La stratégie de développement de la Norvège en vue de l’ère de l’après–pétrole

La Norvège apparaît à l’heure actuelle comme un modèle de développement et de bonne gestion pour nombre d’Etats, notamment européens. Tirant partie des revenus engendrés par l’exploitation du pétrole de la Mer du Nord, découvert en 1971, la Norvège est devenue l’un des pays les plus riches du monde et est le premier exportateur européen de gaz naturel et de pétrole. Anticipant la disparition prochaine de pétrole en Mer du Nord, le Government Petroleum Fund (GPF) fut créé en 1991.


Ce fonds pétrolier du gouvernement géré par la banque centrale a pour objet d’investir les recettes pétrolières à l’étranger, notamment en soutien à des projets de développement durable, ce qui permet d’éviter une part trop importante d’investissement de l’argent pétrolier dans l’économie nationale. Les Norvégiens ont pu utiliser pour leurs dépenses courantes les intérêts de ces investissements à l’étranger. Les estimations quant au montant du Government Petroleum Fund varient, cependant il serait compris entre cent quarante et cent soixante dix milliards de dollars. De par son engagement dans des projets de développement, notamment dans les pays pétroliers d’Afrique, la Norvège tend à augmenter son rayonnement sur la scène internationale. Les deux principales compagnies pétrolières norvégiennes, Statoil et Norsk Hydro sont engagées dans l’offshore au Nigeria, en Angola, mais aussi en Asie Centrale où elles financent des projets de développement et de formation d’ingénieurs et de techniciens. Ses transferts de compétence s’inscrivent eux aussi dans une perspective de long terme. Statoil et Norsk Hydro font bénéficier ces pays pétroliers de leur expérience dans l’extraction de pétrole offshore en conditions difficiles, et des technologies élaborées dans les mers côtières norvégiennes.

La Norvège se fait ainsi l’accompagnateur de ces Etats sur la voie du développement, préparant un éventuel retour sur investissement de ses initiatives, et construisant dès aujourd’hui un soutien sur la scène internationale. De plus, la contribution financière de l’Etat norvégien aux organisations internationales, telles l’Organisation des Nations Unies (ONU) est une des plus importantes parmi les pays membres. En 2002, la Norvège a en effet consacré 0,89% de son produit intérieur brut en aide publique, dépassant ainsi le taux de 0,7% fixé par l’ONU. Si la France semble avoir quelques difficultés à penser la notion de patriotisme économique, force est de constater que les Norvégiens se la sont appropriée. L’Etat norvégien accompagne ses entreprises dans leur développement, et contrôle les secteurs clé de son économie, notamment le secteur pétrolier. L’Etat détient 43,80% de Norsk Hydro, et n’a que récemment ouvert le capital de la firme Statoil aux investissements privés. Cette mainmise de l’Etat sur l’activité économique témoigne d’un souhait de faire bénéficier la nation des richesses de son sous-sol, et de rendre le pays compétitif au niveau international, aujourd’hui, mais surtout à l’avenir, d’asseoir cette puissance financière et technologique dans une perspective de long terme.

Le succès de cette stratégie est indéniable, la manne pétrolière porta l’un des pays les plus pauvres de l’Europe occidentale, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, au premier rang en terme de développement humain, selon le rapport publié en 2001 par le Programme des Nations Unies pour le Développement. En 2003, le taux de chômage était de 4,10% en Norvège, et le taux de croissance de 1,9%. Les revenus issus de l’exploitation du pétrole sont également destinés à garantir une éducation et des prestations de santé de qualité, ainsi qu’à financer les retraites d’une population vieillissante. L’économie nationale est majoritairement tournée vers l’activité pétrolière, l’industrie navale norvégienne s'étant spécialisée pour satisfaire les besoins de chantiers de recherche et d'exploitation des hydrocarbures en mer. Néanmoins, les industries s’appuyant sur les autres richesses naturelles du pays s’avèrent également prospères. La Norvège a développé des technologies avancées, notamment pour l'exploitation de l'aluminium, dont elle est un important producteur et exportateur, mais aussi pour les ferro-alliages, pour les produits des industries électrochimiques et de la transformation du bois (bois de construction, pâte de bois et papier). Ces différentes industries sont tournées vers l’exportation, de même que les industries spécialisées dans la prospection et l’exploitation des ressources sous-marines.

La Norvège a ainsi su bâtir tout un savoir-faire qui lui est propre en vue de l’optimisation de ses richesses, dont fait aussi partie le saumon. Ces industries exportatrices lui permettent d’équilibrer sa balance commerciale, car du fait de rudesse du climat, la Norvège doit importer près de la moitié de ses produits alimentaires. La Norvège fait donc figure d’excellent gestionnaire de ses ressources et parvient à maintenir le dynamisme de la nation et de l’économie, dans une période de croissance économique lente dans le reste de l’Europe. La mise en avant de la dimension prospective et la création d’un fonds en vue de faire perdurer les bénéfices de l’industrie pétrolière constituent un modèle de projection de la puissance sur le long terme, mais aussi au niveau international, où s’accroît le rayonnement de la Norvège. La Norvège est autosuffisante en termes de production énergétique, bien que malgré son statut de pays producteur de pétrole, sa population paye les carburants au prix fort. Au fur et à mesure des avancées technologiques, de nouveaux gisements sont découverts, comme ce fut récemment le cas en mer de Barents, avec la nappe baptisée « Blanche-Neige ».

Il est à noter que les récentes élections du 12 septembre 2005 ont montré le souhait de la population de débloquer les fonds du GPF pour maintenir son niveau de vie, et enrayer l’augmentation des taxes conséquente à la prise de valeur de la couronne norvégienne, qui avait notamment pénalisé les entreprises exportatrices. Ainsi, le leader populiste, Carl I. Hagen, qui avait axé sa campagne sur la critique du GPF, a recueilli 22,1% des suffrages ; et le gouvernement de droite en place jusqu’alors est tombé au profit de la coalition de gauche. LM