La Chine développe son Internet

Après la demande de la Chine envers l’ISO (International Standards Organization) de revenir sur sa décision concernant le rejet de son système de cryptage « WAPI » (1), au profit de la norme américaine de chiffrement « 802.11i » développée par l’Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE), l’empire du Milieu développe son (l’) Internet du futur.En effet, « Cinq opérateurs chinois, dont China Telecom et China Mobile, sont en train de construire les réseaux IPv6, certains d'entre eux devant être testés à grande échelle vers la fin de l'année. Selon le China Education and Research Network 2 » (2), Le standard IPv6 (3) doit répondre au besoin croissant d’attribution d’adresse IP de par le monde pour remplacer à l’horizon 2010 l’IPv4. On constate alors que la Chine semble avoir pris conscience des enjeux liés à la sécurité des systèmes d’informations et des informations elles-mêmes sans perdre de vue l’importance conférée à une nation par une indépendance technologique couplée à l’indépendance informationnelle.
De plus, « les chercheurs et industriels chinois travaillent à standardiser et à commercialiser applications et matériels compatibles IPv6 dans le but de rendre plus compétitives les entreprises chinoises au niveau international (4)» . A la lecture de cette phrase certaines notions qui s’en dégagent peuvent inspirer plusieurs choses. Tout d’abord, on dénote que industriels et chercheurs travaillent de concert à des problématiques techniques concernant le système d’information. Le fait qu’il s’agisse d’Internet, donc de la plus grande source ouverte au monde, illustre le fait que les autorités chinoises ont conscience de l’importance de celle-ci et que son « contrôle » d’un point de vue technique n’est pas sans conséquence. Le pendant du « contrôle » technique d’Internet est celui plus « théorique », via l’ICANN, de sa gouvernance sur laquelle les américains renforcent leur mainmise. Ceci, fait écho à la demande conjointe des autorités française et chinoise de déléguer cette gestion « théorique » à l’ONU. Ce que les américains ont rejeté sous prétexte qu’il s’agissait « d’une question de politique nationale (5) ».
Ensuite, la standardisation de certains matériels, applications et protocoles offre un certain formatage de l’environnement et constitue donc un important vecteur et facteur d’influence. Dernier élément remarquable, la compétitivité des entreprises chinoises qui en découle.

Assurément la guerre économique, qui passe aussi par la maîtrise, amont comme aval, des canaux de diffusion de l’information et de l’information en elle-même, a semble t-elle été très bien appréhendée et comprise par les autorités chinoises comme le démontre ce nouvel exemple. En effet, en mettant en place 4 années avant le reste du monde le standard IPv6, en privilégiant sa propre norme de cryptage, la Chine fait montre d’une anticipation certaine qui ne sera peut-être pas sans conséquence sur l’évolution future du standard IPv6, en particulier et de l’Internet en général, sa mise en place et le formatage, par l’influence normative entre autre, de l’environnement qui en découle.

L’empire du Milieu a peut-être fait sien les mots de Sir Winston Churchill à propos de l’avenir : « J’aime que les choses arrivent et, si elles n’arrivent pas, j’aime les faire arriver ».

Vincent Munier
http://www.hubdulibre.org

1. Source : http://www.pcinpact.com/actu/news/29079-Un-complot-americain-contre-le-sansfil-chino.htm
2. Source : http://www.generation-nt.com/actualites/19007/chine-internet-reseau
3. Pour de plus amples informations techniques : IPv6 Théorie et Pratique de Giséle Cizault aux éditions O’Reilly
4. Ibid
5. Propos tenus par David Gross lors du sommet de Tunis en novembre 2005