Le rôle et l’importance des fonds d’investissement, dans un capitalisme mondialisé, seront les thèmes clefs du débat sur l’importance des marchés financiers dans les stratégies de développement des économies nationales. Dans ce débat, le Japon vient d’envoyer un signal fort aux fonds spéculatifs, ils ne sont pas les bienvenues dans l’économie japonaise. L’affaire « Bulldog sauce » est à ce titre caractéristique de l’attitude du Japon.
Marque historique et leader sur le marché du condiment, le groupe « Bulldog sauce » faisait l’objet d’une opération d’acquisition de la part de Steel Partners un fond d’investissement américain. L’opération a été contrée par l’équipe dirigeante de la compagnie japonaise. Le 7 juillet dernier, un tribunal de Tokyo a statué contre le fond de la manière suivante : "avait montré que son principal objectif était d'empocher des profits par des transactions financières et, éventuellement, par la cession des actifs de la société". Qualifiant Steel Partners d'acquéreur abusif", la cour d'appel de Tokyo a rappelé que "le profit est généré par des activités économiques impliquant, entre autres, les salariés et les consommateurs".
Cette vision du profit et de l’économie devrait inspirer les dirigeants européens, qui par souci de libéralisme, ouvrent les portes du capital des entreprises nationales à des acteurs mal identifiés, dont les intentions sont peu ou mal connus. Cette réflexion devra être rapide et approfondie, car la réaction du Keidanren (le patronat japonais), est le produit d’une des doctrines économiques les plus efficaces du XXéme siècle. On se souviendra notamment que le Japon avait lui-même lancé une offensive financière sur les économies occidentales à la fin des années 80. Il a donc une bonne vision de la puissance de l’outil financier dans les stratégies de domination économique.
Deux autres éléments à ajouter à la réflexion : la compagnie « Bulldog sauce » fabrique des sauces et des condiments, donc est très loin de constituer un actif stratégique de l’économie japonaise et a donc été défendue au nom d’une certaine idée des buts d’une entreprise et des moyens pour générer des profits (cf l’énoncé du jugement du tribunal de Tokyo). Ensuite les investissements étrangers représentent 2,4 % de l’économie japonaise contre 47,4 % pour la France, c’est dire la différence d’appréciation du niveau de menace entre les deux économies.
Stéphane Ledoux