Les pays développés font face ces dernières années à une augmentation importante de leurs dépenses de santé. Dans une économie mondiale globalisée, le coup financier du système de santé est parfois perçu par certains comme un handicap à la compétitivité d’une économie nationale.
Au-delà de la dérive éthique que représenterait une analyse risque bénéfice appliqué à la santé publique, il est important de garder à l’esprit qu’un système de santé efficace est un facteur de stabilité et de performance pour une économie en maintenant la force de travail opérationnelle et en offrant à la population une protection efficace contre les crises de santé majeures (risques alimentaires, pandémies, etc.…). Cependant il est légitime de vouloir améliorer l’efficience du système et de vouloir en réduire les coûts, si cela ne dégrade pas le service rendu et ne crée pas d’effet indirect néfaste dans les secteurs économiques associés.
Ainsi si l’on regarde les efforts en cours en France pour réduire les dépenses de santé, un des éléments phares des multiples plans de réduction des dépenses est le développement des médicaments dit génériques. Cela permet aux médecins ou aux pharmaciens de prescrire aux patients des copies de médicaments princeps (molécules originales, développé à très hauts coûts par des entreprises privées), ces copies dites génériques offrent un effet thérapeutique identique, mais elles sont vendues moins cher parce que le génériqueur n’a pas a supporter les coûts très élevés de recherche et développement ou les coûts marketings du produit princeps. Le même service thérapeutique pour un coût moindre, on a donc amélioré l’efficience du système.
Cette stratégie remplit donc assurément deux des trois objectifs, réduire la dépense et ne pas dégrader la qualité du service médical, mais est-elle sans conséquences sur le secteur pharmaceutique ? Les dépenses pharmaceutiques représentent un peu moins de 20% du budget de la santé, est-il efficace de concentrer autant d’efforts de réduction de dépenses sur seulement un cinquième du problème global ? Les entreprises du médicament représentent 100 000 emplois en France, et le secteur pharmaceutique est un des secteurs les plus compétitifs de l’économie mondiale. Il n’est peut-être pas stratégiquement habile pour une économie nationale de concentrer ses efforts de réduction de dépenses sur la seule part d’un budget soumis à la compétition internationale.
Une autre conséquence de la promotion des génériques est de financer de nouveaux concurrents dans les pays émergents, par exemple en l’Inde avec Ranbaxy ou DrReddy, qui profitent du faible coût de la main d’œuvre locale pour concurrencer les producteurs des pays développés, ainsi réalisent-ils 80% de leurs chiffres d’affaires sur les trois marchés classiques Amérique du nord, Europe, Japon.
Ces industriels profitent du marché du générique pour financer des capacités de production. En effet, la production de générique permet une meilleure visibilité des retours sur investissement et n’expose pas aux risques et aux aléas des investissements en recherche et développement. Cependant ces producteurs déclarent vouloir rejoindrent le marché du princeps le plus rapidement possible, car c’est là que réside la vraie rentabilité de l’industrie pharmaceutique.
Dans un contexte où le discours politique base la compétitivité d’une économie sur sa capacité à investir dans le développement de la connaissance, il y a quelque chose de paradoxal à promouvoir la copie légale d’un produit dont la création réclame de très lourds investissements dans l’intelligence.