A l’heure des grandes offensives anglo-saxonnes sur l’Europe -General Dynamics Land Systems, BAE Systems-, qu’en est-il de la stratégie de puissance de la France dans le secteur de l’industrie de défense terrestre française ?
Nexter Systems -ex-GIAT Industries- en est la principale entreprise, qui est, exception culturelle oblige, détenue à 100% par l’Etat. Pour autant, Nexter Systems est-il protégé ? Il y a un paradoxe saisissant entre la hausse massive des budgets de défense depuis 10 ans, avec un quasi-retour aux niveaux de la guerre froide, et l’absence de croissance significative de l’activité de GIAT. Ajoutons à cela la concentration de la concurrence anglo-américaine. Enfin, la véritable question est : quelle va être à l’avenir l’orientation du décideur public concernant ce secteur ?
Ainsi, Nexter n’est-elle pas une société en danger, en sursis, malgré le redressement significatif de ces 2 dernières années ? Ce secteur, étant considéré par beaucoup comme moribond, -non stratégique et coûteux pour les finances de l’Etat-, va-t-il être jeté en pâture aux anglo-américains par nos « élites » ?
Un redressement difficile ces dernières années… malgré des atouts importants
Nexter, maître d’œuvre pour le secteur de l’armement terrestre, contrairement aux plus grands acteurs du secteur, n’est pas (plus) implanté à l’étranger –sa filiale belge FN Herstal a été rachetée par l’Etat Belge-.
Pourtant, Nexter bénéficie d’une expertise exceptionnelle en tant qu’intégrateur de systèmes d’armes terrestres : chars de combat (Leclerc, famille AMX), véhicules blindés (démonstrateur VEXTRA, VBCI), artillerie (systême CAESAR -artillerie montée sur camion), fusil d’assaut FAMAS avec la manufacture d’armes de Saint-Etienne (fermée par l’Etat). Ses produits sont d’une grande qualité (ex. le Leclerc est l’un des rares chars à pouvoir faire feu en pleine vitesse avec un taux de coup au but de l’ordre de 95%). Malgré cela, des défauts chroniques entravent cette société.
Depuis l’échec de la commercialisation du char Leclerc, fleuron de la technologie et de l’industrie militaire terrestre de notre pays (près de 800 unités vendues, pour moitié à l’armée française, l’autre aux Emirats Arabes Unis - contrat qui a par ailleurs posé de graves difficultés financières pour la société), Nexter a-t-il encore une réelle volonté de vendre non seulement sur le marché domestique, mais surtout sur les marchés extérieurs ?
Ceci étant dit, il ne faut pas négliger l’importance des relations d’Etat à Etat pour la négociation des ventes d’armes, et la difficulté contemporaine assez générale à exporter nos équipements (Rafale de Dassault), dans un contexte de concurrence exacerbée avec des programmes ou des pays étrangers concurrents (Chine, Etats-Unis).
Une culture particulière et une gestion chaotique qui entrave son développement ?
Plusieurs défauts souvent lourds de conséquences pour son développement doivent être notés.
En premier lieu, la culture de cette entreprise, fortement marquée par le lobby des ingénieurs de l’armement. Celui-ci est composé en majeure partie d’ingénieurs issus de polytechnique : Nexter n’est pas une société exempte de luttes claniques, ayant entraîné quelques pertes de personnes de valeur, au cours de ces dernières années. D’autre part, le fait est que toutes les directions de l‘entreprise sont occupés, à peu d’exception près, de « X-IA » (X-Ingénieur de l’armement)… S’il faut rendre justice à cette formation, qui fournit des « cerveaux » exceptionnels, excellant dans la technique (d’où nos produits de grande qualité), il faut préciser que ceux-ci ont une culture commerciale, en ressources humaines, en communication, en finance limitée…
Encore que le plus grave reste actuellement l’absence de stratégie commerciale, sauf à considérer que le recentrage sur le marché France dans le contexte actuel en est une, mais ici Nexter n’est pas seule en cause dans les grandes orientations (quid du rôle de la DGA, de l’Etat actionnaire ?)…
Enfin, Nexter gagnerait à favoriser les profils ayant des parcours variés (notamment en dehors de la société), car il apparaît que la plupart des cadres ont fait l’essentiel de leur carrière au sein de Nexter. La culture de mécanicien qui caractérise la société pourrait incorporer des éléments utiles à son évolution (par exemple la modélisation des matériels avant la construction des prototypes).
Autre point important: le lobbying et l’intelligence économique. Il existe un très clair manque en terme de lobbying vis-à-vis de l’Etat et du gouvernement, où l’on sent que Nexter peine à faire entendre ses intérêts, à la différence de Thales, EADS ou Dassault.
Mais, le plus tragique est certainement la médiocrité de la connaissance des produits des concurrents, quand ce n’est pas des défauts de ses propres produits, voire du coût de ceux-ci. Est-ce lié à la nouvelle « stratégie » de recentrage de Nexter sur le marché France, les contrats décrochés à l’export n’étant plus que « la cerise sur le gâteau » ? Est un retour au temps de la guerre froide, et de la philosophie des arsenaux ? Avons-nous abandonné toute velléité de conquête des marchés de la défense terrestre à l’étranger ?
Enfin, il faut bien voir la pauvreté du catalogue -celui-ci n’a pas été réédité depuis 2004 !- où le seul produit exportable (par sa qualité, sa disponibilité et la volonté de le produire) est le systême d’artillerie CAESAR. On pourrait citer le VBCI, mais après des désaccords profonds dans le passé entre les dirigeants de GIAT, le programme phare VEXTRA fut annulé, alors que ce programme s’annonçait davantage prometteur dans le domaine des véhicules blindés 8x8 que ne le fut le char Leclerc pour les chars de combat. Le programme actuel du VBCI est moins original et intervient bien trop tardivement sur ce segment de marché, déjà monopolisé par des concurrents présents depuis longtemps sur la scène internationale – on peut citer parmi eux le succès commercial de l’AMV 8x8 du finlandais Patria, du Piranha III de GDLS, vendus par milliers d’exemplaires…-.
Luttes claniques, plans sociaux ont entraîné des départs de talents, des coupes dans les programmes novateurs, le blocage d’idées intéressantes… En un mot, le management défectueux n’est pas sans responsabilité de la situation actuelle de la société. Tout ceci a d’ailleurs une traduction très simple : le discours reste « nous avons le meilleur produit du monde ! ». Mais on ne le vend pas.
Vers une disparition de cette partie de l’industrie de défense terrestre française ?
Autre détail. La comparaison avec Panhard General Defense, l’autre industriel de l’armement terrestre, est cruelle. Panhard est une entreprise à capitaux privés, florissante dans le domaine du véhicule militaire léger –PVP, Gavial…-, et ouverte aux partenariats pour conquérir de nouveaux marchés. Cette entreprise occupe l’un des segments les plus porteur du marché de la défense terrestre actuellement, déserté par Nexter Systems.
Nexter prépare toutefois un 4X4 et un engin blindé médian. De plus, elle a connu un redressement financier salutaire ces dernières années (bénéfices depuis 2 ans), mais avec des pertes en compétences qui peuvent rendre inquiet pour son avenir : sera-t-elle encore capable de construire un char en 2030 ? Pourra t-elle maintenir un CA proche de 800 millions d’euros et ses bénéfices nouvellement acquis sur le long terme ? C’est pourquoi on peut se demander si, malgré tous ces efforts, ne se profile pas dans les 5 ans une association ou un rachat
En effet, les entreprises publiques comme Nexter ne sont pas protégées par leur statut et l’omniprésence étatique : l’Etat-propriétaire ou actionnaire à 100 % n’offre pas de garantie particulière en terme de sauvegarde de l’emploi. Pour preuve, les effectifs sont passés en 2004 et 2007 de près de 6000 à environ 2800. Pour maintenir effectifs, carnets de commandes, marchés, la probabilité d’un rapprochement avec un groupe implanté internationalement est élevée. Celui tenté avec les Allemands est resté lettre morte (exigences trop élevées), même si des coopérations existent (2006, coopération technologique avec Krauss-Maffei Wegmann, avec pour objectif la conception à l’horizon 2010 d’un démonstrateur d’une famille de blindés médians de moins de vingt tonnes).
Sont évoquées par ailleurs des options de restructurations dans l’industrie terrestre européenne, impliquant Nexter et des acteurs italiens ou britanniques (BAE Systems), ou Nexter et des groupes multi-domaines franco-européens, c’est-à-dire EADS, Thales ou Safran. Dans tous les cas, si Nexter veut se donner le maximum de chance pour participer à la prochaine vague de renouvellement des véhicules blindés médians (vers 2015-2020), une alliance devra être conclue au plus tard vers 2010.
L’Option BAE nous parait à la fois la plus crédible à l’heure actuelle, mais aussi la plus dangereuse. Dans le cadre du programme britannique FRES (Future Rapid Effect Systems, appel d’offre pour renouveler le parc de blindés moyens du Royaume-Uni, c’est à dire 3000 véhicules), Nexter a été sélectionné avec 2 autres modèles –le Boxer d’Artec, et le Piranha de GDLS-. A l’évidence, le VBCI est un bon produit, susceptible d’être choisi par les Anglais. Nexter apparaît comme le mieux placé. Mais ce contrat, crucial pour l’avenir de la société, impliquera en cas de succès d’importantes concessions : les anglais récupéreront la licence de fabrication et de vente illimitée de la solution FRES. Nous aurons ainsi payé les frais de développement de ce blindé pour les Anglais. Ce contrat historique pourrait être une occasion de vendre Nexter à BAE (dont le blindé n’a pas été sélectionné, mais qui a des infrastructures de construction).
BAE Systems, qui depuis le rachat de l’américain Armor Holding, réalise plus de 40 % de son chiffre d'affaires avec les Etats-Unis a émis une claire volonté de s’américaniser. Un rachat par BAE signifierait la fin de l’indépendance de notre industrie nationale d’armement terrestre lourd, et un moyen de pression indirect aux mains d’une culture qui reste singulière et souvent opposée à nos intérêts. Nous serions, pour la première fois de notre histoire vassalisés dans ce secteur industriel… L’Indépendance a un coût, certes. Mais l’intérêt national n’est-il pas supérieur ?
Sources
« L'industrie de défense française à la croisée des chemins: des industriels en quête d'une dimension internationale », in Fondation pour la Recherche Stratégique, Annuaire stratégique et militaire 2006-2007, Paris, Odile Jacob, 2007, pp. 123-145.
Nexter Systems -ex-GIAT Industries- en est la principale entreprise, qui est, exception culturelle oblige, détenue à 100% par l’Etat. Pour autant, Nexter Systems est-il protégé ? Il y a un paradoxe saisissant entre la hausse massive des budgets de défense depuis 10 ans, avec un quasi-retour aux niveaux de la guerre froide, et l’absence de croissance significative de l’activité de GIAT. Ajoutons à cela la concentration de la concurrence anglo-américaine. Enfin, la véritable question est : quelle va être à l’avenir l’orientation du décideur public concernant ce secteur ?
Ainsi, Nexter n’est-elle pas une société en danger, en sursis, malgré le redressement significatif de ces 2 dernières années ? Ce secteur, étant considéré par beaucoup comme moribond, -non stratégique et coûteux pour les finances de l’Etat-, va-t-il être jeté en pâture aux anglo-américains par nos « élites » ?
Un redressement difficile ces dernières années… malgré des atouts importants
Nexter, maître d’œuvre pour le secteur de l’armement terrestre, contrairement aux plus grands acteurs du secteur, n’est pas (plus) implanté à l’étranger –sa filiale belge FN Herstal a été rachetée par l’Etat Belge-.
Pourtant, Nexter bénéficie d’une expertise exceptionnelle en tant qu’intégrateur de systèmes d’armes terrestres : chars de combat (Leclerc, famille AMX), véhicules blindés (démonstrateur VEXTRA, VBCI), artillerie (systême CAESAR -artillerie montée sur camion), fusil d’assaut FAMAS avec la manufacture d’armes de Saint-Etienne (fermée par l’Etat). Ses produits sont d’une grande qualité (ex. le Leclerc est l’un des rares chars à pouvoir faire feu en pleine vitesse avec un taux de coup au but de l’ordre de 95%). Malgré cela, des défauts chroniques entravent cette société.
Depuis l’échec de la commercialisation du char Leclerc, fleuron de la technologie et de l’industrie militaire terrestre de notre pays (près de 800 unités vendues, pour moitié à l’armée française, l’autre aux Emirats Arabes Unis - contrat qui a par ailleurs posé de graves difficultés financières pour la société), Nexter a-t-il encore une réelle volonté de vendre non seulement sur le marché domestique, mais surtout sur les marchés extérieurs ?
Ceci étant dit, il ne faut pas négliger l’importance des relations d’Etat à Etat pour la négociation des ventes d’armes, et la difficulté contemporaine assez générale à exporter nos équipements (Rafale de Dassault), dans un contexte de concurrence exacerbée avec des programmes ou des pays étrangers concurrents (Chine, Etats-Unis).
Une culture particulière et une gestion chaotique qui entrave son développement ?
Plusieurs défauts souvent lourds de conséquences pour son développement doivent être notés.
En premier lieu, la culture de cette entreprise, fortement marquée par le lobby des ingénieurs de l’armement. Celui-ci est composé en majeure partie d’ingénieurs issus de polytechnique : Nexter n’est pas une société exempte de luttes claniques, ayant entraîné quelques pertes de personnes de valeur, au cours de ces dernières années. D’autre part, le fait est que toutes les directions de l‘entreprise sont occupés, à peu d’exception près, de « X-IA » (X-Ingénieur de l’armement)… S’il faut rendre justice à cette formation, qui fournit des « cerveaux » exceptionnels, excellant dans la technique (d’où nos produits de grande qualité), il faut préciser que ceux-ci ont une culture commerciale, en ressources humaines, en communication, en finance limitée…
Encore que le plus grave reste actuellement l’absence de stratégie commerciale, sauf à considérer que le recentrage sur le marché France dans le contexte actuel en est une, mais ici Nexter n’est pas seule en cause dans les grandes orientations (quid du rôle de la DGA, de l’Etat actionnaire ?)…
Enfin, Nexter gagnerait à favoriser les profils ayant des parcours variés (notamment en dehors de la société), car il apparaît que la plupart des cadres ont fait l’essentiel de leur carrière au sein de Nexter. La culture de mécanicien qui caractérise la société pourrait incorporer des éléments utiles à son évolution (par exemple la modélisation des matériels avant la construction des prototypes).
Autre point important: le lobbying et l’intelligence économique. Il existe un très clair manque en terme de lobbying vis-à-vis de l’Etat et du gouvernement, où l’on sent que Nexter peine à faire entendre ses intérêts, à la différence de Thales, EADS ou Dassault.
Mais, le plus tragique est certainement la médiocrité de la connaissance des produits des concurrents, quand ce n’est pas des défauts de ses propres produits, voire du coût de ceux-ci. Est-ce lié à la nouvelle « stratégie » de recentrage de Nexter sur le marché France, les contrats décrochés à l’export n’étant plus que « la cerise sur le gâteau » ? Est un retour au temps de la guerre froide, et de la philosophie des arsenaux ? Avons-nous abandonné toute velléité de conquête des marchés de la défense terrestre à l’étranger ?
Enfin, il faut bien voir la pauvreté du catalogue -celui-ci n’a pas été réédité depuis 2004 !- où le seul produit exportable (par sa qualité, sa disponibilité et la volonté de le produire) est le systême d’artillerie CAESAR. On pourrait citer le VBCI, mais après des désaccords profonds dans le passé entre les dirigeants de GIAT, le programme phare VEXTRA fut annulé, alors que ce programme s’annonçait davantage prometteur dans le domaine des véhicules blindés 8x8 que ne le fut le char Leclerc pour les chars de combat. Le programme actuel du VBCI est moins original et intervient bien trop tardivement sur ce segment de marché, déjà monopolisé par des concurrents présents depuis longtemps sur la scène internationale – on peut citer parmi eux le succès commercial de l’AMV 8x8 du finlandais Patria, du Piranha III de GDLS, vendus par milliers d’exemplaires…-.
Luttes claniques, plans sociaux ont entraîné des départs de talents, des coupes dans les programmes novateurs, le blocage d’idées intéressantes… En un mot, le management défectueux n’est pas sans responsabilité de la situation actuelle de la société. Tout ceci a d’ailleurs une traduction très simple : le discours reste « nous avons le meilleur produit du monde ! ». Mais on ne le vend pas.
Vers une disparition de cette partie de l’industrie de défense terrestre française ?
Autre détail. La comparaison avec Panhard General Defense, l’autre industriel de l’armement terrestre, est cruelle. Panhard est une entreprise à capitaux privés, florissante dans le domaine du véhicule militaire léger –PVP, Gavial…-, et ouverte aux partenariats pour conquérir de nouveaux marchés. Cette entreprise occupe l’un des segments les plus porteur du marché de la défense terrestre actuellement, déserté par Nexter Systems.
Nexter prépare toutefois un 4X4 et un engin blindé médian. De plus, elle a connu un redressement financier salutaire ces dernières années (bénéfices depuis 2 ans), mais avec des pertes en compétences qui peuvent rendre inquiet pour son avenir : sera-t-elle encore capable de construire un char en 2030 ? Pourra t-elle maintenir un CA proche de 800 millions d’euros et ses bénéfices nouvellement acquis sur le long terme ? C’est pourquoi on peut se demander si, malgré tous ces efforts, ne se profile pas dans les 5 ans une association ou un rachat
En effet, les entreprises publiques comme Nexter ne sont pas protégées par leur statut et l’omniprésence étatique : l’Etat-propriétaire ou actionnaire à 100 % n’offre pas de garantie particulière en terme de sauvegarde de l’emploi. Pour preuve, les effectifs sont passés en 2004 et 2007 de près de 6000 à environ 2800. Pour maintenir effectifs, carnets de commandes, marchés, la probabilité d’un rapprochement avec un groupe implanté internationalement est élevée. Celui tenté avec les Allemands est resté lettre morte (exigences trop élevées), même si des coopérations existent (2006, coopération technologique avec Krauss-Maffei Wegmann, avec pour objectif la conception à l’horizon 2010 d’un démonstrateur d’une famille de blindés médians de moins de vingt tonnes).
Sont évoquées par ailleurs des options de restructurations dans l’industrie terrestre européenne, impliquant Nexter et des acteurs italiens ou britanniques (BAE Systems), ou Nexter et des groupes multi-domaines franco-européens, c’est-à-dire EADS, Thales ou Safran. Dans tous les cas, si Nexter veut se donner le maximum de chance pour participer à la prochaine vague de renouvellement des véhicules blindés médians (vers 2015-2020), une alliance devra être conclue au plus tard vers 2010.
L’Option BAE nous parait à la fois la plus crédible à l’heure actuelle, mais aussi la plus dangereuse. Dans le cadre du programme britannique FRES (Future Rapid Effect Systems, appel d’offre pour renouveler le parc de blindés moyens du Royaume-Uni, c’est à dire 3000 véhicules), Nexter a été sélectionné avec 2 autres modèles –le Boxer d’Artec, et le Piranha de GDLS-. A l’évidence, le VBCI est un bon produit, susceptible d’être choisi par les Anglais. Nexter apparaît comme le mieux placé. Mais ce contrat, crucial pour l’avenir de la société, impliquera en cas de succès d’importantes concessions : les anglais récupéreront la licence de fabrication et de vente illimitée de la solution FRES. Nous aurons ainsi payé les frais de développement de ce blindé pour les Anglais. Ce contrat historique pourrait être une occasion de vendre Nexter à BAE (dont le blindé n’a pas été sélectionné, mais qui a des infrastructures de construction).
BAE Systems, qui depuis le rachat de l’américain Armor Holding, réalise plus de 40 % de son chiffre d'affaires avec les Etats-Unis a émis une claire volonté de s’américaniser. Un rachat par BAE signifierait la fin de l’indépendance de notre industrie nationale d’armement terrestre lourd, et un moyen de pression indirect aux mains d’une culture qui reste singulière et souvent opposée à nos intérêts. Nous serions, pour la première fois de notre histoire vassalisés dans ce secteur industriel… L’Indépendance a un coût, certes. Mais l’intérêt national n’est-il pas supérieur ?
Sources
« L'industrie de défense française à la croisée des chemins: des industriels en quête d'une dimension internationale », in Fondation pour la Recherche Stratégique, Annuaire stratégique et militaire 2006-2007, Paris, Odile Jacob, 2007, pp. 123-145.