On assiste, depuis plusieurs dizaines d’années maintenant, au transfert silencieux et bien souvent inconscient, de normes et de modèles anglo-saxons dans la vie quotidienne des Européens. Si l’obésité, la téléphagie et quelques autres excès sont régulièrement dénoncés par les médias, ce n’est pas le cas pour d’autres sujets, pourtant aussi déstructurants à terme. En effet, les comportements cités ne constituent que la partie émergée d’un iceberg fort inquiétant. Et si nous assistons parfois à des réactions énergiques de rejet sur un sujet donné, il est bien rare que les causes de cette réaction soient analysées avec justesse et lucidité.Le dernier exemple en date est celui de la levée de bouclier provoquée à l’automne dernier par la publication du rapport Inserm « Trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent ». De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le caractère faussement scientifique d’un document qui n’aurait été destiné qu’à cautionner les choix de Nicolas Sarkozy en matière de prévention précoce de la délinquance. Rares ont été ceux qui ont cherché à comprendre pourquoi l’Inserm avait pu s’inscrire dans une ligne aussi différente de ses publications antérieures.
Bruno Percebois, membre du syndicat national des médecins de PMI (Protection maternelle et infantile) a cependant évoqué une « application du libéralisme au champ sociétal » venu des Etats-Unis. Si la notion de libéralisme sociétal reste floue, l’analyse semble juste concernant la provenance des théories qui ont nourri la rédaction du rapport Inserm.
En effet, la stratégie américaine de « dominance » par le Social Learning s’inscrivant sur tous les champs de la société, l’importation de normes comportementales pour les enfants en est un élément. Des spécialistes de la psychologie ont déjà dénoncé l’abus de traitements (notamment la Ritaline, destinée à calmer des enfants qualifiés d’hyperactifs) venant d’Outre-Atlantique.
Le rapport Inserm s’inscrit donc dans cette ligne. L’école de psychologie française, riche d’une longue histoire, avait en effet toujours été très attachée à prendre en compte l’enfant dans sa globalité, respectant les expressions de souffrance que peuvent être les troubles du comportement, au sens large. Socialement et culturellement, il était par ailleurs admis qu’un enfant puisse être « difficile » à un moment donné de son évolution, auquel cas divers soutiens pouvaient lui être offert. Le glissement s’est opéré vers une tolérance bien moindre à ces expressions, et un recours de plus en plus fréquents aux traitements médicamenteux.
Un « effet secondaire » du rapport a été de susciter un débat politique franco-français, puisque l’origine des théories exprimées dans le rapport n’ayant pas été mise en lumière, l’opposition s’est hâtée de n’y voir que la main du ministre de l’Intérieur, qui s’apprêtait à publier son plan de prévention de la délinquance.
Le rapport Inserm en lui-même pouvait être contesté en tant qu’analyse, par des spécialistes de la psychologie infantile qui auraient dénoncé les conclusions avec lesquelles ils étaient en désaccord. Le rapport Sarkozy, de son côté, pouvait être contesté en tant que projet politique.
Il s’est, à la place, produit un amalgame évitant à chacun de poser les vraies questions, et surtout de commencer d’y apporter de vraies réponses.
En effet, dénoncer systématiquement l’échec des politiques mises en place depuis 10/15 ans (comprendre «notamment sous la gauche »), comme le fait le rapport Benisti (rapport préliminaire au projet de loi sur la prévention de la délinquance) ne dispense pas d’une étude de fond sur les évènements historico économiques qui sont à l’origine de cet état de fait. S’en abstenir revient à se condamner à ne jamais trouver d’issue véritable à ce problème : l’arrivée massive, à la demande des grands industriels français, de main d’œuvre bon marché issue des pays du Maghreb, dans les années 60, et l’absence totale de réflexion humaine et politique entourant leur arrivée : absence de politique de logement , ayant entraîné la ghettoïsation, absence de politique éducative et culturelle (enseignement de la langue française) ayant favorisé l’enfermement sur la communauté, absence de réflexion sur la place de la religion pour ces populations déracinées, ayant formé le terreau des extrémismes.
Et l’importation, quarante ans après ces évènements, de normes anglo-saxonnes plaquées sur un système français de psychologie qui a déjà fait ses preuves, malgré quelques dérives, ne pourra certes pas résoudre le problème au fond.
Ce n’est pas en traitant un problème de manière totalement réductrice que l’on se donne les moindres chances d’y apporter une réponse efficace et inscrite dans la durée. La France ne peut plus faire l’économie d’une remise en cause, efficace et sans flagellation inutile, pour avancer dans une direction qu’elle aura véritablement choisi, sous peine de voir se multiplier et gagner définitivement du terrain ces innovations qui ne sont ni autochtones, au sens premier du terme, ni transpositions volontaires et bien comprises.
Evidemment, d’un point de vue électoral, il en va tout autrement…
CF
Bruno Percebois, membre du syndicat national des médecins de PMI (Protection maternelle et infantile) a cependant évoqué une « application du libéralisme au champ sociétal » venu des Etats-Unis. Si la notion de libéralisme sociétal reste floue, l’analyse semble juste concernant la provenance des théories qui ont nourri la rédaction du rapport Inserm.
En effet, la stratégie américaine de « dominance » par le Social Learning s’inscrivant sur tous les champs de la société, l’importation de normes comportementales pour les enfants en est un élément. Des spécialistes de la psychologie ont déjà dénoncé l’abus de traitements (notamment la Ritaline, destinée à calmer des enfants qualifiés d’hyperactifs) venant d’Outre-Atlantique.
Le rapport Inserm s’inscrit donc dans cette ligne. L’école de psychologie française, riche d’une longue histoire, avait en effet toujours été très attachée à prendre en compte l’enfant dans sa globalité, respectant les expressions de souffrance que peuvent être les troubles du comportement, au sens large. Socialement et culturellement, il était par ailleurs admis qu’un enfant puisse être « difficile » à un moment donné de son évolution, auquel cas divers soutiens pouvaient lui être offert. Le glissement s’est opéré vers une tolérance bien moindre à ces expressions, et un recours de plus en plus fréquents aux traitements médicamenteux.
Un « effet secondaire » du rapport a été de susciter un débat politique franco-français, puisque l’origine des théories exprimées dans le rapport n’ayant pas été mise en lumière, l’opposition s’est hâtée de n’y voir que la main du ministre de l’Intérieur, qui s’apprêtait à publier son plan de prévention de la délinquance.
Le rapport Inserm en lui-même pouvait être contesté en tant qu’analyse, par des spécialistes de la psychologie infantile qui auraient dénoncé les conclusions avec lesquelles ils étaient en désaccord. Le rapport Sarkozy, de son côté, pouvait être contesté en tant que projet politique.
Il s’est, à la place, produit un amalgame évitant à chacun de poser les vraies questions, et surtout de commencer d’y apporter de vraies réponses.
En effet, dénoncer systématiquement l’échec des politiques mises en place depuis 10/15 ans (comprendre «notamment sous la gauche »), comme le fait le rapport Benisti (rapport préliminaire au projet de loi sur la prévention de la délinquance) ne dispense pas d’une étude de fond sur les évènements historico économiques qui sont à l’origine de cet état de fait. S’en abstenir revient à se condamner à ne jamais trouver d’issue véritable à ce problème : l’arrivée massive, à la demande des grands industriels français, de main d’œuvre bon marché issue des pays du Maghreb, dans les années 60, et l’absence totale de réflexion humaine et politique entourant leur arrivée : absence de politique de logement , ayant entraîné la ghettoïsation, absence de politique éducative et culturelle (enseignement de la langue française) ayant favorisé l’enfermement sur la communauté, absence de réflexion sur la place de la religion pour ces populations déracinées, ayant formé le terreau des extrémismes.
Et l’importation, quarante ans après ces évènements, de normes anglo-saxonnes plaquées sur un système français de psychologie qui a déjà fait ses preuves, malgré quelques dérives, ne pourra certes pas résoudre le problème au fond.
Ce n’est pas en traitant un problème de manière totalement réductrice que l’on se donne les moindres chances d’y apporter une réponse efficace et inscrite dans la durée. La France ne peut plus faire l’économie d’une remise en cause, efficace et sans flagellation inutile, pour avancer dans une direction qu’elle aura véritablement choisi, sous peine de voir se multiplier et gagner définitivement du terrain ces innovations qui ne sont ni autochtones, au sens premier du terme, ni transpositions volontaires et bien comprises.
Evidemment, d’un point de vue électoral, il en va tout autrement…
CF