L’ensemble est basé sur une plate-forme wiki, une alternative simplifiée au code HTML qui favorise le travail collaboratif. Collaboratif est le mot-clef du concept Wikipedia, les articles sont rédigés à l’initiative des internautes, le plus souvent collectivement. Parce que le projet ne veut pas sombrer dans l’anarchie, il existe des utilisateurs disposant de droits supplémentaires : les administrateurs, les stewards, les bureaucrates et les développeurs. Ils s’assurent que les articles sont bien conformes à la charte Wikipedia et arbitrent les conflits entre éditeurs.
Sur ces bases Wikipedia est devenue un succès, elle est par exemple régulièrement classé parmi les dix sites web les plus consultés. Il est plaisant d’observer qu’à l’ère du web 2.0 et d’une marchandisation croissante de l’internet et de la connaissance un projet libre et gratuit ait connu une telle réussite. Autre motif de fierté pour Wikipedia l’étude publié le 15 décembre 2005 par Nature qui compare 50 articles scientifiques issus de l’Encyclopedia Brittanica et leurs équivalents sur Wikipedia (en anglais) concluant que si les deux séries d’articles contiennent des erreurs, leurs qualités sont comparables. Cette étude est évidemment contestée par l’institution britannique et abondamment citée par Wikipedia.
Seulement une telle réussite n’est pas sans conséquences, en effet la réputation croissante et les particularités du mode d’édition de Wikipedia, l’exposent à toutes les dérives de la guerre par l’information. Nous ne parlons pas ici seulement du vandalisme qui consiste à insérer des informations fausses, calomnieuses ou élogieuses dans un article. Ces pratiques qui ont été une des principales maladies de jeunesse de la plateforme, existent encore mais sont plus ou moins contrôlé par les éditeurs, vous n’avez qu’à espérer être chanceux. Mais un problème plus profond, car il implique une caractéristique fondamentale de wikipedia : l’anonymat des auteurs.
Les contributeurs sont anonymes, il est donc impossible d’évaluer leurs compétences, l’affaire récente d’un éditeur américain (Le Monde 09/03/07) se présentant comme un docteur en théologie qui s’est révélé être un étudiant de 24 ans plagiant notamment « le catholicisme pour les nuls ». À cette critique, on peut résumer la réponse de wikipedia par : Ne critiquez pas, corrigez. Cette solution permet de réfuter toutes les critiques et de tolérer toutes les dérives. Ainsi si vous tapez Taiwan, vous tombez sur une fiche qui semble avoir été rédigée par le Bureau politique du parti communiste chinois. Taiwan n’existe pas en tant que pays….Cette manière de traiter un sujet est pour le moins inquiétante. Les modérateurs de Wikipédia ont-ils pour principal souci de ne pas déplaire à la Chine communiste.
Mais un autre manquement grave existe dans Wikipedia, c’est l’absence de réflexion sur la nature des connaissances diffusées. Un exemple parmi d’autres est celui du TATP. Il s’agit d’un explosif utilisé par les groupes terroristes, notamment pendant les attentats de Londres en juillet 2005. Le TATP a deux particularités, il est très instable et peut être fabriqué à partir de produits relativement banaux et facilement disponibles, ces informations sont d’ailleurs contenues dans l’article. Mais l’absence de responsabilité et de réflexion sur la nature de la connaissance a conduit les éditeurs à aller plus loin, ils fournissent le mode opératoire qui permet de préparer cette substance. La page contient toutes les mises en gardes sur les dangers de l’expérience, mais fournit néanmoins une procédure complète et détaillée issue de la littérature scientifique. Cette littérature qui est accessoirement protégée par le copyright, est destinée à des spécialistes ayant acquis l’expérience et la maîtrise de ce type de substances. Il demeure que la mise à disposition de la procédure exacte de préparation d’une substance surnommée « mother’s of satan » à cause du danger direct et immédiat qu’elle représente relève de l’irresponsabilité la plus navrante.
Le TATP n’est pas un cas isolé, d’autres substances dangereuses (explosifs, stupéfiants…) sont abondamment documentées chez Wikipedia, et les modes de préparation documentés en interne ou en externe. Wikipedia aime se comparer à l’encyclopédie Brittanica, mais l’équipe qui anime cette démarche est encore très loin du but et risque même d’être dénoncée dans les années à venir comme un projet irresponsable.