01net.com/editorial/360694/ask-presente-son-nouveau-moteur-aux-francais/