Le bois d’œuvre : un enjeu de puissance dans la relation Etats-Unis/Canada ?

Le conflit du bois d’œuvre entre le Canada et les Etats-Unis est l’illustration parfaite de l’idéologie américaine concernant leur libéralisme, leur respect des institutions et des traités commerciaux. La réaction, récente, du gouvernement canadien semble traduire la volonté de ces derniers à sortir des barrières imposées par les américains.


Le conflit du bois d’œuvre entre les Etats- Unis et le Canada dure depuis une vingtaine d’années. Ce désaccord est le seul à noter dans la relation commerciale entre les deux pays, puisque 95% des échanges se font sans contestation.
Les origines de ce conflit remontent au début des années 80 lorsque les Etats-Unis se sont retrouvés dépendants des importations de bois canadien en raison de la faible rentabilité de leur production. Quelques années plus tard, incapable de concurrencer les prix canadiens, le gouvernement américain met en place une taxe sur le bois d’œuvre en provenance du Canada, accusant Ottawa de dumping et de subventions déguisées. Depuis, c’est une bataille quotidienne que se livrent les Américains et les Canadiens au travers des différents tribunaux tels que l’ALENA et l’OMC. Les différents verdicts ont jusque là été, majoritairement, favorables au Canada au détriment des Etats-Unis pourrait on croire. Mais il n’en est rien, puisque les Etats-Unis n’ont pas cessés de taxer le bois d’œuvre canadien malgré les jugements des tribunaux et ce depuis maintenant plusieurs années. Selon les dernières décisions du groupe spécial de l’ALENA les Etats-Unis doivent lever les taxes et rembourser les sommes déboursées par le Canada sur les droits compensateurs, ce qui représenterait un total de 5 milliards de dollar.


La super puissance américaine refuse, jusque là, de reconnaître qu’elle viole les fondements même de l’ALENA en imposant ses droits compensateurs. Elle n’admet pas que son partenaire économique le plus proche lui fasse concurrence sur un marché d’une telle envergure. Elle a fait le choix d’utiliser contre lui des armes déloyales telles que le protectionnisme. Cette politique engendre des dérèglements importants au sein de l’économie forestière du Canada et plus particulièrement du Québec. De nombreuses entreprises ont fermées, mettant en péril plusieurs milliers d’emplois.

Jusqu’à maintenant face à ce problème le Canada et les différents gouvernements qui s’y sont succédés n’ont jamais pris de mesures concrètes afin de protester contre cet abus de pouvoir. Les récentes élections ont abouti à un changement de gouvernement avec à sa tête Paul Martin en tant que premier ministre. Ce dernier, accompagné de son ministre du commerce international Jim Peterson, a pris la décision d’agir de façon moins diplomatique. En effet, au cours des derniers mois les discours concernant le conflit ont pris une tournure plus musclée. Le lien subtil entre pétrole canadien et bois d’œuvre est maintenant établi. La menace est claire, si les Etats-Unis veulent continuer à bénéficier du pétrole Canadien ils devront rapidement trouver une solution concernant le bois d’œuvre. Il en va de la sécurité énergétique des Etats-Unis qui est une des problématiques majeures de l’administration Bush. D’autant plus qu’ils sont dépendants des importations canadiennes. En effet, le Canada fournit la totalité de l’énergie hydroélectrique, 85% du gaz naturel et 16% des réserves de pétrole brut et raffiné.

La relation entre les Etats-Unis et le Canada illustre parfaitement le concept de la relation du faible au fort. Face à la suprématie des Etats-Unis, le Canada était resté jusque là bien impuissant et docile, en utilisant le cadre de l’ALENA, soulevant la question de son intégrité et de sa capacité à régler les différents. Aujourd’hui, tirer parti de son avantage concurrentiel parait être la meilleure opportunité pour le Canada de se faire respecter et entendre des Etats-Unis. Mais cette stratégie est à double tranchant car il faudra trouver d’autres débouchés pour le pétrole canadien qui est destiné à 99,9% aux Etats-Unis. Des négociations sont en cours pour mettre en place de nouveaux marchés avec la Chine, qui mettront du temps à se concrétiser. Mais un autre problème subsiste, dans un Etat fédéral comme le Canada, les ressources d’une province appartiennent à cette province. Or, l’Alberta, d’où provient le pétrole n’entend pas de la même façon cette stratégie. D’où la complexité de ce problème : renforcer l’unité nationale afin de mener à bien une stratégie de puissance envers les Etats-Unis.

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