La révolution des cleantech, un nouveau champ de compétitivité à base sociétale

Les États-Unis sont un grand pays, ce qui leur permet de dire une chose et de préparer son contraire. La position ultra conservatrice du gouvernement américain, sur l’environnement, ne doit pas masquer la révolution technologique qui se prépare aux Etats-Unis. Les liens de l’administration Bush avec l’industrie pétrolière sont probablement responsables de cette distorsion, mais une frange plus orientée vers l’innovation de l’industrie américaine se prépare activement pour une nouvelle révolution technologique, celle des cleantechs, et cela en dépit de l’attitude de Washington.

Un nouveau modèle d’entreprise se développe aux Etats-Unis. La conjonction de la culture d’innovation qui a fait le succès de la Silicon Valley et des nouvelles préoccupations des sociétés modernes pour l’environnement représente un mouvement de basculement d’une partie des entrepreneurs américains vers les technologies « vertes ». Débarrassé du carcan idéologique et militant, l’intégration des critères du développement durable devient un argument commercial dévastateur. A titre d’exemple, on considérera la compagnie Tesla Motors qui propose un coupé sport visuellement très proche de la Lotus Elise, avec une propulsion 100% électrique et des performances compatibles avec son statut de roadster : 0 à 100 Km/h en 4 secondes, 200 Km/h de vitesse pointe et une autonomie de 350 Km.  Ce modèle est donc très différent de ceux proposés par ses concurrents en Europe qui ressemble souvent à des réfrigérateurs sur pneus.

De nombreux entrepreneurs investissent dans les cleantechs car elles représentent un potentiel énorme pour la conquête de parts de marché. Certains investisseurs voient désormais dans les changements imposés par le respect de l’environnement plus d’opportunités que de contraintes. Les entreprises commencent également à réaliser que ces changements sont inéducables, et qu’ils auront un impact majeur sur leurs marchés. Ainsi dans la plupart des secteurs industriels : énergie, transport, matériaux etc…le renouveau des pratiques industrielles qu’implique le respect de normes environnementales plus contraignantes, va modifier la donne dans ces secteurs industriels. Ainsi s’engage une course entre deux types d’acteurs, les entrants purs cleantech qui misent sur des produits intégrant une ou plusieurs ruptures technologiques et les tenants du marché qui doivent adapter leurs offres au nouveau paradigme. Lorsque que l’on compare les sommes investies, les entreprises installées semblent avoir l’avantage mais l’histoire de la Silicon Valley montre que les petites structures, si elles sont bien gérées et financées, peuvent rivaliser et dépasser des géants industriels. Le rôle de l’Etat de Californie dans cette nouvelle révolution technologique n’est pas neutre. Désireux de renouveler le succès rencontré dans le secteur de l’Internet, les politiciens de l’Etat californien s’engagent au côté des entrepreneurs pour créer un environnement favorable à l’émergence de ces nouveaux acteurs. Ainsi, la Californie a pris le leadership dans le domaine des réductions d’émissions de gaz à effet de serre par des incitations fiscales et des subventions  dans le domaine des technologies vertes.

La croissance des investissements dans les cleantechs sont le fait des industriels mais également des groupes de capital risk et des investisseurs privés. La lutte a déjà commencé sur le marché américain. Les vainqueurs ont pour vocation à devenir des leaders mondiaux.  Le défi à relever pour l’Europe est important et se situe sur deux fronts :




  • Le front de l’innovation, ce qui n’est en soit pas nouveau, mais demeure inquiétant si l’on regarde de quel côté de l’Atlantique ont émergé les géants de l’informatique, de l’Internet ou des biotechnologies.

  • L’autre front est sociétal. En effet, les produits issus de cette révolution technologique disposent d’un avantage commercial basé sur un argument éthique, le meilleur impact écologique. Ils produiront les normes que nous nous imposeront de respecter dans le cadre de la démarche de développement durable, que nous avons initié.


De cette manière, on concède l’avantage compétitif issu de notre prise de conscience environnementale à des états moins vertueux. Mais ceux-ci sont plus réactifs et disposent d’un système d’innovation mieux structuré, refermant sur nous-même le piège qui consiste à ne pas avoir d’outils pour mettre en accord nos standards éthiques et notre outil de production.


Stéphane Ledoux