La réorganisation des services de renseignements face aux défis des nouvelles menaces
Le séminaire recherche de l’Ecole de guerre économique, organisé le jeudi 12 avril en partenariat avec l’Association nationale des Jeunes Auditeurs de l’IHEDN, a donné lieu à un échange d’idées entre deux experts du monde du renseignement américain et français.
Le séminaire a débuté par une intervention très didactique de Charles Cogan sur la problématique posée la mise en œuvre de l’action clandestine par les autorités américaines après les évènements du 11 septembre. Charles Cogan qui officie aujourd’hui à la John F. Kennedy School of Government, est l’un des historiens les plus reconnus du monde du renseignement américain de par sa longue expérience passée au sein de la Central Intelligence Agency. Il a mis l’accent dans son intervention sur la répartition des missions de « covert action » entre la CIA et le Pentagone. Les évènements du 11 septembre et le déclenchement de la guerre contre le terrorisme ont modifié la répartition des tâches dans ce domaine très spécifique de l’appareil d’Etat. Avant le 11 septembre, la CIA avait un monopole de fait de la mise en œuvre des actions clandestines. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le Pentagone a créé depuis plusieurs années ses propres unités d’action clandestine qui agissent à l’étranger sur différents théâtres d’opération. Contrairement à la CIA qui opère sous le contrôle des commissions parlementaires, le Pentagone a plus de liberté de manœuvre. Charles Cogan a commenté cette contradiction qui est rarement évoqué de manière publique.
De son côté, Jean Pierre Pochon (actuel directeur de la stratégie et du développement de Sécurité Sans Frontières, filiale du groupe SOFEMA) a la particularité d’avoir exercé des responsabilités dans plusieurs services de renseignement (DCRG, DST, RGPP, DGSE). Son intervention a porté sur le savoir faire français dans traitement de la menace terroriste. Si Jean-Pierre Pochon a mis en valeur les qualités du système français en insistant sur la coordination entre l’action policière et l’action judiciaire, il est aussi revenu sur les distinctions qui existent entre le système américain, confronté à l’immensité du territoire des Etats-Unis et le système français qui a su s’adapter aux menaces après les vagues d’attentat terroriste des années 80 et 90 sur le territoire métropolitain. S’il faut retenir un message des deux intervenants, c’est que le débat reste ouvert sur l’évolution face aux adversaires des démocraties qui utilisent au maximum nos contradictions et qui cherchent à pratiquer la montée des enchères dans l’intimidation des opinions publiques par la terreur. Les services américains sont aujourd’hui chapeautés par un directeur du renseignement qui doit encore affirmer sa légitimité pour se faire obéir par l’ensemble des agences fédérales de sécurité et de renseignement. Il en existe plus d’une vingtaine aux Etats-Unis. De leur côté, les services français ont encore quelques difficultés à faire évoluer leur culture interne afin d’optimiser leurs moyens plus réduits pour contrer les actes hostiles. Prenons le cas de la direction des Renseignements Généraux de la Préfecture de police. La mutation vers un renseignement d’ordre public n’a pas été simple. La concentration des efforts sur la note de synthèse remise chaque jour au Préfet de police constitue la colonne vertébrale du système inventé au début du XIXè par Fouché. Une grosse partie de l’énergie des personnels est polarisée par cette contrainte quotidienne qui laisse peu de temps disponible pour la création de bases de connaissance adaptée aux besoins du terrain ainsi qu’à l’initiation des personnels aux technologies de l’information. Il en est de même en matière de gestion des ressources humaines afin d’obtenir une rentabilité plus opérationnelle des effectifs sur la recherche de l’information.