Les hedge funds activistes au cœur de la stratégie de Royal Bank of Scotland

La bataille pour le contrôle de la banque hollandaise ABN Amro s’est logiquement terminée par la victoire du consortium de banques (Fortis, Santander et Royal Bank of Scotland comme meneur), opposé à Barclays.

Le consortium, certes, proposait plus d’argent (et en cash !!), mais le rôle des hedge funds ne doit surtout pas être minoré. En effet, fin février, The Children’s Investment Fund (TCI) a décoché les premières attaques contre ABN, lui demandant tout simplement de revoir sa stratégie… ou de se vendre au plus offrant ! Le 7 mars, un autre hedge fund, Toscafund, se joignait aux critiques contre ABN.


Le plus étonnant, outre le fait que TCI et Toscafund déclarent ne pas agir de concert, est que Toscafund est dirigé et conseillé par des anciens de Royal Bank of Scotland (RBS). Celle-ci, en effet, déclare son offre de rachat concernant ABN quelques jours après les propos de TCI envers ABN.

Toscafund a pour président Sir George Mathewson depuis mai 2006. Celui-ci était précédemment président de RBS mais continu toujours de percevoir un salaire (75 000 livres pour 2006) de RBS au titre de conseiller (contrat courant jusqu’en 2009). Par ailleurs, un autre membre (non exécutif, statut de conseiller) de Toscafund, Fred Watt, était précédemment directeur financier de RBS. A noter que Mathewson et Watt sont très proches de l’actuel patron de RBS, Sir Fred Goodwin, celui-là même qui a décidé l’OPA sur ABN.

Fin mars, on apprenait l’achat d’actions ABN par deux autres hedge funds, Polygon et Centaurus. ABN se retrouvait de plus en plus cernée par la meute pro-RBS.

Le 1er Mai, The Telegraph avançait qu’un autre hedge fund, Algebris, était lié à TCI. Dirigé par Davide Serra (ancien de Morgan Stanley) et Eric Halet (ancien de Wellington Investments) et créé en octobre 2006, Algebris a été soutenu dès le début par Christopher Hohn, le patron de TCI. Algebris a pour objectif d’investir dans des banques et sociétés financières et est localisé à la même adresse londonienne que TCI. Pour finir, sa première cible fut la banque italienne Capitalia dont le premier actionnaire est… ABN.

Pas dupe, la banque hollandaise demandait le 3 Mai à ce que les trois hedge funds (TCI, Tosca et Algebris) divulguent leurs liens. En effet, les autorités de régulation hollandaises et anglaises, aphones sur ce cas, surveillent de près toute collusion entre acteurs durant une OPA. Or, il s’avère que face à ces nouvelles manœuvres de hedge funds activistes, les moyens de contrôle et de régulation sont inefficaces. De plus, la question de la volonté politique des organismes de régulation dans la surveillance de l’activité des hedge funds est aussi posée.

Le 10 mai, des sources indiquaient que Toscafund avait acheté des actions de Santander, en pariant sur le fait que la banque espagnol allait rejoindre RBS dans son offre sur ABN… ce qui fut le cas quelques jours plus tard. Comment alors, ne pas se demander si ce n’est pas RBS qui a « filé ce tuyau » à Toscafund ?

Le 11 juin, Atticus révélait avoir acheté 1 % de Barclays, le concurrent de RBS dans l’OPA sur ABN. Atticus demandait alors à la banque anglaise de retirer son offre, jugée contre productive pour les actionnaires. A noter que TCI et Atticus ont déjà « travaillé » ensemble, notamment en attaquant la Deutsche Börse dans sa tentative de rachat du London Stock Exchange en 2005.

Pour finir, le 1er juillet, Christopher Hohn, patron de TCI, démissionnait préventivement de son poste de directeur non-exécutif de RIT Capital Partners, ce fonds étant actionnaire de TCI. Par ailleurs, RIT dévoilait avoir acheté pour 29 millions de livres d’actions ABN entre le 31 décembre 2006 et le 31 mars 2007. comment ne pas voir alors de conflits d’intérêts ? Pareillement, Nathaniel Rotschlid, un des directeur d’Atticus, détient 4 % de RIT Capital tout en étant directeur non-exécutif.

Par conséquent, les offres de rachat d’ABN par Barclays et RBS étaient complètement biaisées au profit de cette dernière. Outre les problèmes en termes de concurrence et de transparence, ces nouvelles méthodes dans la finance posent la question de leur régulation face à des organismes constamment dépassés.

Le cas ABN pose aussi la question des autres acteurs, non étudiés ici, dans une OPA transnationale :

Quid des associations de petits actionnaires : dans le cas ABN, l’association VEB a privilégié l’objectif financier (avoir un bon retour sur investissement, c’est-à-dire soutien à de  l’offre de RBS) au détriment de considérations nationales (sauver un fleuron) ou sociales (l’offre du consortium RBS propose un démantèlement d’ABN et plus de licenciement que l’offre de Barclays).

 Quid du rôle des autres banques qui ont joué un rôle de conseiller ou de financier pour tel ou tel acteur, tout en pouvant faire une contre offre sur ABN.

 Quid de l’Etat hollandais, pris de court par cette OPA. Même si ABN n’est pas une entreprise publique, un débat de fonds s’est installé dans ce pays sur le rôle des hedge funds activistes qui ciblent régulièrement les entreprises hollandaises (VNU, Ahold, etc.) ainsi que sur la nécessité de protéger l’économie nationale contre des acteurs qui ont des intérêts contraires à ceux du pays, représenté par l’Etat.

NG