Voulons-nous d’une économie de l’hydrogène ?

Un des défis les plus pressants que va devoir relever l’humanité, est l’établissement d’un ou plusieurs modèles énergétiques viables et durables pour assurer son futur. Le modèle actuel basé sur l’exploitation du carbone fossile (gaz, pétrole, charbon) comme source énergie primaire n’est plus viable à terme pour deux raisons principales : l’épuisement des ressources et les conséquences de l’émission des gaz à effet de serre.
Pour se substituer à cette économie du carbone, une alternative bénéficie d’un soutien très important : il s’agit de l’économie de l’hydrogène, parmi ses partisans elle compte même le Président des Etats-Unis qui n’est pourtant pas un écologiste convaincu. Qu’est ce qui rend l’utilisation de l’hydrogène si séduisante pour que des leaders d’opinion tel que Jeremy Rifkins y voit le futur de l’humanité ?
En faite c’est très simple, lorsque vous brûlez de l’hydrogène, vous obtenez de l’énergie et le seul rejet est de l’eau. Le concept est tellement séduisant qu’il est à l’origine de la légende du moteur à eau, née dans les années 70, seulement l’eau n’est pas le carburant mais le rejet. Ainsi un véhicule qui fonctionnerait à l’hydrogène, à combustion interne ou avec une pile à combustible, serait non polluant, puisqu’il n’émettrait que de l’eau. Il y a juste un petit piège : l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, il s’agit d’un vecteur énergétique.

L’hydrogène est l’élément le plus abondant de l’univers, 90 % des atomes de l’univers sont des atomes d’hydrogène, de plus il est léger et non toxique et recel un potentiel énergétique énorme. Malheureusement, il n’est pas disponible sous forme libre sur notre planète. Son fabuleux potentiel énergétique fait qu’il est lié à d’autres atomes notamment l’oxygène pour formé de l’eau. Donc si l’on veut utiliser de l’hydrogène, il va falloir consommer de l’énergie pour le produire, le problème n’est pas résolu, il est déplacé.
Pour produire de l’hydrogène, il existe deux méthodes principales :
- Le reformage de carbone fossile
- L’hydrolyse de l’eau.

La première voie consiste à faire réagir à très haute température des hydrocarbures (pétrole, charbon, gaz …) et de l’eau pour obtenir de l’hydrogène et du dioxyde de carbone. Cette voie est donc une simple dérivation de l’économie du carbone avec les limitations et les problèmes évoqués dans l’introduction : épuisement des ressources et gaz à effet de serre, avec en plus une pénalité en termes d’efficacité les opérations supplémentaires ont un coût énergétique et financier.La seconde consiste produire de l’hydrogène et de l’oxygène par électrolyse de l’eau, par l’action d’un courant électrique. Cette approche nécessite donc une source d’énergie primaire pour produire l’électricité. Si l’on exclut les hydrocarbures pour éviter de retrouver les problèmes précédents, les sources d’énergies primaires possibles sont le nucléaire et les énergies renouvelables (hydroélectrique, solaire, vent…), le rendement de l’opération étant d’environ 50 %, il reste à s’interroger sur la pertinence de l’opération.

Le département américain de l’énergie, a publié une étude sur les coûts de production de l’hydrogène,  (référence 1), où il conclut que la méthode la plus rentable est à base de charbon,  deux fois plus rentable que le nucléaire ou le gaz et dix fois plus rentable que le solaire.On peut bien sûr imaginer un futur ou les sources d’énergies renouvelables auront progressé au point de compenser ce handicap, alors il conviendra de se demander si l’hydrogène est le meilleur vecteur énergétique possible. En effet puisqu’il est produit à partir d’électricité pourquoi ne pas se concentrer sur des modes de stockages de l’énergie, plutôt que sur un vecteur qui nécessite une infrastructure lourde complexe et potentiellement dangereuse.

L’hydrogène est un gaz très léger et très fluide, ainsi pour être stocké, il doit être comprimé à très haute pression (jusqu'à 700 bars) et cela nécessite des réservoirs très résistants donc très lourds. BMW a présenté une nouvelle version de sa série 7 à hydrogène (moteur de 6l et 260 CV) baptisée Hydrogen 7 : elle embarque 8 kg d’hydrogène liquide dans un réservoir en inox pesant 129 kg, soit un rendement massique de 6,2%. BMW espère doubler cette valeur grâce aux développements d’un réservoir en aluminium. Les performances du réservoir actuel permettent d’atteindre une durée de stockage de 17 heures avant que la soupape de surpression s’ouvre pour une pression interne de 5,1 bars. Devant de tels paramètres, il est difficile d’imaginer à quoi ressembleront les camions-citernes du futur. La très grande fluidité de l’hydrogène rendra nécessaire l’établissement de nouveaux standards d’étanchéité pour les gazoducs. En réalité si l’on passe réellement à une économie de l’hydrogène ce n’est pas uniquement le système de production qu’il faudra repenser mais également le mode de distribution.

En conclusion, si l’hydrogène peut être un vecteur énergétique utile dans certaines applications de niche ou pour le stockage de l’électricité dans des conditions très particulières. Il ne pourra pas s’imposer comme vecteur dominant car il est complexe d’utilisation et ne pourra être compétitif par rapport aux sources d’énergies qui sont nécessaires à sa production. Le « mix » énergétique du futur sera complexe et l’hydrogène aura son rôle, mais il est aberrant de le voir représenté par certains lobbies industriel et écologique comme l’unique solution pour le futur. A titre d’anecdote l’hydrogène a déjà été utilisé dans les années trente dans le domaine des transports, à l’intérieur des dirigeables, la fin est connue, elle a même été filmée : http://www.youtube.com/watch?v=8V5KXgFLia4

Stéphane Ledoux


Référence 1 : http://www1.eere.energy.gov/hydrogenandfuelcells/news_cost_goal.html